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vient nécessaire que le nom vénéré du roi disparaisse. Le roi ne fait que ce qui est bien, telle est, en partie la réalité, en partie la fiction obligée dans la monarchie héréditaire et constitutionnelle représentative. Le nom du roi ne peut jamais servir d'excuse ou de prétexte pour couvrir les injustes projets des ministres; ce serait détruire la liberté de la discussion et celle du rejet; ce serait rendre le roi responsable pour ses ministres, lorsqu'ils doivent l'être pour lui ou quitter le ministère'.

Il convient que l'initiative directe des lois appartienne concurremment aux ministres et aux membres des deux chambres. C'est ce qui devra être établi lors de la révision de la Charte. En attendant, souffrons ce qu'elle ordonne; que les ministres, au nom du roi, jouissent seuls de l'initiative directe, ainsi que du droit d'approuver, de rejeter les amendemens; et sachons tolérer l'abus trop ridicule des ricochets évasifs pour les propositions qui ne sont pas faites par les ministres, ni commandées par eux. Mais, au moins, lorsque la proposition a été faite, pour la forme, au nom du roi, qu'on ne vienne plus s'efforcer de rendre le roi odieux, les ministres irresponsables, et surtout vouloir enchaîner la liberté des deux chambres, en nous insinuant, ou nous répétant, comme au passé : le roi le veut; le maître l'a dit.

Voyez Cours de Politique, par M. Benjamin de Constant; premier volume. Voyez la Monarchie selon la Charte, par M. de Châteaubriand, chap. vi et xi.

SIII.

Pouvoir royal relatif à l'exécution de la Charte et des lois.

256. Le roi est inviolable, à la condition que les ministres soient responsables: cependant à lui seul appartient la puissance exécutive; c'est dire assez qu'il en délègue les détails à des ministres qu'il nomme et qu'il remplace à volonté; mais qu'étant responsables, les ministres sont les dépositaires spéciaux du pouvoir exécutif royal, tant qu'il plaît au roi de les conserver.

Ils peuvent être dirigés par le roi, ou ne l'être pas; l'être en tout, ou à l'égard de peu d'objets; l'être par présomption seulement, ou l'être au sens le plus rigoureux et presque sans exception. Mais tout cela doit être le secret du roi; nul n'a droit de s'y immiscer; il suffit que les ministres soient responsables.

257. Il y a des constitutions qui interdisent au chef de l'état le commandement des armées, la déclaration de guerre et les traités de paix ou d'alliance, ou de commerce: c'est tout le contraire en France, d'après l'article 14 de la Charte; mais les déclarations de guerre et les traités, comme tous les autres actes de la puissance exécutive, doivent être signés par un ministre, et peuvent donner lieu à la responsabilité ministérielle, et à toutes les suites réelles et personnelles de cette responsabilité.

Ces actes doivent donc être au plus tôt communiqués aux chambres, et il ne doit pas y avoir des

articles secrets contraires aux traités ou articles patens, sans quoi la nation pourrait être impunément lésée, opprimée, et les plus sages garanties deviendraient illusoires.

258. C'est encore, selon la Charte, une attribution du pouvoir exécutif de nommer aux places de judicature, et à tous les emplois d'administration publique, sans en excepter la trésorerie nationale. Cette concentration du pouvoir est sans règles jusqu'à présent, et ne se trouve encore balancée que par la responsabilité des ministres.

Les places de service municipal sont, à beaucoup d'égards, des places d'administration particulière; il en est de même des places d'officiers dans la garde communale, et de tous les emplois ecclésiastiques. Provisoirement, ces places dépendent plus ou moins de la volonté des ministres, et c'est une source énorme d'abus de tout genre; elle offre aux ministres les moyens les plus sûrs d'anéantir la liberté publique dans l'élection des députés, et de saper ainsi la constitution dans sa base. Nous en avons fait de tristes expériences, et pourtant ces abus ne sont pas essentiels, même aux gouvernemens absolus. Comment donc seraient-ils sans remède pour la France libre? Ils doivent être prévenus, en définitif, par une sage législation, et, provisoirement, par des mesures exécutives si raisonnables, qu'il y ait lieu d'attendre, sans impatience, les dispositions qui doivent légalement déterminer l'âge, les services antérieurs, et les divers

modes de présentation des candidats pour les divers emplois.

259. Reprenez successivement toutes les prérogatives royales et méditez - en l'importance, vous reconnaîtrez que jamais nos rois n'ont été si grands, si riches, si puissans pour le bien, si honorés, si stables sur leurs trônes, qu'ils peuvent l'être sous le gouvernement constitutionnel représentatif. Sans prétendre blâmer, sans avoir le désir de changer, on doit sentir que, dans l'ordre actuel, le roi seul est une puissance; il est armé de tous les moyens d'action, secondé par toutes les forces extérieures, pour le maintien des droits individuels et des droits publics des Français. Tous les autres établissemens publics ne sont que des pouvoirs, c'est-à-dire des autorités de droit, dépourvues légalement de force physique. Ce qu'est le roi constitutionnel en France, le roi avec ses ministres, tout chef suprême d'un bon gouvernement quelconque, fût-ce le plus mélangé de démocratie, doit l'être, ou à-peu-près, dans l'état auquel il préside; partout, il n'y a réellement, il ne doit y avoir qu'une puissance exécutive: donc, en dernière analyse, il n'y a que deux grandes garanties ordinaires et légales pour le maintien de l'ordre social le plus justement constitué : c'est l'intérêt bien entendu de ceux qui exécutent, et l'influence de l'opinion publique la plus vigilante et la plus éclairée. Ainsi, je ne saurais trop le répéter, le palladium habituel des nations et des citoyens, est tout dans leurs lumières et dans leur

caractère moral, dans la probité civique, la plus rare de toutes les vertus ; dans la plus entière liberté de la presse, tant pour les journaux et les pamphlets, que pour les volumes, sauf la répression des abus de cette liberté par un véritable jury qui n'ait aucun caractère de commissariat.

CHAPITRE III.

Chambre des pairs. (Articles 24, 33, 34, 55, 27, 28, 30 et 31 de la Charte.)

260. La chambre des pairs est littéralement la chambre des égaux'; elle est, par ses hautes fonctions, le premier corps de l'état, et, après le roi, la première autorité.

Ses fonctions sont de deux sortes, législatives et judiciaires; elle est « portion essentielle de la puissance législative » (art. 24); elle «< connaît des crimes de haute trahison, et des attentats à la sûreté de l'état définis par la loi; » elle a seule droit d'arrestation sur les pairs; seule, elle peut juger en matière criminelle (art. 33 et 34); seule, elle juge les ministres accusés par la chambre élective (art. 55)

Equales fratres furent de tout tems les synonymes du mot pares Voy. Ducange, au mot pares.

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