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truction, l'expérience, l'opinion, les mœurs procurent enfin la guérison radicale.

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208. La noblesse, en France, fut d'abord attachée aux fonctions, et simplement personnelle. Sous des rois faibles et imprudens, elle devint héréditaire; ensuite elle se partagea la puissance et les revenus publics, ne reconnaissant que la suzeraineté royale; d'usurpations en usurpations, elle fut, au dernier degré, oppressive et anarchique. Abattue par ruse et le despotisme des rois et de leurs ministres, toujours restée onéreuse à l'état, quoique devenue inutile d'après le changement des mœurs, le progrès des lumières, du commerce et de l'industrie, elle se montra de plus en plus entreprenante, méprisante, exclusive, dissolue, avide et tracassière, en sorte qu'elle fut totalement abolie en juin 1790.

Depuis cette époque, sauf d'honorables exceptions, la noblesse ancienne a continué de tourmenter la patrie par des complots, des troubles intestins, des guerres étrangères, des guerres civiles; la noblesse nouvelle, sauf encore les exceptions, a rivalisé l'ancienne par divers abus 1. Sous Napoléon, les deux noblesses furent astucieusement établies, mais constituées en une seule, faite pour abaisser, effacer toute grandeur nationale. La

'Honneur, actions de grâces aux hommes de cette minorité de la noblesse ancienne ou nouvelle qui, toujours en garde contre les inspirations de l'orgueil, ont constamment défendu l'égalité devant la loi! Ceux-là seront toujours les nobles de la seule vraie noblesse, de celle de la vertu, au jugement de leurs contemporains et à celui de la postérité,

l'objet de la pairie, à son caractère d'indépendance, et à la sage balance des pouvoirs.

211. A ces notions générales, nous devons ajouter de nouveaux développemens sur l'égalité devant la loi, et sur la noblesse titulaire.

Quelles que soient les inégalités qui viennent de la nature, ou qui dérivent des fonctions politiques ou civiles, ou qui consistent en titres nobiliaires, la Charte veut au moins, par une sorte de fiction utile, que nous soyons égaux devant la loi, autant que ces inégalités, ou nécessaires, ou tolérées, le permettent, quant à présent. Nous sommes donc réputés égaux devant toutes les lois, quoiqu'elles confirment ou établissent quelques inégalités nécessaires; et nous sommes effectivement égaux, en tout, devant presque toutes les lois de l'état ainsi, nous pouvons nous dire égaux les uns des autres. Il ne doit point exister de loi individuelle; toutes doivent comprendre universellement tous ceux qui sont dans chacun des cas prévus et distingués par chaque disposition; mais ceci ne peut s'appliquer à certains actes d'aliénation des domaines de l'état ou de haute administration publique, qui, à raison du droit de surveillance des chambres, sont délibérés comme les lois générales.

212. Nous sommes donc égaux devant les lois relatives à la distribution des emplois. L'article 3 de la Charte porte que nous sommes << tous admis» síbles aux emplois civils et militaires. » Il n'y a

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d'exclusion à l'égard d'aucun de ceux qui remplissent les conditions exigées pour obtenir ces emplois; il n'y a nul emploi, même politique, affecté par les lois à ceux qui ont des titres nobiliaires. Ici, la théorie est pure, la pratique peut être vicieuse. 213. Nous sommes encore égaux devant les lois qui régissent l'état civil des personnes, les propriétés, les contestations judiciaires ou administratives. La constitution ne reconnaît d'inégalités qu'en titres, rangs et honneurs; tous les biens sont donc régis et partagés par des lois égales, il n'y a donc plus de biens nobles, il n'y a donc plus de majorats ils sont contraires à l'article 1 et à l'article 71 de la Charte . Ainsi, les sénatusconsultes, les décrets, les actes de haute administration, les ordonnances, qui les établissent ou les multiplient, doivent demeurer comme non avenus. S'il faut une exception pour les pairs, c'est une question d'interprétation, ou plutôt d'abrogation de la Charte. Elle ne peut être légitimement décidée pour l'affirmative, que tout au plus provisoirement, même par une loi secondaire, et définitivement dans une assemblée de révision.

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214. De même, la loi de l'impôt direct ou indirect ne doit admettre d'exemption ou de privilége d'aucune espèce c'est le sens fort clair des articles 2 et 71 de la Charte. Celui-ci, concernant les titulaires de noblesse, dispose qu'il ne peut leur

Voy. l'Appendice, nos v et vi.

ètre « accordé que des rangs et des honneurs, sans aucune exemption des charges et des devoirs de la société. » Le second est ainsi conçu Les Français«< contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune, aux charges de l'état. » Ainsi, le roi Louis XVI, par la loi de sa liste civile, n'était pas exempt des contributions. Louis XVIII l'est par la loi du 8 novembre 1814. C'est une déviation qu'il conviendrait d'éviter à l'avenir, sauf à augmenter, s'il y a lieu, les revenus de la liste civile. La nation a besoin que son roi soit intéressé à modérer les impôts, à ne pas les exagérer, à ce qu'on vienne au secours de ceux qui se trouvent grevés par d'inégales répartitions; et le roi ne gagne rien dans l'affection et la confiance publiques à être privilégié en matière d'impôt, tandis qu'il doit, en cette matière surtout, poursuivre et détruire, autant qu'il est possible, toutes les inégalités sans exception.

On ne saurait se dissimuler que les majorats, diminuant les revenus du fisc, rendant les biens inaliénables, insusceptibles d'hypothèques, renversant les lois communes des successions et des partages, · sont un véritable, un insupportable privilége en matière de lois fiscales et civiles. Il est donc impossible de concilier les majorats avec la Charte. On sait d'ailleurs combien ils sont opposés aux principes de l'économie publique et au bonheur des familles ; et quelle triste expérience en ont faite l'Italie et ce royaume voisin, qui, au dix-neuvième siècle, est

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soumis à l'inquisition, à la torture, au gouvernement de l'état par bulles de Rome, et aux majorats.

215. Nous sommes encore égaux, nous devons l'être devant les lois qui punissent, et devant celles qui récompensent ou qui accordent des secours publics. En matière de punition, les faits ne répondent pas au droit. La pairie est encore comme détruite ou suspendue sans jugement; nos contrelois de proscription et d'exil sont encore exécutées, et un déplorable concert de ministres français et étrangers a trop cruellement aggravé le sort de nos exilés. Cependant, les votes qu'on leur reproche, ils les ont émis dans des fonctions non responsables; sous ce rapport, toutes les constitutions, la Charte même, les en absolvent; et si ce n'est assez, quatre fois la prescription légale, établie pour les grands crimes, les a couverts de son égide.

216. Revenant aux inégalités nominales, voici comme elles sont prescrites par l'art. 71 déjà cité: << La noblesse ancienne reprend ses titres. La nouvelle conserve les siens. Le roi fait des nobles à volonté ; mais il ne leur accorde que des rangs, etc. »> (Voyez ci-devant, no 208.)

La noblesse, au sens de la Charte, ne signifie pas une distinction de mérite réel, puisqu'elle est héréditaire, et que la plus vantée est celle qui, par la suite des générations, se trouve la plus éloignée du mérite véritable ou supposé, d'où elle est provenue. Noblesse, ne signifie pas ancienneté de qualification noble, puisque la noblesse, dite ancienne,

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