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cela, pour célébrer, pour inculquer deux hétérodoxies dangereuses!

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184. Je ne parle point de ces curés, en petit nombre, qui affectent non-seulement de lire, d'imprimer et d'afficher les mandemens ou discours sur chaque testament, mais de prêcher eux-mêmes sur ce sujet, et avant et après la lecture de ces ctes. Tout cela serait crime aux termes des artrles 114 et 123 du Code Pénal, si, par une loi simple et nécessaire, les ministres des cultes étaient mis u rang des fonctionnaires publics, relativement aux actes faits dans leurs fonctions, à dessein de conrevenir aux lois de l'état, ou aux ordres exécutif.conformes à ces lois.

Liberté de

CHAPITRE VII.

presse. (Article 8 de la Charte.)

185. Ce n'est pa. seulement en fait de religion que la raison et la Charte protègent le droit naturel de penser, de prler, d'écrire, de faire imprimer et distribuer se opinions, c'est sur toute matière, sur toute questan généralement.

On doit être libre (indiquant sur l'imprimé l'auteur ou l'imprimeur) de pblier ses opinións par la voie de la presse, comme parler aux passans, comme d'aller et de venir das la voie publique.

Ces deux libertés naturelles sont aussi nécessaires l'une que l'autre, quoique l'on puisse en abuser, comme on peut abuser de tout ce qui est permis. L'abus des écrits consiste à nuire à la société même, ou bien aux individus ; et il est punissable, si le genre ou l'espèce de l'abus se trouve prévu par les lois criminelles.

Ainsi, point de censure, point de permission ni expresse, ni tacite à obtenir de l'autorité avant de mettre en vente; mais on répond des écrits après leur publication.

186. Il est donc permis de critiquer, à tort ou avec raison, les lois et tous les actes des autorités, pourvu, que ce soit en gardant le respect dû au roi, aux chambres, aux ministres, aux magistrats, aux bonnes mœurs, sans provoquer directement à enfreindre les mauvaises lois, à désobéir aux ordres légaux, à résister aux jugemens irréformables, et sans menacer, calomnier, injurier, diffamer les individus. Quant à la provocation indirecte, elle ne serait qu'un délit interprétatif, conséquemment un acte licite, ou une faute dont la répression doit être abandonnée à l'opinion de ceux qui la connaissent, à la conscience de celui qui la commet. En poussant plus loin la sévérité, le législateur fe

1 Voyez la 'Session de 1817, par M. Camille Jordan, pages 64 et suivantes, où il réfute le faux système de la nécessité d'une preuve légale, pour censurer un acte de l'autorité. Voyez aussi pages 118 et suivantes, ibid. ; et pages 225 et suivantes, tome II, des Eclaircissemens sur les troubles du Midi, par M. Lauze de Peret.

rait beaucoup de mal, et à vrai dire, nul bien. II nuirait à la tranquillité, au bonheur de tous, à l'instruction nécessaire, à la sécurité même des gouvernans, ainsi qu'à celle des gouvernés. La liberté de la presse, définie comme on vient de le faire, est de la nature et de l'essence des gouvernemens représentatifs, tous fondés sur le respect de l'opinion publique, et sur une juste déférénce à cette opinion de la part des autorités. Cette liberté a de si heureux effets, qu'elle pourrait seule rendre supportable un gouvernement qui n'aurait pas d'autre frein extérieur; et, sans elle, toutes les garanties constitutionnelles et légales deviennent insuffisantes. Le Censeur européen, la Bibliothèque historique, la Chronique religieuse, la Minerve, etc., ont rendu de grands services à la France et à son gouvernement.

187. L'article 8 de la Charte est ainsi conçu :

« Les Français ont le droit de publier et de faire >> imprimer leurs opinions, en se conformant aux >> lois qui doivent réprimer les abus de cette li» berté. ›››

En indiquant sur l'imprimé l'auteur ou l'imprimeur, l'auteur se conforme aux lois qui doivent réprimer les abus commis, et punir les auteurs et complices de ces abus. C'est ainsi qu'en général on est libre d'aller et de venir avec voiture dans les rues et sur les chemins, en inscrivant sur le char le nom, ou les armes du propriétaire, ou un numéro qui le fasse connaître, en cas de dommage

causé aux passans. Si les rédacteurs de la Charte eussent voulu prescrire la censure ou la permission de l'autorité avant la publication des écrits, et mettre ainsi dans le domaine royal la faculté de publier des livres, des brochures ou des journaux, comme s'y trouvait jadis le droit même de travailler, d'exercer une profession; dans cette double hypothèse, ils eussent terminé ainsi notre article 8: En se conformant aux lois qui doivent prévenir les abus, etc.; mais, supposant cette rédaction qu'ils ont écartée, parce qu'elle serait pernicieuse, la Charte, pour cette seule clause, qui rendrait toutes les autres illusoires, aurait dû être repoussée par les chambres, comme elle l'eût été par l'opinion de toutes les personnes éclairées et impartiales.

188. Il est vrai que cet article si essentiel a été continuellement violé par les lois, ou plutôt par les contre-lois des 21 octobre 1814, 8 avril, 20 juillet et 9 novembre 1815, et du 28 février 1817. Néanmoins, après de rudes combats contre les ministres, nous avons de fait à-peu-près la liberté entière des livres et des brochures; et quoique ce triomphe partiel de la Charte soit malheureusement une victoire de l'opinion, une pénible conquête des écrivains, il est vrai, du moins, que la jouissance n'en est plus contestée directement, qu'elle fait très-peu de mal et beaucoup de bien; qu'elle est utile au roi, aux ministres, à la nation, à tous, excepté aux oppresseurs et aux brouillons.

189. Les écrits politiques se succèdent avec une telle rapidité, un tel succès, qu'ils nous aident à supporter l'inconstitutionnel esclavage des journaux qui dure encore; et cet esclavage est devenu ainsi bien plus dommageable aux ministres qu'il ne leur est commode. Sans doute, ils y renonceront d'eux-mêmes, ou seront forcés d'y renoncer, aussitôt qu'ils seront constitutionnels, ou qu'il y aura, dans la chambre des députés, plus d'amis de la Charte entière que de ministres, de sous-ministres, d'agens officiels, et de créatures des ministres. Alors, nous cesserons d'être de pire condition que nos voisins les Anglais, les Belges et les Allemands; et l'argent que nous employons à nous procurer, avec empressement, leurs journaux prohibés en France, tournera au profit de notre commerce et de notre industrie..

190. Cependant, on se plaint des durs traitemens qu'éprouvent dans des tribunaux les écrivains défenseurs et souvent martyrs de nos libertés. L'excès du mal finira par apporter le remède. Nous aurons une loi appelée par les voeux publics; une loi qui conciliera les précautions de police et les systèmes de compétence, avec la justice et la liberté de la presse; qui abrogera, puisqu'il le faut, la contre-loi, en quelque sorte abrogée par ellemême, du 9 novembre 1815, et qui attribuera la décision de la culpabilité sur tous les délits de la presse aux jurés, à des jurés, qui ne seront plus de simples commissaires choisis par les agens mi

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