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ponse. Parce que son auguste auteur a voulu qu'elle eût un nom tiré des actes ou traités politiques du tems passé; pour la rendre ainsi plus vénérable, pour tâcher d'unir le passé au présent, eufin, de rappeler l'idée de la Charte aux Normands, et d'autres Chartes célèbres dans notre histoire, et de la grande Charte anglaise, le plus ancien des titres, mais aujourd'hui l'un des moins importans entre ceux qui ont fondé la constitution britannique; c'est un titre pourtant qui a triomphe d'âge en âge des attaques perpétuelles et les plus violentes du despotisme ministériel.

TROISIÈME QUESTION. Pourquoi cette Charte de 1814 est-elle dite concédée et octroyée quoiqu'elle contienne si peu de choses vraiment nouvelles? Réponse. Parce que ce vieux style devait répondre au vieux nom de Charte. C'est le style du moyenâge, dans la confection des lois de France et d'Angleterre que nous avons citées. Concédé, du latin concedere ire cum, signifie exactement ce qui est accordé, reconnu, consenti avec ou entre des parties intéressées, ce qui est cédé à leurs demandes, à leurs vœux. Quant au mot octroyer, il ne signifie pas accorder par pitié, par miséricorde, mais littéralement autoriser et rien autre chose, Ce n'est pas un mot tiré du grec oicteirein; avoir pitié, c'est, de l'aveu de nos lexicographes, un mot abrégé du bas latin auctorisare, infléchi en langue française; il signifie donner autorité, c'està-dire, quand il s'agit d'un acte royal et public,

sanctionner et publier. Ainsi les octrois des communes, appelés autrefois octrises, choses autorisées, sont des contributions sanctionnées et publiées par la sanction et la publication royale. Dans les monarchies les mieux tempérées, la sanction, l'autorisation du roi est une sage condition de la loi; plus cette autorisation est franchement et solennellement consentie, plus elle est un gage de stabilité. La publication royale est la forme nécessaire dans toutes les monarchies; le roi sanctionne et publie nos lois, cependant il ne les fait pas seul, et seul il ne peut pas les révoquer.

QUATRIÈME QUESTION. La Charte est-elle une simple ordonnance, un titre révocable à volonté par le roi? Réponse. Non, puisque c'est notre loi fondamentale et constitutionnelle, la loi de nos lois. Non, puisqu'elle est, dans son préambule même, qualifiée Charte constitutionnelle. Non, puisqu'elle a été faite suivant des bases posées, acceptées par le sénat et la chambre des députés '. Non, puisqu'il est reconnu qu'elle est donnée, en cédant au vou des sujets, c'est-à-dire au vou national, à un vœu reconnu aussi pour être l'expression d'un besoin réel, fondé sur les effets des progrès toujours croissans des lumières et des rapports nouveaux que ces progrès ont introduits dans la société. Non, puisqu'elle est donnée et jurée

1 Recueil des Lois du Royaume, par M. Isambert, année 1819, préface, page 12.

par le roi et les princes pour eux et leurs successeurs. Non, puisqu'elle est acceptée et jurée purement et simplement par les chambres, par les électeurs, par les fonctionnaires publics, et que l'exécution en est désirée par tous les bons Français. Non, puisque cette Charte constitutionnelle a été confiée en dépôt, par la loi du 15 mars 1815, à la fidélité et au courage de l'armée, des gardes nationales et de tous les citoyens. Non, puisque le roi Louis XVIII, dans son ordonnance du 5 septembre 1816, s'est déclaré convaincu que les besoins et les vœux des sujets étaient réunis pour la conserver intacte, et puisque, en conséquence, il a ordonné qu'elle ne serait point révisée. Non, enfin, puisque dans son discours d'ouverture des chambres, du 4 novembre 1816, il a dit: Je ne souffrirai jamais qu'il soit porté atteinte à cette loi fondamentale du royaume.

CINQUIÈME QUESTION. Cette Charte ne peut-elle pas être révisée ou modifiée légitimement par une loi ordinaire du roi et des chambres? Réponse.

Tout est possible de fait dans certaines circonstances, surtout lorsqu'il y a faction et ligue, élections maîtrisées par les ministres, état de choses qui ne peut exister, sans menacer à-la-fois l'autorité du prince et les droits de la nation; mais l'usurpation est abus, et l'abus crie sans cesse; mais en droit, il faut pour réviser ou modifier toute constitution. écrite, des formes spéciales, différentes de celles qui sont requises pour les lois ordinaires. Il les

faut, ou bien la constitution ne serait qu'une loi du second ordre; elle ne serait plus la loi suprême, elle ne serait rien qu'un commandement variable à volonté; en un mot, il n'y aurait vraiment pas de constitution. Son titre de Charte constitutionnelle et nos sermens ne seraient plus que d'odieuses déceptions. Selon la nature des choses, et ce qui est reçu chez les peuples qui ont une constitution écrite, il faut des formes spéciales pour la changer. En ce point consiste le caractère distinctif, essentiel et unique des constitutions écrites. Il est impossible d'en indiquer un autre. Ces formes appartiennent aux nombreuses lacunes de la Charte qu'il est nécessaire de remplir.

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SIXIÈME QUESTION. N'y a-t-il pas dans notre constitution des articles réglementaires qu'on peut abroger à volonté? Réponse. Disposition réglementaire et disposition constitutionnelle sont dés mots qui jurent d'effroi de se voir accouplés. La constitution est la loi des lois, la loi suprême; elle est le régulateur des lois ordinaires, et cellesci sont avec elle, et subordonnément à elle, des modèles obligés de tous les réglemens. Ceux-ci ne sont pas des lois, ils ne sont pas. faits par les législateurs, mais par le seul pouvoir exécutif; ils n'ont pour objet légitime que d'assurer l'exécution de la Charte, ou des lois secondaires, ou la sûreté de l'état. Tout dans la Charte est, ou récognitif des droits naturels et imprescriptibles, ou garantie nécessaire à la paix publique, ou enfin constitutif et

elle ne consiste pas seulement dans le concours des trois pouvoirs pour nous imposer de lourds impôts et de rudes lois.

Ce qu'il faut à notre constitution pour faire jouir des garanties qu'elle proclame, c'est qu'elle soit exécutée, obéie, développée, selon son texte et selon son esprit, par les lois qu'elle commande ou suppose, par des ordres, des réglemens légaux, et des jugemens indépendans; c'est qu'on veuille bien en faire jouir les citoyens telle qu'elle a été jurée; c'est qu'on s'abstienne de faire marcher de front avec elle des décrets anti- légaux, une loi telle que l'art. 57 de cette constitution consulaire qui mourut en naissant et qui est abrogée, ni la juridiction, ni la législation d'un conseil d'état amovible où le ministre est juge et partie, ni une législation universelle et journalière par ordonnances ministérielles; c'est qu'on en repousse de tristes catégories, et les jamais et les toujours anti-constitutionnels; c'est qu'on brise les entraves dues à la liberté de la presse; c'est que des jurés legitimes connaissent au moins de tous les délits relatifs à cette liberté, et généralement de tous les délits et de tous les crimes; c'est que l'on puisse choisir librement son avocat, surtout dans les procès politiques et conserver ses papiers domestiques sans la permission arbitraire d'un ministre; c'est les juges d'assises et les jurés ne soient pas des commissaires choisis par l'autorité; c'est que nos administrateurs locaux et les juges de paix soient

que

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