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362. Nous avons observé ci-dessus, que le roi ne peut pas réglementer les chambres législatives, quoique ses ministres l'aient osé trop souvent avec plus ou moins de succès. Les chambres doivent se tenir en garde contre cet abus, qui tend directement à les énerver, qui finirait par les rendre inutiles, ou même par les détruire.

363. Il est des premiers principes que nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi préexistante, qui définisse le délit et la peine. Conséquemment dans ces matières, si la loi manque, le pouvoir judiciaire ne peut la suppléer; il doit s'abstenir provisoirement de poursuites criminelles. On n'a point vu sans scandale et sans indignation l'ordonnance contresignée le duc de Feltre, et en date du 24 juillet 1816, portant: « Les individus qui ne se conformeront pas à l'article 1o ou qui contreviendront aux articles 2, 3 et 4, seront poursuivis correctionnellement, et punis selon la gravité des cas, outre la confiscation des armes, d'une amende de 300 francs au plus, et d'un emprisonnement qui ne pourra excéder trois mois. En cas de récidive, la peine sera double. » Il y a matériellement crime de trahison dans une pareille ordonnance.

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364. La Charte ne permet les réglemens qu'au roi seul. Cette mention du roi seul est une exclusion de cette prérogative pour tous les autres fonctionnaires. Selon l'esprit de la Charte, aucun réglement n'est valable qu'autant qu'il est fait ou

approuvé par le roi, et de plus contresigné d'un ministre, afin que la responsabilité ne soit pas illusoire.

L'assemblée constituante avait, par une loi, permis aux autorités administratives de faire des réglemens de police municipale. Cette loi ne peut se concilier avec la Charte. Tout réglement est inconstitutionnel, s'il n'est pas approuvé par le roi. Si l'on prétend interpréter la Charte en un sens contraire, comme on a fait, il faut au moins que cette interprétation soit contenue dans une loi, elle appartient plutôt à la révision qu'à l'exécution de notre loi fondamentale.

365. Il est presque inutile de dire que les ordonnances et les réglemens généraux du roi ne peuvent être obligatoires pour les magistrats, les juges, les citoyens, que dans les dispositions qui ne sont pas évidemment contraires à la Charte ou aux lois secondaires, inconciliables avec leur texte, antipathiques avec leur esprit. Ce n'est pas en vain que le roi a juré la Charte, et que la loi du 9 mars 1815 a confié le dépôt de la Charte à la fidélité, au courage de tous les citoyens.

366. Les réglemens ou ordonnances générales, ne sont que des mesures d'exécution, des directions données aux agens exécutifs, des applications générales de la Charte et des lois secondaires. Ils diffèrent donc des lois par le sujet ou la matière ; par l'autorité qui leur donne l'existence, et qui n'est point législative sans la coopération légale des

ces antérieures, et leur remplacement par d'autres plus courtes et plus simples, moins éparses et liées systématiquement, et qui respectent avec scrupule toute la Charte et toutes les lois secondaires conciliables avec elles; un remède qui aurait ses inconvéniens, serait de rendre les chambres permanentes. C'est à quoi pourraient être amenés les ministres malgré eux, s'ils n'y prennent garde, s'ils n'usent habituellement des précautions indiquées. Si la volonté législative n'est pas respectée dans l'intervalle des séances, il serait bien difficile d'éviter que cette volonté, la plus noble partie de tout gouvernement, ne fût pas dans une révision, établie en permanence comme elle l'a été long-tems, et comme l'est le pouvoir exécutif. Il dépend des ministres d'éviter, par la fidèle exécution de la Charte, un système si déplaisant pour eux.

CHAPITRE IX.

Surveillance des chambres.

Responsabilité des ministres

et des autres agens d'exécution.

370. PARMI les adversaires de la Charte, parmi ceux qui ne la discutent que pour tâcher de la faire voir méprisable et odieuse, qui ne l'ont chantée que pour la diffamer, qui ne la vantent et ne la caressent que pour l'étouffer, on rencontre des

écrivains qui contestent la surveillance des chambres sur les actes d'exécution, et la responsabilité des ministres des chambres, ou qui réduisent à rien cette responsabilité ainsi que toutes ses conséquences les plus nécessaires. Assez d'écrivains ont repoussé toutes ces vaines attaques. La Charte proclame la surveillance des chambres en établissant le droit de pétition devant elles, la nécessité de leur consentement aux lois et aux impôts, le droit des chambres d'accuser et de juger les ministres. Il n'y aurait aucune liberté s'il était loisible de violer impunément la Charte ou les autres lois. Méditons les textes constitutionnels, et tâchons d'en développer le sens.

371. Rappelons d'abord l'art. 53 concernant le droit de pétition devant les chambres'.

Il est dans la nature des gouvernemens représentatifs; aussi, la Charte ne l'établit pas; elle se contente de le supposer et de lui assigner des limites raisonnables (art. 53).

>> Toute pétition à l'une ou à l'autre des chambres ne peut être faite et présentée que par écrit. La loi interdit d'en apporter en personne et à la barre. »

Pendant les quatre années qui viennent de s'écouler, le droit de pétition a été presque dérisoire.

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« Le feuilleton de chaque jour annoncera les pétitions qui, dans la séance suivante, doivent être rapportées par la commission. Il indiquera de plus les noms des pétitionnaires, et l'objet sommaire de leurs récla

mations. »

La nouvelle disposition réglementaire adoptée dans la chambre élective sur la proposition de M. du Meilet', relativement aux pétitions devant cette chambre, a déjà produit des effets heureux : elles sont écoutées et prises en considération, soit qu'elles ne regardent que des intérêts privés, soit qu'elles touchent les besoins publics, on les étudie à l'avance, on se dispose afin d'en bien juger. Les rapporteurs donnent à leurs exposés plus d'étendue; les députés y attachent plus d'importance; ils se tiennent préparés, ainsi que les ministres, à les défendre ou a les combattre, et les décisions sont rendues avec plus grande connaissance de cause, avec plus de respect pour la Charte et les lois.

372. Il reste à provoquer, à obtenir des explications des ministres, quand elles sont nécessaires et sans inconvénient: ce ne sont pas des réponses officieuses qu'on attend de leur complaisance, mais des réponses officielles qu'ils feront sans recourir à de futiles échappatoires, lorsqu'ils senti ront que leur mauvais refus peuvent non-seulement scandaliser le public, mais amener des dénonciations en forme et des accusations, tout au

'Rien de plus sage à ce sujet que le dernier article présenté par M. du Meilet, en janvier dernier, et qui a été malheureusement rejeté. On ne doit point se lasser de le reproduire. En voici le texte : «< Lorsqu'une pétition sera prise en considération, et que son renvoi à qui de droit aura été ordonné, la chambre ajoutera une invitation au ministre com→ pétent de lui en faire connaître le résultat, quand il s'agira de déni de justice, ou d'un acte d'arrestation arbitraire. »

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