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de quelques pays excluent de la compagnie des honnêtes gens, ou qui, ailleurs, en sont exclus par la coutume et l'opinion commune. Beyer dit que la fonction de bourreau est communément jointe au métier d'écorcheur; ce qui annonce qu'on la regardait comme quelque chose de très-bas. On prétend qu'en France c'était celle des bouchers.

Cependant, il faut croire que, du temps des factions des Armagnacs et des Bourguignons, le bourreau n'était pas rejeté de toute société; car on lit, sous la date de 1418, que la reine de France, exilée à Tours, qui s'était unie au duc de Bourgogne, étant revenue avec lui dans Paris, où son entrée ressembla à un triomphe, ce duc affecta des manières si popu-. laires et si grandes, qu'il souffrit que le bourreau lui vînt prendre la main, en qualité de capitaine d'une milice bourgeoise, composée de la plus vile populace, et toute dévouée à la faction bourguignone.

Barthole, sur la loi 2, de publicis judiciis, dit que, si l'on manque de bourreau, le juge peut absoudre un criminel, à condition de faire cette fonction, soit pour un temps, soit pendant toute sa vie; et, dans ce dernier cas, celui qui est condamné à faire cette fonction, est proprement servus pænæ.

Autrefois, l'exécuteur de la haute justice avait droit de prise, comme le roi et les seigneurs ; c'està-dire de prendre chez les uns et les autres, dans les lieux où il se trouvait, les provisions qui lui étaient nécessaires, en payant néanmoins dans les termes du crédit accordé pour ces sortes de prises.

En 1260, un clerc nommé de Borel, possédait le fief de Bellencombre, à la charge de pendre les voleurs du canton, Sa qualité, s'il était prêtre, ce qui n'est pas certain, le dispensait sans doute de les exécuter de sa propre main; mais c'était son affaire de pourvoir à leur exécution. En conséquence, il prétenle roi lui devait les vivres tous les jours de

dait que

l'année.

C'est de ce Borel que, suivant l'opinion la plus générale, serait venu le nom de bourreau; et ce qui pourrait donner un grand poids à cette opinion, c'est le passage déjà cité de Monstrelet, par où l'on voit que le mot bourreau se prononçait comme bourrel, du temps de cet historien.

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Toutefois, l'exactitude de cette origine a été contestée. On a prétendu, contre l'assertion de Villaret, qu'elle n'était qu'une conjecture, et l'on s'est appuyé de l'autorité de Chorier. Cet auteur fait observer, en effet, que, près d'un siècle après l'époque où l'on place les exécutions du clerc Borel, dans le jugement de l'empoisonneur de Raimond, baron de Meuillon, rendu en 1323, les deux exécuteurs sont simplement appelés commissaires et spiculateurs; ce qui apprend, ajoute Chorier, que la désignation de bourreau n'était pas encore en usage, et que l'exécution des jugemens de mort ne notait pas d'infamie la personne qui la faisait, les noms de commissaires et de spiculateurs ne pouvant facilement devenir susceptibles de sens honteux et injurieux.

Cette circonstance ne serait pas concluante. La dé

nomination de commissaire peut s'entendre de personnes qui auraient été commises, par exception, et pour un cas particulier, à l'exécution des deux coupables, ce qui peut naturellement se supposer dans un temps où l'œuvre de bourreau n'avait rien de déshonorant; et en effet, on ne dit point que les fonc+ tions de Borel fussent alors considérées comme une charge honteuse, ou une flétrissure pénale attachée au fief de Bellencombre. Au reste, on donne ici l'argument puisé dans l'observation de Chorier. pour ce qu'il vaut, et chacun est libre d'en tirer la conséquence qu'il lui plaira,

Sauval, dans ses Antiquités de Paris (1), dit que les religieux de Saint-Martin doivent tous les ans, à l'exécuteur, cinq pains et cinq bouteilles de vin, pour les exécutions qu'il fait sur leurs terres; que les religieux de Sainte-Geneviève lui payaient cinq sous tous les ans, le jour de la fête, à cause qu'il ne prend pas le droit de havée, qui est une poignée de chaque denrée sur leurs terres.

Ce droit dont parle Sauval, qu'on appelle communément havage, havagium, vieux mot, signifie le droit qu'on a de prendre sur les grains, dans les marchés, autant qu'on en peut prendre dans la main.:

Le bourreau de Paris avait un droit de havage dans les marchés; et à cause de l'infamie de son métier, on ne le laissait prendre qu'avec un cuiller de ferblanc, qui servait de mesure. Ce droit a été supprimé.

(1) T. 11, p. 457.

Celui de Pontoise avait la même faculté; mais, par accommodement, elle fut transmise à l'hôpital-général de cette ville (1).

Le roi est le seul en France qui ait des exécuteurs en titre d'office. Autrefois, les seigneurs qui avaient haute justice n'avaient cependant point de bourreau : lorsqu'il se présentait quelque exécution à faire dans une justice seigneuriale, ou même dans une justice royale pour laquelle il n'y avait point d'exécuteur, on faisait venir celui de la ville la plus voisine (2).

Ces offices, dit Loiseau, sont les seuls auxquels il n'y a aucun honneur attaché : ce qu'il attribue à ce que l'office de bourreau, quoique très-nécessaire, est contre nature. Cette fonction est même regardée comme infâme; c'est pourquoi, quand les lettres du bourreau sont scellées, on les jette sous la table, (Édit. C. L.)

(1) Voyez les Amén. littér

(2) Pendant la révolution, le bourreau de Paris fut admis au grade d'officier dans les armées. Le représentant du peuple Lequinio, en mission à Rochefort, voulant honorer le bourreau de cette ville, l'embrassa dans la société populaire, le fit dîner avec lui et ses collègues Guesno et Topsent, fit prendre aux membres de la société populaire l'engagement de le seconder dans ses exécutions, et proposa à la Convention nationale de lui décerner le titre de vengeur national.

Un décret du même temps, qui interdit le nom de bourreau, y substitua celui d'exécuteur des jugemens criminels.

DU ROYAUME

DE LA BASOCHE (1).

LE 2 juillet de l'année 1448, la communauté des clercs des procureurs du parlement de Paris, connue sous le nom de la basoche, fit donner, dès le matin, par ses timballes, trompettes, hautbois et bassons, à ses officiers, les aubades ordinaires qu'elle leur fait donner tous les ans en leurs demeures particulières, pour les rassembler, et les avertir de se rendre en corps au palais, où ils vinrent ensuite faire donner de pareilles aubades au Parlement, à la Cour des aides, et aux Requêtes de l'hôtel, comme ils ont coutume de les donner tous les ans à peu près dans ce même temps, lorsqu'ils se disposent à partir pour aller faire couper dans la forêt de Bondi, le mai qu'ils font élever devant le perron de la cour du palais.

Ils se promenèrent dans la ville, suivant leur usage, pendant plusieurs jours, tous à cheval, marchant deux à deux, au nombre de vingt-cinq ou trente, avec un étendard à leurs armes. Depuis quelques années, ils ont l'attention d'avoir tous, pour cette cavalcade, des

(1) Extr. des Variétés historiques, ou Recherches d'un savant (RECUEIL), 1752, t. 3, avec des additions, par l'Edit. C. L.

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