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ecclésiastiques propriétaires, et d'en former une seule corporation. Une loi autorise les établissemens religieux, reconnus par la loi, à s'approprier indéfiniment tous biens meubles ou immeubles, par acte entre-vifs ou à cause de mort; et, sans loi, on a vu se former dans tout le royaume des établissemens ecclésiastiques dont l'utilité est plus que douteuse, dont les inconvéniens ne sont que trop connus.

120. Viennent ensuite des priviléges de suspension de paiement et des dettes en faveur des émigrés et des colons de Saint-Domingue, et ces priviléges se renouvellent; ils n'ont point de fin. Une résolution approuvée dans les deux chambres, heureusement négligée par le ministère, propose implicitement de violer trois fois la Charte, afin de priver les ecclésiastiques mariés (même avec dispense du pape) de leurs pensions légitimement où légalement acquises. Les deux chambres adoptent; mais le roi n'a pas sanctionné ce monument d'injustice et de haine.

121. Enfin, un projet de loi d'élection est présenté; les introuvables en prennent occasion de demander à se perpétuer intégralement, cinq années consécutives, contre le texte de la Charte. La France, depuis 1814, n'a point connu de péril plus grand que celui d'être si long-temps représentée par ces exagérés. La chambre des pairs refuse d'approuver. L'ordonnance du roi du 5 septembre 1816, en prononçant la dissolution de

la seconde chambre, a fondé le crédit public et sauvé la France. La juste espérance de voir anéantir toutes les contre-lois, de voir observer complétement et développer les articles de la Charte, s'est en partie réalisée. Les contre-lois, deux exceptées, continuent de nous affliger; et à la fin de, 1818, des préfets, des maires, des officiers du ministère public, bien d'autres fonctionnaires à leurs ordres, et nommés dans l'esprit de la réaction, planent sur les têtes des citoyens.

122. Les sessions de 1816 et de 1817 nous ont donné une loi sur les élections et une sur le recrutement, qui ont obtenu la reconnaissance publique. Nous devons d'ailleurs au ministère de grands bens négatifs; il a usé, sans beaucoup d'erreurs, des armes funestes que sa volonté, que la réaction, que le malheur des tems ont mises dans ses mains, et que ses agens ont rendues cruelles ; mais il n'a pas fait de grands maux qu'il pouvait faire, et il en a réparé quelques-uns. Il est excusé, absous peut-être, par les excès des factieux. Menacé directement de leurs coups, il a déconcerté, en 1818, leurs derniers complots. Il a malheureusement continué de travailler les élections; il s'est trop alarmé de trois nominations' honorables, que toute l'intensité irrégulière de ses efforts n'avait pu empêcher. Les deux lois salutaires sur les corps

1 Celles de MM. Dupont, de l'Eure (éliminé depuis comme juge), de Lafayette et Manuel.

électoraux et sur le recrutement, ont été menacées par la faction nobiliaire, au nom même de l'étranger; mais par la formation d'un nouveau ministère, le pouvoir royal a dissipé les alarmes, rétabli l'harmonie, et ranimé les justes espérances de liberté constitutionnelle, c'est-à-dire, de justice et de stabilité. Pourquoi faut-il qu'avant tout on ait proposé d'éterniser par une loi et par d'autres actes, le souvenir de nos humiliations; d'aggraver le poids des charges publiques, afin de récompenser des services heureusement dénués de preuves, et de faire à la Charte deux blessures nouvelles, en aliénant des biens de la liste civile, en légalisant la plaie politique des majorats?

FIN DU LIVRE PREMIER.

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123. Ici, le mot droit signifie non pas des lois ni des recueils de lois, mais toutes les facultés d'agir ou de n'agir pas que les lois attribuent expressément ou tacitement aux hommes. Les lois, dans le sens le plus étendu, sont des règles de conduite imposées par une autorité supérieure.

Tout droit suppose une loi qui l'établit; il suppose, en même tems, le devoir ou l'obligation de souffrir l'exercice de tout droit que la loi attribue

à autrui; autrement, de s'acquitter des devoirs, des obligations attachés expressément ou tacitement par la loi au droit qu'elle constitue. Mes devoirs, attachés à l'exercice de mon droit, font partie des droits d'autrui.

124. Le mot tacitement qu'on vient d'employer deux fois, doit être expliqué. On s'en sert ici pour comprendre parmi les droits et les devoirs, nonseulement ceux que la loi exprime littéralement par son texte, mais aussi tous ceux qu'elle comprend, qu'elle suppose dans son esprit, c'est-à-dire, dans sa volonté reconnue par exacte déduction de són texte, ou par inductions claires tirées de la droite raison, de la nature des choses. C'est là une conséquence inévitable de l'insuffisance du langage humain, souvent trop vague ou obscur par l'équivoque des expressions, ou par leur briéveté néces

saire.

La raison ou l'esprit d'une loi est aussi obligatoire, et souvent plus clairement obligatoire que son texte, puisque c'est la volonté même du législateur. On dit, par une métaphore assez convenable, que l'esprit de la loi est l'ame de la loi, et que les paroles n'en sont, pour ainsi parler, que l'enveloppe ou le cadavre. Dans les lois, comme dans les conventions, c'est donc la volonté qui oblige et non pas la lettre, qui n'est qu'un signe de la volonté.

125. Mais quelquefois la raison du législateur, sa volonté, sont obscures comme le texte peut

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