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rels, au sens de la Charte, sont les commissions et les tribunaux temporaires, toutes les juridictions incompatibles avec la Charte, et non fondées sur une loi, comme les cours prévôtales, les commissions militaires, et la juridiction actuelle de l'université, et de prétendues officialités. Les tribunaux spéciaux, qui n'étaient qu'une sorte de juridiction prévôtale, ont été supprimés par la loi du 20 décembre 1815. Ils n'ont pas été recréés ; ils ne sauraient exister constitutionnellement, puisque l'institution tutélaire des jurés est conservée, et ne peut qu'obtenir de l'extension et des perfectionne

mens.

392. Les tribunaux ou conseils permanens militaires et maritimes, sont extraordinaires ou d'attribution; mais ils sont juges naturels des militaires, comme autorisés par des lois, et n'étant pas en tout contraires à la Charte ni à son esprit.

393. « Nul ne peut être distrait de ses juges naturels; il ne pourra en conséquence être créé de

commissions et tribunaux extraordinaires. >>

«Ne sont pas comprises sous cette dénomination les juridictions prévôtales, si leur rétablissement est jugé nécessaire » (art. 62 et 63 de la Charte).

Pesez le mot rétablissement. Quand il est réservé dans le pacte social, il ne peut se faire qu'en se conformant aux règles de l'institution abrogée ou suspendue; or, les lois sur les anciennes prévôtés

Voy. M. Bérenger, de la Justice criminelle en France, p.

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furent toutes violées par la loi sur les cours prévôtales, du 20 décembre 1815. Ces cours inouies furent de nouveaux tribunaux tout différens des premiers. C'est un éternel reproche à faire, avec tant d'autres, à la chambre de 1815, d'avoir, par loi, mis tous les Français hors la loi; de les avoir tous ravalés à l'ancienne condition légale des vagabonds et des voleurs de grand chemin; d'avoir fait juger, par une cour prévôtale, presque tous les délits politiques; d'avoir oublié que, dans le dernier état de l'ancien régime, les Français étaient la plupart exempts de l'ignominieuse et gothique juridiction des prévôts, d'avoir érigé quatre-vingtsix cours prévôtales pour remplacer trente-deux juridictions de cette espèce qui existaient en 1789, et qui souvent, dans une année entière, n'avaient pas une seule affaire à juger. Cette loi de 1815 est une des plus criantes entreprises qui aient jamais eu lieu contre la nation entière, la raison et l'humanité.

394. « Les débats seront publics en matière criminelle, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l'ordre et les mœurs; et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement » (art. 64).

395. « L'institution des jurés est conservée. Les changemens qu'une plus longue expérience ferait juger nécessaires, ne peuvent être effectués que par une loi » (art. 65).

.

Matière criminelle comprend, dans l'art. 64, tout ce qu'on appelle crimes, délits et contraven

pelés des membres des premières autorités de l'état. Si ce n'était qu'un faux semblant, c'était une louable apparence, qui devait parfois être utile. Il faudrait que cet appel fût à tour de rôle; autrement les ministres n'appelleraient guère que les hommes connus pour n'avoir pas d'avis qui leur soit propre.

La grâce n'a point d'effet rétroactif; elle suppose délit et culpabilité jugée ; et ne fait que réintégrer le condamné dans ses droits politiques, civils, utiles et honorifiques, à compter depuis qu'elle est accordée.

Il ne faut pas confondre l'amnistie avec la grâce. Généralement, l'amnistie est un acte législatif, comme la grâce est un acte du pouvoir royal, de la personne du monarque, soit qu'il agisse de luimême, soit qu'il s'entoure de conseils, soit qu'il ait égard à des pétitions.

CHAPITRE XII.

Conseil-d'État.

399. Il n'y a point de conseil-d'état selon la Charte. Il y a de fait un conseil-d'état ; il y a même plusieurs conseils-d'état sous des noms divers; il y a plusieurs branches luxuriantes du plus nom

Voy. l'Appendice no vIII.

breux des conseils-d'état. Mais toutes ces institutions ne doivent leur origine qu'à des ordonnances du roi, ou, si l'on veut, à la constitution de l'an 8, et à des actes du gouvernement consulaire et du gouvernement impérial, ou enfin au régime royal détruit il y a trente ans. Elles ne peuvent donc être tout au plus que des établissemens provisoires, si on leur suppose de l'autorité dans le royaume.

Le conseil-d'état, selon les ordonnances, n'a de juridiction établie ou reconnue d'une manière légale, et postérieurement à la Charte, que la juridiction très-anti-constitutionnelle relative à l'exercice des droits d'électeur ou d'éligible, et fondée sur l'art. 6 de la loi des élections du 5 février 1817, qu'il n'est pas tems de réformer.

Comme tribunal du contentieux de l'administration, de la validité des prises maritimes, des appels comme d'abus, de la vérification des bulles, de la mise en jugement des agens exécutifs, en un mot comme cour judiciaire, le conseil-d'état, dans tous ses genres et dans toutes ses espèces, est donc extra-légal comme il est anti-constitutionnel.

Les ordonnances qui l'ont recréé, selon l'ancien régime, ou qui l'ont modifié, sont en date des 29 juin 1814, 23 août, 21 septembre 1815, et 19 avril 1817.

Sous un gouvernement représentatif, il ne peut y avoir d'autorités judiciaires légitimes, que celles qui sont fondées en loi, et qui n'ont rien de con

traire à la Charte constitutionnelle; il ne peut y avoir de juges amovibles à volonté.

Considéré comme assemblée consultante, appelé habituellement et accidentellement par le roi ou les ministres, pour donner de simples avis; pour préparer même des travaux législatifs, ou des réglemens, ou des décisions, tout conseil-d'état est extra-constitutionnel, et, jusqu'à présent, extralégal, mais nullement contraire à l'esprit de la Charte. Seulement, pour éviter des abus déjà trop manifestes, un tel conseil-d'état doit être, en définitive, à la charge de la liste civile.

Le conseil des ministres est nécessaire, et le seul conseil constitutionnel du monarque; il faut le prince puisse consulter ; et il faut bien que les ministres confèrent entre eux, pour qu'il y ait unité de pensée et d'action ministérielles.

que

FIN DU LIVRE TROISIÈME.

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