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régime des contributions, de diminuer les dépenses et de mieux régler les recettes '.

306. Cette diminution et cette amélioration sont d'une grande importance; elles doivent être chaque année l'objet des travaux des écrivains patriotes, de l'attention et de la surveillance des deux chambres. Quant au droit de refuser des impôts, il n'est praticable que partiellement. Le refus général des impôts, considéré comme garantie contre les abus des ministres, est en définitive une ressource plus comminatoire qu'efficace, et que la prudence défend presque toujours de mettre en pratique; les vraies garanties sont dans les élections complétement libres, dans la probité civique et le courage des citoyens, des juges, des administrateurs et des colégislateurs, dans les lumières, dans la liberté de la presse, dans la force et la sagesse de l'opinion publique, dans la compétence et la composition légitime du juri pour les délits et les crimes, dans une sage organisation et une pratique sévère du droit de pétition devant les chambres, et de la responsabilité des ministres et de leurs agens.

307. Proposant la loi, le ministère en doit énoncer le titre, qui est spécial pour chaque loi; l'intitulé qui est commun à toutes les lois, et même

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Qui nous délivrera des chiffres dans nos lois, des textes ambigus, déguisés, des énigmes en lois?

2 Loi du 19 janvier 1791.

aux ordonnances royales; enfin le préambule, s'il doit y avoir un préambule.

Le titre doit être sans affectation, sans artifice; il doit indiquer simplement l'objet de la loi ; il y aurait de la franchise à ne pas appeler du nom sacré de loi une mesure contraire à la constitution, une vraie contre-loi; il y en aurait à ne pas appeler loi sur la liberté individuelle un code de suspects, et amnistie des mesures de proscription, de bannissement ou de destitution d'inamovibles, sans procédure et sans jugement préalables.

308. L'intitulé contient les noms, la qualité du roi avec l'adresse, et la salutation à tous présens et à venir.

309. Autant qu'on le peut, il faut éviter les préambules après l'intitulé, la loi doit commencer par le commandement qu'elle intime, par la règle qu'elle impose. Il suffit que les motifs soient dans les discours, pour appuyer ou combattre la proposition. Rien ne paraît plus froid et plus inepte qu'un prologue où la loi dispute avec ceux qui doivent l'exécuter. Cela ne peut pas même servir à interpréter les dispositions; car le préambule va souvent en-deçà ou au-delà : souvent il n'est que mensonge et artifice. On connaît un préambule qui annonça comme provisoires, pour les faire

Loi du 19 janvier 1791.

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2 Jusqu'ici, je n'ai fait, dans ce numéro, que traduire Sénèque, Ep. 94, et Bacon, de Justitia universali. La loi du 11 août 1792 dé fendait sagement les préambules.

mieux passer, des suspensions du droit commun, qui sont malheureusement rédigées en termes absolus, et exécutées comme permanentes'. Mais si les ministres veulent absolument donner des fleurs de leur réthorique sur les lois, comme ils aiment tant à le faire dans les diplomes et les ordonnances, il est nécessaire que le préambule soit soumis aux colégislateurs, afin qu'il ne se trouve pas en contradiction avec les articles, comme je l'ai vu arriver 2. Rien n'est plus incohérent et plus ridiculement grimacier, que d'attribuer au roi un exorde personnel et privatif, comme partie intégrante de dispositions qui n'existent que par la volonté réunie des trois branches de l'autorité législative, et dont on certifie qu'elles ont été discutées, délibérées et adoptées dans les deux chambres.

CHAPITRE VI.

Les Lois.

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310. Nous avons fait connaître la grande machine du gouvernement; il s'agit d'exposer son action, et d'abord son action législative. La Charte, par cela même qu'elle établit et limite les grands pouvoirs de l'état, afin de garantir par leur

moyen

Loi sur les Cris et les Écrits, du 9 novembre 1815, qui, entre autres violations des droits, punit les provocations indirectes, les prétendus crimes interprétatifs.

. Voy. la discussion sur la loi du 21 octobre 1814.

les droits de tous et de chacun, oblige tous les représentans, héréditaires et électifs, comme les sujets; les uns et les autres doivent lui obéir tant qu'elle subsiste; elle est donc la loi fondamentale positive, et le régulateur nécessaire de toutes les autres lois, qui ne sont à son égard que des lois subordonnées, tous les actes du roi, des chambres et des ministres doivent être des conséquences de la Charte. L'objet de ce chapitre est d'expliquer, d'après la raison, la Charte et nos usages, comment les lois secondaires, politiques ou civiles ou de finances, etc., peuvent être formées, interprétées ou abrogées.

311. Avant d'exposer les principes sur cette formation, il faut clairement désigner ce que c'est qu'une loi proprement ou improprement ainsi арpelée, et comment en diffèrent les ordonnances et les réglemens.

Le roi et ses ministres font des ordonnances, des réglemens, des instructions, et donnent des ordres particuliers. Ce ne sont là que des actes d'exécution, des applications générales ou particulières, des principes et des lois. Le parlement seul, autrement la réunion des trois grands pouvoirs constitués, fait des lois secondaires proprement ou improprement ainsi appelées.

Les actes du parlement, ou les résolutions des deux chambres sanctionnées par le roi, sont proprement des lois quand leur objet est général, et qu'ils ne considèrent qu'abstractivement les per

sonnes et les choses. Lorsqu'ils se rapportent à un individu, à un fait ou à des faits particuliers, ce ne sont pas des lois proprement dites; ce sont des actes de gouvernement, des actes de haute administration, des applications justes ou fausses de principes vrais ou faux des lois subsistantes ou abrogées, des lois bonnes ou mauvaises. C'est uniquement parce que le concours des trois pouvoirs y est requis ou employé, à cause du droit général de surveillance des chambres, que ces actes sont appelés lois.

Ils ne valent donc que pour la personne ou la chose dont ils disposent expressément; pour d'autres choses, pour d'autres personnes, ce ne sont pas des lois, des règles; ce sont des faits, des exemples, des avis qu'on balance, et qu'on ne doit jamais préférer aux vraies lois ni aux vrais principes. Comme les arrêts', ils sont bons pour ceux qui les obtiennent; legibus non exemplis statuen

dum est.

S Ter.

Formation de la Loi secondaire.

312. La formation de la loi secondaire comprend ce qui regarde la proposition du projet de

Et parce que les arrêts ne disposent jamais que d'un objet particulier, parce qu'ils ne sont l'ouvrage que d'une autorité exécutive, ils ne doivent pas être cités comme règle générale; n'invoquez donc pas les tribunaux, surtout dans les chambres, quand il s'agit de savoir si une loi est abrogée ou non abrogée par la Charte. Nil agit exemplum litem quod lite resolvit.

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