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à la présente Charte, restent en vigueur jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé.

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341. Je crois devoir terminer ce long chapitre en formant un vou pour que des travaux, suivis avec persévérance, nous délivrent de la masse énorme et inextricable des lois anciennes et modernes qui sont expressément ou tacitement abrogées, ou remplacées et rendues inutiles par nos lois nouvelles.

Ce n'est point le style disparate, ni tel ou tel intitulé des lois qui fait vraiment souffrir le public; ce n'est point une classification méthodique ' dont il a grand besoin; mais la multitude immense des lois, et des lois confondues avec des ordonnances temporaires, inutiles, vexatoires et véritablement abolies, ou les plus dignes de l'être : voilà ce qui obscurcit toutes les questions politiques et civiles, ce qui nous tourmente, nous ruine, et fournit des prétextes aux représentans, aux ministres, aux administrateurs, aux juges, aveuglés de préventions, ou animés d'un mauvais zèle. On nous refuse avec obstination, depuis quatre années, les lois de développement et de réforme les plus simples et les plus nécessaires. On a laissé les chambres

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Voy. le livre de M. Dupin, intitulé: Lois sur Lois, pag. cxxxvi et suiv., son Recueil en 2 vol. in-8° (Paris, 1818), où, sous le titre abusif et trompeur de Lois concernant l'organisation judiciaire, on donne plus de décrets impériaux, d'ordonnances et d'arrêtés que de lois. Pourtant, il faut séparer les lois d'avec les ordonnances. Le Bulletin, dit des lois, dans son frontispice, fait cette essentielle séparation, mais elle manque dans les pages. (Voy. ci-dessous, no 337.)

inoccupées la plus grande partie des sessions, lorsque tout restait à faire pour mettre au moins la législation en harmonie avec elle-même, et surtout avec la Charte. On nous a surchargés d'ordonnances du roi et de réglemens préfectoraux qui augmentent la confusion déjà devenue extrême. Puissions-nous obtenir à chaque session une ou plusieurs lois qui, reprenant par ordre chronologique tout ce qu'il y a eu depuis trente ans de lois et de décrets législatifs, commencent à nous déclarer ceux et celles qui ne doivent plus obliger ni être cités dans les affaires, et qui insèrent dans nos cinq Codes, ou qui en retranchent ce qui doit y être inséré ou en être ôté. Ces travaux sont de la dernière importance, il conviendrait d'en charger sans retardement une commission du conseil-d'état, à laquelle pourraient être adjoints des jurisconsultes, des publicistes laborieux et instruits. Ces projets d'abrogation et ceux de révision, d'abréviation ou d'un meilleur arrangement, seraient successivement présentés par le ministère à l'examen et à la discussion des chambres, à l'ouverture de chaque

session.

342. Le gouvernement consulaire avait eu la belle mais trop fugitive idée d'obliger la cour de cassation à rédiger et à présenter annuellement un tableau des parties de la législation dont l'insuffisance ou les vices auraient été reconnus par l'expérience. Ce tableau devait être remis aux consuls. S'il avait lieu, ce qui est fort désirable et pourrait

§ III.

Abrogation des Lois.

336. Abroger une loi, c'est l'abolir. L'abolition totale s'appelle proprement abrogation, et son abolition partielle est spécialement nommée dérogation.

L'une et l'autre abolitions sont expresses ou tacites; l'abolition est tacite dans toute disposition générale qui est incompatible, inconciliable avec la loi. Toute dérogation expresse ou tacite à une loi, et toute abrogation d'une loi sans les volontés réunies des grands pouvoirs, est une usurpation de l'autorité législative, un crime ou un abus à réprimer aussitôt qu'il est aperçu. Toute clause qui déroge à une loi ou qui l'abroge, même dans une ordonnance du roi, est crime de trahison; car, déroger à une loi ou l'abroger, c'est vraiment faire, ou tenter de faire, autant qu'on le peut, une loi nouvelle. Comment arrive-t-il qu'il soit nécessaire d'énoncer ici des vérités aussi palpables?

337. La loi constitutionnelle, une fois reçue, n'est régulièrement susceptible d'abolition totale ou partielle, qu'avec le concours et le consentement des représentans de la nation, nommés pour faire une constitution nouvelle ou pour réviser l'ancienne.

Lorsqu'il y a une constitution reçue, la loi secondaire, la loi ouvrage des pouvoirs constitués,

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vernement incohérent, incertain, arbitraire, et sujet en tout à d'infinies controverses. Il serait impossible d'en séparer les parties opposées, et d'en concevoir l'ensemble. Chaque constitution nouvelle ne serait qu'un acte additionnel à toutes les constitutions antérieures. Au lieu d'une constitution, l'on n'aurait qu'un chaos impossible à démêler. Nos garanties, par exemple, nos garanties les plus précieuses s'évanouiraient devant les particularités et les exceptions des constitutions consulaires, et des sénatus-consultes ou constitutions de l'empire. Chaque constitution a ses défectuosités; si on les rassemble, on aura le monstré le plus bizarre. A chaque constitution suffit son mal; et le bien de chacune doit rester pur de tous les vices réels ou prétendus des constitutions précédentes. L'acte additionnel de 1815 a été le principe de la catastrophe dernière de Napoléon. La Charte n'est-elle qu'un acte additionnel? le trône est en péril.

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Si, comme on n'en peut douter, la dernière constitution abroge toutes les autres, elle détruit, à plus forte raison, toutes les lois secondaires antérieures, ou même postérieures, qui sont avec elle antipathiques; toutes celles qui ont leurs bases, leur raison dans un système politique diffèrent de celui de la Charte. Tel est le sens naturel et l'unique sens raisonnable de l'article 68 de la Charte conçu dans ces termes : « Le Code Civil et les lois actuellement existantes qui ne sont pas contraires

à la présente Charte, restent en vigueur jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé. ›

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341. Je crois devoir terminer ce long chapitre, en formant un vœu pour que des travaux, suivis avec persévérance, nous délivrent de la masse énorme et inextricable des lois anciennes et modernes qui sont expressément ou tacitement abrogées, ou remplacées et rendues inutiles par nos lois nouvelles.

Ce n'est point le style disparate, ni tel ou tel intitulé des lois qui fait vraiment souffrir le public; ce n'est point une classification méthodique' dont il a grand besoin; mais la multitude immense des lois, et des lois confondues avec des ordonnances temporaires, inutiles, vexatoires et véritablement abolies, ou les plus dignes de l'être : voilà ce qui obscurcit toutes les questions politiques et civiles, ce qui nous tourmente, nous ruine, et fournit des prétextes aux représentans, aux ministres, aux administrateurs, aux juges, aveuglés de préventions, ou animés d'un mauvais zèle. On nous refuse avec obstination, depuis quatre années, les lois de développement et de réforme les plus simples et les plus nécessaires. On a laissé les chambres

Voy. le livre de M. Dupin, intitulé: Lois sur Lois, pag. cxxxvIII et suiv., son Recueil en 2 vol. in-8° (Paris, 1818), où, sous le titre abusif et trompeur de Lois concernant l'organisation judiciaire, on donne plus de décrets impériaux, d'ordonnances et d'arrêtés que de lois. Pourtant, il faut séparer les lois d'avec les ordonnances. Le Bulletin, dit des lois, dans son frontispice, fait cette essentielle séparation, mais manque dans les pages. (Voy. ci-dessous, no 337.)

elle

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