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moins fâcheuses et inquiétantes, pour avoir méprisé malicieusement, dans l'exercice du pouvoir ministériel, ou la Charte, ou les lois secondaires, ou les ordonnances et les réglemens conformes aux lois.

Tels seront bientôt les effets nécessaires des principes de la Charte et de la probité civique des députés mise en action.

373. Examinons maintenant les articles 13, 55 et 56.

Art. 13... « Les ministres sont responsables... » Art. 55. « La chambre des députés a le droit d'accuser les ministres et de les traduire devant la chambre des pairs, qui seule a celui de les juger.

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Art. 56. « Ils ne peuvent être poursuivis qu'en. cas de trahison ou de concussion: des lois partiticulières spécifieront cette nature de délits et en détermineront la poursuite. >>

La chambre des députés a droit d'accuser les ministres, et la chambre des pairs a celui de les juger. Il est conséquemment démontré que les ministres sont responsables envers d'autres que le roi; ils le sont envers l'état et envers les particuliers, toutes les fois qu'ils ont porté dommage à l'état ou aux particuliers, en délinquant à leur préjudice.

La Charte ne parle point de l'action criminelle pour crimes et délits communs des ministres, ni de l'action civile afin d'indemnité pour offenses

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privées, étrangères aux fonctions ministérielles. A ces égards donc, les ministres demeurent dans le droit général; ils peuvent être poursuivis, comme tous les autres citoyens, criminellement ou civilement, selon les cas, par toute partie intéressée.

374. Les ministres ne peuvent être poursuivis devant les chambres, qu'en cas de trahison ou de concussion. Mais, de l'aveu des plus habiles publicistes, ces termes, rapportés aux ministres, sont de la compréhension la plus étendue : ils contiennent tous les crimes, tous les délits ministériels, tous ceux qui peuvent être commis ministre en qualité de ministre, parce qu'il n'en est point de pareils, qui n'aient le caractère de trahison ou de perfidie, puisqu'ils renferment tous abus de la plus haute confiance et du dépôt le plus sacré.

par un

De là vient que les projets de loi sur la responsabilité ministérielle, présentés et discutés dans les sessions de 1814 et de 1817, ont rangé sous les deux noms de trahison et de concussion toutes les espèces de crimes qu'un ministre peut commettre comme ministre, c'est-à-dire comme exerçant les fonctions du ministère.

375. Le projet présenté en 1819 s'abstient de ces classifications générales; et, sous ce point de vue même, il a des partisans. Leur système peut se soutenir en thèse générale, en faisant abstraction du texte de l'art. 56: « Des lois particu

lières spécifieront cette nature de délits.... » Mais nous faisons profession d'être soumis à la Charte et d'en observer toutes les dispositions, jusqu'à ce qu'elles aient été changées en des formes de révision qui sont à fixer. Nous croyons donc que la spécification est indispensable, et nous remarquons avec plaisir que les systèmes de spécification ou de non spécification conduisent exactement aux mêmes résultats, en sorte qu'il n'y a ici que dispute de mots. Mais, parce qu'il ne s'agit que d'une dispute de mots, nous croyons que c'est une raison de plus pour satisfaire expressément à la disposition de l'art. 56, qui exige que cette nature de délits soit spécifiée. Le projet de 1819 doit être amendé en y ajoutant cette spécification, à peu près comme elle a été proposée en 1814 et 1817.

376. On remarquera que l'art. 56. exige des lois particulières pour spécifier la nature des délits ministériels et en déterminer la poursuite; et que l'art. 33, parlant en général des crimes de haute trahison et d'attentats à la sûreté de l'état, porte seulement que ces mêmes délits seront définis par la loi. On denfande pourquoi la loi, au singulier dans l'art. 33, est au pluriel dans l'art. 56. Il y en a une raison bien simple, c'est qu'une loi suffit pour définir ces délits, sauf à perfectionner ultérieurement ces définitions, s'il le fallait ; et que, dans l'état présent de nos idées et de nos richesses légales, nous rangeons en deux lois ou deux codes, ou deux collections de lois différentes, les défini

tions des manquemens criminels, des peines pour les réprimer, et les dispositions pour déterminer les formes à suivre dans les poursuites. Dans l'article 33 on ne parle que d'une loi, parce qu'il s'agit uniquement de définir des crimes; et, dans l'article 56, on parle de lois, au nombre pluriel, parce qu'il s'agit et de définir des crimes et de régler les formes à observer dans les poursuites criminelles. Il n'y a rien de plus gratuit que le système dans lequel on conclut de ces mots des lois, dans l'article 56, qu'on peut et qu'on doit se dispenser, quant à présent, de faire ces définitions et de régler ces poursuites'.

Au reste, la loi proposée en 1819, considérée comme loi de procédure, et en y ajoutant les définitions prescrites par l'art. 36, en y joignant une autre loi annoncée, relative à la responsabilité des agens d'exécution', nous semble digne d'être adoptée, sauf à la perfectionner dans la suite si on le juge nécessaire. Par rapport aux agens subordonnés, l'art. 75 de la constitution de l'an 8 est en contradiction directe avec les principes et la lettre même de la Charte. C'est un scandale que des mi

1 Voyez De la Responsabilité des Ministres, et du Trojet de loi sur le Mode de Procéder en cas d'Accusation d'un Ministre. Paris, 1819; 27 pages in-8°. Cet écrit remarquable a pour auteur M. de Staël petit-fils de M. Necker.

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Voyez De la Responsabilité des Agens du Pouvoir, d'après nos lois actuelles, et du Droit de Défense et d'Indemnité des citoyens envers les Agens du pouvoir, par M. Rey, de Grenoble, avocat à la Cour Royale de Paris ; in-8°; 1818.

nistres osent invoquer, que le conseil-d'état anticonstitutionnel comme tribunal, extra-constitutionnel comme ayant bureaux publics de travail ministériel, ose en faire journellement l'application, et que les tribunaux légitimes imitent ce désordre. On ne saurait trop promptement le faire

cesser.

377. Les ministres ne sont point responsables collectivement; ils le sont chacun de tous les crimes ou délits ministériels commis par lui ou par ses ordres, dans le département' qui lui est confié.

CHAPITRE X.

Chambre des pairs considérée comme haute cour de justice 2. (Articles 33, 34 et 35 de la Charte.)

378. L'ACCUSATION intentée par la chambre des députés contre les ministres, ne peut être portée, selon l'article 55 de la Charte, que devant la chambre des pairs. Nous n'insistons pas davantage sur ce premier chef de la compétence criminelle de la chambre des pairs. Il y a un deuxième, un troisième chef de cette même compétence à développer.

I Voyez De la Responsabilité Ministérielle, par M. Pagès ; ch. IV. Paris, in-8°, 1818.

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