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ponsables; cet article ne s'applique donc qu'aux ministres à département, ou, comme on dit, à portefeuille. Ceux-là seuls peuvent avoir devant les chambres une responsabilité ministérielle, parce que seuls ils opèrent, ils font et signent des actes d'exécution. Ceux qui ne sont ministres à portefeuille, que par intérim, font et signent de pareils actes; ils sont donc également responsables devant les chambres, et sont compris dans toutes les clauses de la Charte qui regardent les ministres. Nous avons déjà fait sentir que les doctrines absolues sont disproportionnées à la nature humaine, et deviennent malfaisantes si elles ne sont tempérées de quelque manière. Notre pouvoir exécutif, selon la Charte, est un bel exemple de cette vérité.

344. « Au roi seul appartient la puissance exécutive (art. 13 de la Charte). Tel est le principe dans son expression absolue.

Mais les ministres sont responsables, même article 13. Cette responsabilité, qui sera expliquée au chapitre 9, s'exerce, non-seulement par le roi, premier représentant de la nation, mais encore par les autres représentans nationaux tant héréditaires qu'électifs, qui forment les deux chambres (articles 13, 53, 55 et 56 de la Charte). C'est un des tempéramens qui naissent du principe de la balance dans les constitutions représentatives. Ce principe doit entretenir la vie et l'unité dans nos trois grands pouvoirs, et par eux, la justice, autrement la liberté publique et privée.

345. «< Au roi seul appartient la puissance exé

cutive. >>

A lui seul, donc, il appartient de nommer et de révoquer ses ministres, et de les diriger par des ordres ou des instructions, qui pourtant ne sont légitimes qu'autant qu'ils se trouvent conformes à la loi fondamentale ou la Charte, et aux lois secondaires antérieures ou postérieures, compatibles avec cette loi des lois.

Sous ce point de vue, que sont les ministres? Tous les agens révocables, sans excepter même le chancelier, qui, de greffier ou d'officier ministériel de la cour du roi, était jadis devenu, d'abord le dernier officier de la couronne, ensuite le premier ministre, puis inamovible titulairement, mais amovible quant à ses fonctions; qui avait été supprimé en 1791, et fut recréé par la Charte (article 29), mais sans aucun caractère d'inamovibilité.

Tous les ministres sont, en plus d'un sens, les instrumens de la volonté du roi qui est présumée toujours droite. Ils sont ses yeux, sa bouche`st sa main, ses préfets généraux, autrement, les premiers chefs des bureaux de l'administration centrale et universelle de la France et de ses colonies.

346. C'est à titre d'instrumens, qu'ils préparent, qu'ils font préparer, qu'ils proposent directement des projets de loi au nom du roi, et qu'au même nom, ils combattent ou acceptent, ou écou

1 Minister, qui stat manu operator.

tent en silence, ad referendum, les amendemens dans les cours des discussions des chambres.

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De même, par rapport aux projets de proposition indirecte et d'amendement de ces projets, ils ont droit de les soutenir ou de les combattre les uns et les autres, en leur seule qualité de ministres, ou de s'en taire dans les chambres.

Toutes ces facultés sont comprises dans l'art. 17 de la Charte, et dans cette clause de l'article 54 : Ils ont leur entrée dans l'une ou l'autre, c'est-àdire, dans l'une et l'autre chambres, et doivent y étre entendus lorsqu'ils le demandent.

347. On les a vu quelquefois influencer le débat par un nom auguste, prédire que le roi n'approuverait pas, ne sanctionnerait pas. Ces discours sont aussi contraires à la prudence qu'à la liberté des opinions. L'expérience a déjà prouvé que le roi sanctionne ce que les ministres ont repoussé. Ils doivent donc s'abstenir soigneusement de rien préjuger sur la décision finale du roi.

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348. Les ministres ont-ils le droit d'être entendus les derniers, et de parler quand la chambre a fermé la discussion?

Il est évident que le droit d'être entendus, lorsqu'ils le demandent, ne peut les autoriser à changer l'ordre du travail de la chambre, et à la forcer de rétracter ses délibérations. Si donc la discussion est fermée, le ministre ne peut que demander

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qu'elle soit rouverte; c'est sur quoi généralement la chambre ne doit pas se montrer difficile; mais il lui appartient d'en décider, suivant les circonstances, et l'objet que le ministre annonce vouloir éclaircir.

Les ministres n'ont point de privilége pour parler les derniers; il dépend de la chambre, après qu'ils

'ils ont fini toutes leurs observations, d'écouter un orateur d'opinion contraire; c'est l'usage, et il peut être souvent de la prudence et de l'équité qu'elle ne s'y refuse pas.

349. Si les ministres n'étaient responsables qu'envers le roi, nous aurions tout juste cette même responsabilité des ministres et ce défaut de garantie qui font le malheur de tous les états barbaresques. Mais ils sont responsables aux chambres, et cette responsabilité s'exerce par l'instruction qui peut avoir lieu sur les pétitions aux chambres, et par tout ce qui peut conduire à l'accusation et au jugement: tel est le droit de surveillance des chambres, fondé sur les articles 13, 53, 55 et 56 de la Charte; droit sans lequel il n'y aurait point de ressource contre les injustices des ministres; alors il serait fort inutile qu'on s'occupât à faire des lois. Toute la philosophie antique et même très-moderne, disait : «il n'y a que les lois qui distinguent la liberté de la tyrannie, quelle que soit la forme des gouvernemens. » On dit maintenant avec plus de raison: « Il ne suffit pas qu'il y ait des lois, il faut encore que ces lois, reconnais

sent et garantissent les droits de tous; il faut qu'elles soient protégées elles-mêmes efficacement, par une sage répartition des pouvoirs politiques, par une bonne constitution; enfin, il est nécessaire que la constitution et toutes les lois qui lui sont conformes, soient religieusement exécutées.»>

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y a donc nécessité que leur exécution générale et particulière soit l'objet de la continuelle surveillance des représentans, et qu'ils se montrent soigneux d'examiner les pétitions, de leur donner les suites convenables, qu'ils mettent, s'il le faut, les ministres en accusation et en jugement.

350. Les ministres sont responsables, pour que le roi ne le soit jamais; et cette responsabilité agrandit leur autorité, la rend assez distincte de celle du roi qui peut toujours les révoquer, jamais les forcer à s'écarter de la Charte ni des lois secondaires; jamais excuser, par sa volonté, leurs prévarications; qui, enfin, n'est jamais censé légalement, quelle qu'on suppose l'évidense de fait contraire, avoir une volonté si vicieuse et si désordonnée. C'est à ce prix seul qu'il est inviolable, qu'il peut et qu'il doit l'être. C'est à ce prix seul qu'on assure, avec la paix et la prospérité publiques, la stabilité du trône et de la dynastie telle est la nature du gouvernement représentatif : telle est, en résultat, son excellence admirable, pourvu que les représentans fassent leur devoir, c'est-àdire, pourvu qu'ils aient les lumières, les mœurs, la probité civique et que ces lumières, ces mœurs,

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