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sa charrue, de ses boeufs, de son cheval, de son âne, qui met enfin plusieurs familles à la mendicité, pour un fait souvent d'inattention ou d'ignorance, et qui peut n'être pas même une faute morale. Qu'arrive-t-il? Les enfans du condamné surchargent les hôpitaux ; ils se font, avec leurs pères et mères, vagabonds, voleurs, assassins; ils sont jetés dans ces dépôts où l'on respire, avec un air empoisonné, le vice et le crime, où les races mendiantes se perpétuent et coûtent à la patrie deux fois autant qu'un soldat '. La mendicité, réprimée ou non réprimée, nous corrompt, nous met en péril, nous ronge et nous consume. Gardons-nous donc et des mauvaises lois, et des jurisprudences encore pires, qui multiplient les vagabonds et les mendians.

Si la loi n'est pas claire, les juges, tenus de prononcer, ne doivent pas aisément abandonner le texte, sous prétexte de s'élever à l'esprit. Jamais ils ne doivent le faire, pour aggraver des peines, et surtout pour ajouter à celles de la prison déjà si pernicieuses à l'état, aux particuliers, à la morale publique.

199. Quant à l'article 70 sur la garantie de la dette publique, tralatitium jus est, comme on disait à Rome, des articles qui se répétaient dans chaque édit annuel du magistrat. C'est une dispo

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Quatre-vingt-sept centimes par détenu dans le département de la Seine, en 1818.

sition traditionnelle aussi juste qu'utile, et que, malheureusement, on n'a pas toujours assez respectée. Les déviations, sur ce sujet, sont plus rares depuis quatre ans. Avec plus de justice envers les créanciers de l'état, nous avons vu renaître le crédit public malgré l'énormité des impôts. Ce crédit est un auxiliaire dangereux, onéreux, mais dont nous aurons long-tems besoin. Il ne peut se maintenir qu'autant que les députés se montreront sévères contre les trop hauts traitemens, les places inutiles, les dépenses, abusives, les pensions excessives ou imméritées, et les emprunts qui ne seraient absolument nécessaires ou habilement, équitablement dirigés.

pas

CHAPITRE IX.

Égalité devant la loi. (Articles 1, 71 et 72 de la Charte.)

1

200. « Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs » (art. 1").

Il ne faut pas se faire d'illusion sur la nature de l'égalité sociale ou de l'égalité devant la loi. La raison et la Charte n'établissent rien moins que l'égalité réelle des droits naturels, civils, politiques. Mais la Charte et les lois s'efforcent en général de remédier aux abus des inégalités nécessaires : ces

l'existence ou la protection à toutes les autres inégalités; toutes les autres lui doivent au moins les respects et les égards extérieurs, les premiers honneurs, les premiers titres, les premiers rangs dans l'état, selon les degrés de ce qu'on appelle hiérarchie ou subordination politique.

Nous ne parlons point des supériorités ecclésiastiques, parce qu'elles appartiennent à l'ordre spirituel, au royaume qui n'est pas de ce monde, et que toute église est dans l'état, soumise, quant à l'ordre extérieur, au gouvernement de l'état.

203. Outre les trois ordres de supériorité naturelle, civile ou politique, plus ou moins nécessaires en elles-mêmes, il y a légalement, en France, par l'article 71 de la Charte, des titres, des rangs, des honneurs de noblesse nominale héréditaire ancienne, autrement antérieure à 1790, ou de noblesse nominale et nouvelle, autrement postérieure au sénatus-consulté du 14 août 1806.

Enfin, par l'article 72 de cette même Charte, la Légion-d'Honneur est maintenue. Ce n'était pas une noblesse par la loi de sa création, qui est de 1802. Mais par la simple volonté de Napoléon, développant, au gré de son caprice, sa doctrine des titres et des majorats, qu'il avait mystérieusement fondée par le sénatus-consulte ou la constitution de l'empire, du 30 mars 1806, commençant ainsi: La principauté de Guastalla, par cette seule volonté, la Légion-d'Honneur est devenue une source particulière de titres et d'honneurs de no

blesse nominale, tant personnelle qu'héréditaire. C'est cet état de pur fait qui a été maintenu par la Charte, et conséquemment changé en droit constitutionnel '.

Il existe aussi, mais par simples ordonnances, d'anciennes confréries nobiliaires, appelées ordres, et qui se distinguent par une décoration comme la Légion-d'Honneur.

Les titres dont il s'agit sont des dénominations tirées du régime féodal, comme noble, écuyer, chevalier, vicomte, baron ou comte, où marquis, ou duc, ou prince. On a oublié de ressusciter le titre de valet, jeune inférieur, petit serviteur.

Rang signifie ligne ou ordre graduel de marche, ou de préséance.

Les honneurs sont les titres, les rangs et les armoiries que nos rois vendaient, avec la noblesse ou sans la noblesse, à qui les voulait payer, et qu'aucune loi vivante n'interdit à personne. En outre, il y a des honneurs nobiliaires qui appartiennent aux étiquettes des cours (voyez, liv. III, chap. II), aux usages de salons, et à la courtoisie ou politesse purement volontaire.

Dans les Indes orientales, en Perse, en Chine, chez les roitelets d'Afrique, dans les îles de la mer du Sud, on peut voir, sur les vains titres et les honneurs, les distinctions de fait et de langage qui

1 Sur les revenus de cette légion et leur emploi, voyez les débats de la chambre des députés, séance du 16 février 1819.

Il ne reste donc que la légalité et l'hérédité de la noblesse titulaire qui soient difficiles à justifier.

CHAPITRE X.

Noblesse nominale considérée comme légale et héréditaire. (Articles 1, 2, 3, 71 et 72 de la Charte.)

Nobilitas sola est atque unica virtus.

(Juv. Sat. viii.)

Les mortels sont égaux; ce n'est point la naissance,
Mais la seule vertu qui fait leur différence.

(VOLT.)

207. Vous le voyez, la raison ancienne et nouvelle ne reconnaît de noblesse que l'éclat personnel de la vertu, c'est-à-dire, des talens, des services, du mérite moral avant tout, et puis du mérite politique, militaire, civil. Le monde juge de même, à voix haute, ou dans le secret de la pensée, haïssant, méprisant les préjugés faux et dangereux, alors même qu'il s'en montre esclave, et que de mauvaises lois le forcent à les respecter. Les législateurs sont obligés souvent, par les circonstances, de transiger avec certains abus, et de leur conserver un nom légal en même tems qu'ils en détruisent la réalité. Il y a de ces abus dont le nom seul est un mauvais levain, qui sans cesse pousse au rétablissement de la chose abusive; mais l'ins

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