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nistériels, mais des hommes pris au sort parmi les citoyens lettrés électeurs ou éligibles.

191. Quant à la détermination des délits et des peines en cette matière, elle est assez exacte, assez sévère dans le Code Criminel de février 1810, et rien n'empêche qu'avec le tems on ne la corrige, on ne l'enrichisse de plusieurs dispositions sages, présentées et discutées dans les nouveaux écrits, presque innombrables, qui ont paru en France sur la liberté de la presse et sur la répression des abus de cette liberté.

CHAPITRE VIII.

Propriété. ( Articles 9, 10, 66 et 70 de la Charte.)

192. « TOUTES les propriétés sont inviolables, sans aucune exception de celles qu'on appelle nationales, la loi ne mettant aucune différence entre elles » (art. 9).

<< L'état peut exiger le sacrifice d'une propriété, pour cause d'intérêt public légalement constaté mais avec une indemnité préalable » (art. 10).

<< La peine de la confiscation des biens est abolie, et ne pourra être rétablie » (art. 66).

<«< La dette publique est garantie. Toute espèce d'engagement pris par l'état, avec ses créanciers, est inviolable » (art. 70).

Ces quatre articles sont analogues et veulent être expliqués de suite.

La propriété est le droit d'employer, comme il nous plaît et sans nuire à autrui, nos facultés naturelles et acquises, et de jouir à notre gré des biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels, qui nous appartiennent.

Elle a son fondement dans la loi naturelle, dans nos besoins et nos facultés, dans la possibilité de les satisfaire, sans nuire au droit d'autrui; elle naît de l'occupation, du travail, des conventions ou de la loi. Avant qu'il y ait un gouvernement, elle n'a de garantie que l'isolement des individus et des familles dans de vastes déserts, la force du maître, la justice des voisins. Les nations n'ont entre elles que ces mêmes garanties, et n'en sont pas moins incontestablement propriétaires. On ne saurait trop répéter que les droits ou la justice existent avant les lois humaines, et que les lois ne sont faites que pour mieux conserver les droits, maintenir plus sûrement toutes les propriétés. Les écrivains qui disent le contraire se trompent, servent le despotisme; s'il y a des ministres faisant des phrases pour accréditer la même erreur, c'est qu'ils ne veulent point de frein à leur domination arbitraire, point de barrière exclusive de leurs contre-lois.

193. Pour l'avantage de tous, l'ordre social assure à la propriété les garanties les plus efficaces; il lui procure des développemens, des extensions. précieuses; il lui assigne aussi des limites fixes,

mais raisonnables; et si la loi permet à l'autorité de disposer d'un bien privé pour l'avantage public, ce n'est qu'au moyen d'une juste et préalable indemnité '.

Les atteintes portées au droit de propriété par injures, insultes, menaces, voies de fait, anticipation insensible, violence ou dol, doivent être soigneusement prévenues et réprimées par nos lois et par nos magistrats. Ces vérités et d'autres encore sont comprises dans notre article 9: « Toutes les propriétés sont inviolables. >>

194. Il ajoute : « Sans aucune distinction de celles qu'on appelle nationales, la loi ne mettant aucune différence entre elles. » On trouve encore ici une recherche de laconisme ou d'élégance, qu'il convenait peut-être d'éviter sur un sujet aussi délicat : ce choix d'expressions n'est pas ce qu'il y avait de plus simple et de plus clair, pour signifier que les ventes des domaines appelés nationaux, sont maintenues irrévocablement. Tout le monde sait, à n'en pas douter, ce que c'est que de tels domaines et de telles ventes; mais ce qu'un parti de laïcs et d'ecclésiastiques n'a jamais cessé d'appeler verbalement et par écrit, et souvent en discours publics, des vols et des spoliations, autrement des propriétés non véritables, dans les mains des acquéreurs successifs, n'est peut-être pas assez évi

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Voy. les lois des 16 septembre 1807, et 8 mars 1809, et l'article 545 du Code Civil.

2 Termes des lois précédentes.

demment désigné par cette locution, toutes les propriétés. Cependant, elle est ici le sujet unique de la proposition, le seul auquel se rapportent les pronoms celles et elles, et la phrase celles qu'on appelle nationales. Ce sont les droits seuls, les facultés légalés qui peuvent être inviolables; les terres, les maisons, etc., ne peuvent pas l'être; enfin, il y a des terres et des maisons appelées nationales, que le réprobateur le plus effréné des ventes ordonnées en 1790 dans les années suivantes, ne saurait prétendre volées à personne.

Tout cet article aurait donc pu être mieux conçu; il est singulier qu'il ressemble un peu trop à la clause unilatérale, et fort peu satisfaisante d'un bref du pape, obtenu par M. de Blacas, en échange de • l'article 13 du concordat de 1801, pacte synallagmatique, fort clair et sans nulle équivoque.

195. Il faut écarter toutes disputes de mots. Sans doute, notre article 9 a le même sens, par rapport aux ventes de domaines nationaux, que les phrases plus claires des constitutions, des autres lois précédentes et postérieures. Ce sens ne présente aucune équivoque dans plusieurs déclarations royales, spécialement dans la loi de 1814, qui remet aux émigrés les biens non vendus, ni dans l'article 8 de la fameuse loi du 9 novembre 1815.

Disons donc que les ventes des biens nationaux, ou des biens ainsi appelés, sont maintenues irrévocablement par notre article 9, non moins que par les précédentes constitutions et par d'autres

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lois innombrables, spécialement par une volonté nationale très-prononcée, par la nécessité de la paix et du salut public.

196. L'article 10 n'a besoin d'aucun commentaire.

Le 66 place véritablement la Charte de Louis XVIII au rang des lois les plus dignes d'éloges.

Les confiscations sont de droit universel dans tous les états gouvernés par la tyrannie ou par le despotisme.

Elles furent, dans Rome, identifiées avec les affreuses proscriptions des triumvirats. Les empereurs, héritiers des triumvirs, confisquèrent et proscrivirent à volonté, et c'était suivant la loi : car la volonté du prince ou de son ministre était la loi. Les confiscations nous étaient venues, en France, avec les proscriptions et les persécutions religieuses, du droit impérial romain, fondé sur le despotisme public et sur l'esclavage privé. De cette source impure dériva, au seizième siècle, le prétendu axiome français: Si veut le roi, si veut la loi. L'anarchie féodale et les ordonnances contre les hérétiques, donnèrent à la peine de confiscation des extensions énormes, rejetées néanmoins, en partie, dans un grand nombre de coutumes locales. C'étaient donc les rois et les seigneurs qui confisquaient et qui disposaient des confiscations depuis dix ou douze siècles. Personne alors, excepté saint Bernard (ép. 39), ne s'avisait d'en faire la censure, ni de leur donner un mauvais nom. Voyez n° 198.

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