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l'être, ou sont généralement controversées. Alors, la décision, l'interprétation spéciale pour telle personne, pour tel cas donné, appartiennent naturellement aux applicateurs de la loi. L'interprétation par voie de décision générale, est une loi, ou elle n'est rien qu'une instruction, une direction, un conseil, justes ou injustes. Elle ne peut valoir comme loi, elle n'est absolument obligatoire que lorsqu'elle a été faite, en observant toutes les formes nécessaires aux lois. S'il y a dans un état plusieurs branches de l'autorité législative, aucune de ces branches ne peut donc s'attribuer à elle seule l'interprétation générale ce serait usurpation du pouvoir législatif. La puissance exécutive qui s'arrogerait l'interprétation générale des lois fondamentales ou secondaires, se constituerait ennemie de la nation et de toute liberté.

126. Les lois sont divines ou humaines.

Les lois divines sont naturelles ou révélées. Celles-ci influent plus ou moins sur les actes des législateurs humains; mais, en elles-mêmes, elles ne règlent avec indépendance que la conscience ou ce qui concerne la morale, la religion, c'est-à-dire, les dogmes religieux ou la discipline ecclésiastique intérieure.

127. Pour le chrétien et même pour le simple théiste, qui, admettant la puissance infinie et la souveraine justice de Dieu, croit à la Providence, la loi naturelle n'est pas seulement la droite raison, l'équité naturelle; c'est la volonté même de Dieu

manifestée par ses ouvrages, autrement par la nature des étres, et reconnue par la raison. Le trèspetit nombre des hommes qui ont le malheur de professer l'athéisme, ne rejette pas toujours les lois naturelles ; mais il n'y peut reconnaître que des convenances plus ou moins probables, plus ou moins sujettes à contestation; il n'y aperçoit de lien moral que l'utilité prétendue dont il se fait le souverain juge.

Il y a même des athées qui n'admettent aucun droit naturel que celui qui dérive d'une convention formelle.

Le moindre inconvénient de ces systèmes d'athéisme, dont les funestes conséquences préjugent la fausseté, est d'obliger les législateurs à rendre les lois plus dures et plus terribles.

128. Les lois humaines sont constitutionnelles ordinaires, autrement secondaires. Les lois constitutionnelles, qu'on appelle aussi lois fondamentales, sont celles qui énoncent les conditions premières du pacte social: ces conditions que les autorités constituées sont dans l'heureuse impuissance de jamais changer légitimement, si ce n'est avec l'acquiescement de la nation, ou avec des formes particulières, qui doivent être établies par la constitution. Les lois ordinaires ou secondaires sont toutes les autres lois. Celles-ci, l'autorité législative constituée peut généralement les changer à volonté, pourvu que ce soit en respectant les premiers principes du droit naturel, qui sont la

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compétens pour déroger, par aucun acte, aux lois constitutionnelles. Ces lois établissent ce qu'on appelle, par excellence, le droit public constitutionnel, supérieur aux actes de toutes les autorités qui n'exercent pas le pouvoir constituant.

Il y a des lois et conséquemment des droits qui ne sont ni constitutionnels, ni politiques, mais qui. sont appelés publics ', c'est-à-dire, qui appartiennent à l'ordre public, qui l'intéressent à tel point, que nul ne peut valablement y déroger par aucune convention, par aucun acte.

Ces lois sont d'abord toutes les lois qui concernent les fonctionnaires publics, les règles et les formes à suivre dans les actes publics; voilà le droit public intérieur de chaque état. Le droit naturel appliqué aux intérêts des nations entre elles, les traités et les usages concernant ces mêmes intérêts, forment le droit public extérieur, le droit international, jus inter gentes.

Voy. page 119, no 142.

CHAPITRE II.

Droits politiques et civils des Français, avant la Charte de 1814.

Pacta servanda.

133. CE chapitre serait tout-à-fait inutile, si la flatterie et les passions ne s'efforçaient pas sans cesse de tout obscurcir, et de contester ce qu'il y a de plus certain.

- Il s'est glissé dans le préambule de la Charte, et dans le discours ministériel, pour annoncer qu'elle était mise sous les yeux du sénat et du corps législatif, des locutions inexactes, qui ont semé la défiance dans les cœurs, et n'ont que trop favorisé l'entreprise de mars 1815.

On a dit la Charte n'est qu'un acte libre, ou arbitraire et révocable du pouvoir royal, un pur octroi, un don que le prince peut retirer, une ordonnance de réformation, que l'on pourrait miner sourdement, puis révoquer au jour favorable, comme l'édit de Nantes. On l'a dit; et le trône royal a été renversé une seconde fois. Des ex-privilégiés l'ont vu, l'ont souffert comme les autres; et, après la seconde restauration, ils ont renouvelé ces mêmes attaques, se fondant sur l'équivoque, sur des formules vicieuses, affectant de

136. L'antiquité enseigna toujours, et le monde présent crie plus haut qu'elle, cet oracle, qu'on retrouve même dans la théocratie judaïque, et dans le plus ancien code rédigé pour les Français, par leurs représentans 1 : la loi du gouvernement est un pacte volontaire et librement consenti; elle ne tire pas son origine, son principe obligatoire de la volonté d'un homme; elle doit d'ailleurs être la voix de la justice même. Elle n'est donc point une grâce. Lorsqu'on l'a promise, elle n'est, quand on la donne, que le paiement de la dette la plus sacrée; et, dans sa nature, elle ne ressemble à rien moins qu'à un octroi, c'est-à-dire, à une concession faite par pitié, par compassion, par miséricorde ; elle est, il faut le répéter, une convention réciproque, un contrat obligatoire pour tous les membres de la cité, la délégation et la détermination des grands pouvoirs. Tous les peuples ont droit d'avoir une constitution. Disons donc, sans hésiter, que la révocation de la Charte ne saurait dépendre de la seule volonté des rois, et que s'il pouvait arriver qu'elle fût révoquée, la nation ne manquerait pas de s'en procurer une autre, peut-être plus libérale dans ses dispositions, plus complète et plus exacte dans sa rédaction. Au commencement du dix-neuvième siècle, dans un sujet si relevé, on rougit

1 La loi Salique intitulée : Pactus legis Salicæ. Lex est communis reipublicæ sponsio. Papinien, loi 1. Dig. de Legibus.

2 Doctrine des émigrés eux-mêmes, consignée dans le Rapport fait à sa majesté Louis XVIII, par M. de Monthion. Londres, 1796, in-8°. `

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