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qu'à cet égard, les étrangers doivent être de la même condition que les Français, quoique la Charte ne le dise pas et qu'elle semble dire le contraire. Il ne peut y avoir d'exceptions, qu'autant qu'elles sont autorisées par quelques lois en vigueur, et pour des cas extraordinaires, tels que ceux de justes représailles, ou d'un danger national imminent.

Contre les étrangers, les Anglais ont leur alienbill, qui, vu sa longue permanence, la légèreté des motifs et l'état de paix extérieure de l'Angleterre, semble avoir le caractère d'un abus. Par les articles 11 et 13 du Code Civil, et par son décret du 26 août 1811, Napoléon s'était fait aussi son alienbill, contraire aux lois de 1791.

Napoléon est tombé, et ses institutions nous oppriment, sur les étrangers comme sur beaucoup d'autres objets. Cependant, il y a dans ce décret du 26 août 1811, des dispositions abrogées de droit selon l'esprit de l'article 68 de la Charte.

154. Ces mots par la loi, dans notre article 4, doivent s'entendré d'une loi secondaire qui ne soit pas contraire à la Charte, et non pas d'une loi exceptionnelle, autrement d'un coup d'état permanent, ni d'un arrêté administratif quelconque. Cette observation s'applique aussi à la liberté ou franchise des poursuites illégales, dont il sera traité § 2 de ce chapitre.

155. Les lois et les réglemens en vigueur depuis la révolution, fondées sur des circonstances de tems et de localité, nous ont imposé la néces

sité habituelle et presque universelle des passeports à l'intérieur et à l'extérieur; on en a fait un objet de fiscalité : de nouvelles gênes se multiplient par les visa des passeports, leur dépôt et leur restitution arbitraire. Cette police et ses abus méritent l'attention des législateurs. Pourquoi ne serionsnous pas en pleine paix, un peu plus libres que dans les cas d'invasion de l'étranger, de guerre civile ou de révolte?

156. La franchise d'arrestation et de détention illégale renferme la liberté d'aller, de rester, de partir, de voyager; conséquemment le droit d'émigrer à l'étranger, soit passagèrement, soit définitivement, mais non pas celui de se liguer contre la patrie, ni de lui susciter des guerres étrangères ou civiles, ni de porter les armes contre elle.

Cette franchise contient également la liberté civile de quitter les monastères et les maisons conventuelles existant légalement en France, ou plutôt qui existeraient avec une autorisation légale; comme aussi le refus d'entrer ou de résider dans un séminaire, si un prêtre y était envoyé par son supérieur ecclésiastique. Il n'y a point de loi, il ne peut y en avoir qui charge les magistrats de violenter, d'arrêter, de détenir, de punir ceux qui manquent à observer des vœux de religion. Quant à la réclusion despotique dans les séminaires, il est vrai qu'elle est autorisée par la loi de 1802 sur le concordat; mais cette autorisation, si l'on pouvait la maintenir sans limites, ne pourrait s'entendre

que d'un père qui veut conserver l'état et l'exercice du sacerdoce, et non de celui qui aurait suffisamment constaté sa volonté de renoncer au ministère, ce qui lui est permis tacitement par le droit naturel et par l'article 5 de la Charte.

157. La constitution de 1791 et celle de 1795 définissent avec assez de précision les cas et surtout les formes des arrestations légales, et même les peines du crime de détention illégale; ainsi, notre garantie de liberté individuelle n'était point abandonnée au bon plaisir des législateurs secondaires. Une précaution si sage manque dans la Charte; et comme les sénatus-consultes, le Code Criminel et les décrets de Bonaparte ont vraiment détruit ou rendu illusoires les garanties de la liberté individuelle, il résulte de notre article 4, que la Charte a laissé ces mêmes garanties ou détruites ou illusoires. C'était déjà un assez grand malheur; et il a été aggravé par la faute des ministres et des deux chambres, pendant quatre années du gouvernement par les lois d'exception, par les successeurs zélotes des magistrats épurés, et par les différens tribunaux extraordinaires. Il nous manque donc, sur la liberté personnelle, une loi qui développe la Charte et lui donne un sens, une loi tutélaire et digne d'entrer un jour dans la Charte revisée. C'est un de nos pressans besoins.

M. le duc de Broglie a promis d'en faire la proposition; mais dans l'état présent, il sera forcé de prendre la voie trop alongée de l'initiative indi

recte. Son travail est attendu avec une vive impatience. Puisse-t-il être prévenu ou du moins appuyé par le zèle et l'activité du ministère !

158. C'est ici le lieu d'insérer quelques remarques et quelques vues d'amélioration qui ne sont que trop fondées.

La haine profonde et légitime contre les lettres de cachet, fut l'un des puissans leviers de la révolution. Les haines exagérées contre l'emploi des agens provocateurs au crime, contre le régime illégal et même légal des arrestations et des détentions, trop faciles, trop multipliées, trop prolongées, trop arbitraires, trop vexatoires, sont des sentimens qu'il faut calmer, ne fût-ce que pour en prévenir l'explosion.

159. La prison est vraiment un supplice. Il faut diminuer en nombre les cas trop multipliés où ce supplice est infligé antérieurement à la condamnation; et, dans les cas d'emprisonnement forcé durant la procédure, la prison subie avant le jugement définitif doit être comptée dans le tems de la peine infligée; enfin, cette peine de la prison antérieure et postérieure au jugement, doit être réglée par la loi, et imposée par les autorités avec une modération que nos codes et nos usages ne connaissent pas.

Tous les lieux de détention sont des écoles et des séminaires de vices et de crimes. On nous corrompt, on nous déprave, on nous perd en multipliant sans nécessité, en prolongeant avec excès les déten

œuvre si sainte, pour connaître et pour faire connaître et adoucir, autant qu'elles le pourraient, les abus qui frappent toute espèce de prisonniers. De telles sociétés seraient dignes de toute la faveur du gouvernement.

164. Mais, ce qu'il y aura de plus efficace, lorsque la responsabilité ministérielle, enfin réglée par une loi, ne sera plus un vain mot, c'est la surveillance des deux chambres; c'est le droit de pétition exercé devant elles, déterminé d'une manière libérale par de plus sages réglemens, ou par des usages à introduire.

Les ordres du jour ne doivent pas étouffer les demandes les plus légitimes; les éclaircissemens donnés par les ministres ne doivent plus être qualifiés, par qui que ce soit, d'éclaircissemens officieux, c'est-à-dire de pure complaisance; tout renvoi d'une affaire à un ministre doit être suivi d'une prompte réponse de sa part, et d'un rapport quelconque de la commission des pétitions. C'est l'esprit de la Charte et ce que suppose le principe de la balance des pouvoirs. L'arrestation, la détention arbitraire, autorisées par un ministre, est une trahison, un cas de responsabilité ministérielle.

SII.

Liberté ou sûreté personnelle contre les poursuites illégales.

165. La poursuite contient toutes les procédures de police judiciaire et de justice criminelle, correc

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