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jugement se font par l'accord et le concours du peuple et l'ordonnance du roi sur cet ajournement, le procès leur sera fait suivant les lois, et leurs biens seront saisis d'après le jugement des Scabins, etc... Il ne s'agit donc point ici de loi à faire, mais de loi à exécutér; il ne s'agit pas d'autre chose que de procès à poursuivre selon l'usage du tems, devant le peuple assemblé, du milieu duquel s'avançaient les témoins, de sorte que tout se passait sous ses yeux et de son assentiment. Sans doute les lois se faisaient avec la formule de consilio et consensu; mais pourquoi, parce que tout prince aime à constater l'assentiment des sages et de tous ses sujets à ses réglemens. Le style tout monarchique des lois, dès le tems des Mérovingiens, ne permet pas d'admettre une autre doctrine. La version de Mably est donc infidèle et frauduleusement imaginée pour en inférer ce qui n'a point existé. Voilà, suivant l'écrivain respectable que nous combattons, ce qu'on peut vérifier dans le capitulaire de 864, ainsi que je l'ai fait moi-même, dit il, sur l'indication qu'on m'en avait donnée. Ensuite il ajoute : car il est bon de savoir que des personnes intègres et laborieuses s'occupent en ce moment à éclaircir, à rétablir les textes altérés et falsifiés où la révolution allait chercher des titres imaginaires.

Cependant l'abbé de Mably et la révolution n'ont point inventé leur explication, ou plutôt leur traduction exacte et naturelle de la maxime en

question. Il y a cent cinquante ans que nos sages, nos plus doctes antiquaires, Baluze, Ducange, l'ont expliquée comme l'abbé de Mably, en suivant la lettre et adoptant le sens logique du texte, enfin cédant aux conséquences résultant des dispositions réunies de notre article, qui est la rédaction péniblement travaillée d'une loi nouvelle déclarée faite suivant les formes alors subsistantes, et selon la maxime : « la loi se fait dans l'assemblée des principaux, de leur consentement, et par la volonté du roi. »

Baluze, dans la préface de son édition des capitulaires, applique d'abord nettement à la formation des lois, les paroles de notre article 6, lex fit, etc., et puis sans se contredire sans doute, il indique......

(1) Il existe ici une lacune dans le manuscrit. La citation suivante de la préface de Baluze pourra peut-être y suppléer. « VII Postquam diximus de nomine capitularium, consequens est de re ipsa agamus, primumque explicemus quonam illa modo conderentur, quæve solemnia adhibenda essent in his temporibus, ut eorum auctoritas valeret. Carolus-Calvus in edicto Pistensi, cap. vi, uno verbo, rem conficit dum legis promulgationem tribuit arbitrio et voluntati principis, consensum populo. Lex, inquit, consensu fit populi et constitutione regis. Consensu inquam populi, non quidem hominum è trivio, ne quis hic insolenter abutatur vocabulo populi, sed fidelium regis, id est hominum principum, optimatum procerum qui sunt capita populi: horum enim consilio reges utebantur cum de ferendis ac constituendis novis legibus agebatur, cum de tranquillitate populo conferenda quæstio erat. Habent, inquit Hincmarus, capitula christianorum regum, quæ generali consensu fidelium suorum tenere legaliter promulgaverunt.....

» VIII. Itaque postquam capitula constituta erant a principe legebantur coram populo; et postquam omnes consenserant, novis illis

qui signifient seulement diriger une procédure ou juger, ou exécuter un jugement, et je n'ai pas rencontré un seul texte où legem facere, sans opposition qui fixe le sens, signifie ajourner, procéder, juger ou exécuter la chose jugée. Enfin lorsque trois et quatre siècles après le neuvième, et en des actes non rédigés en France, mais en Angleterre ou en Italie, on rencontre legem facere, pour citer, procéder, juger, exécuter le jugement, cette expression forcée, cette formule équivoque n'est pas seule, mais soigneusement, pleinement éclairée par l'addition de certains mots, ou de certaines périphrases qui manquent ici; ils feraient un non sens ou un contre sens s'ils se trouvaient dans notre article, pour expliquer notre maxime lex fit, etc.

Je vais le prouver en montrant d'abord quelle a été l'occasion de la loi; expliquant ses motifs ou sa nécessité, c'est-à-dire le système légal que des malfaiteurs avaient employé avec succès, pour continuer leur brigandage; enfin en développant ce qui touche la forme et le sens, les conséquences, les effets de la loi nouvelle établie par notre article.

mots qui significut juger Les voici : mallum tenere, placitum tenere, dicere legem, facere justitias, facere justitiam, justitiam perficere, facere pacem et justitiam, judicium legibus facere, judicium facere, judicium decernere, judicia exercere, causas judicare, causas de more judiciario audire, definire, terminare justitias, dare sententiam legis, causas legibus definire, vel decernere, vel terminare, causas sententia legali definire, audire et terminare altercationes, de aliquo decernere.

Occasion de la loi. Elle est relative aux désordres qui suivirent long-tems les fameuses pirateries des Danois ou hommes du nord, qui durant plusieurs siècles, remontant les fleuves et se dispersant dans les campagnes de la France, incendiaient les églises et les maisons, pillaient, outrageaient, massacraient les habitans, souvent les emmenaient esclaves, pour être vendus dans les ports de mer, eux, leurs femmes et leurs effets mobiliers, et qui, après s'être long-tems arrêtés devant les villes et les lieux fortifiés, finirent par prendre et ravager les forteresses et les villes, tenir Paris assiégé, et se faire céder par contrat ce que nous appelons aujourd'hui, du nom des vainqueurs, la Normandie.

Leurs barbares exploits, leurs dévastations, donnèrent lieu à de nombreux capitulaires, où les historiens même de notre âge ont trop négligé de puiser la connaissance et le tableau des faits les plus importans. Il y a deux capitulaires donnés à Pistes, l'un en 862 et l'autre en 864 où se trouve notre article; et tous deux concernent les entreprises des Normands, les terribles calamités qui en résultaient, et les lois et autres mesures générales établies par le roi dans les assemblées nationales de ce tems-là, composées du clergé, des grands, des administrateurs et de douze hommes libres de chaque comté, c'est-à-dire de chaque principale division territoriale du royaume. Pistes, bourg out village près de l'embouchure de la Seine, aujour.

d'hui le village de Pitres', fut pendant quelquetems un des repaires où les Normands se tenaient fortifiés, et d'où ils se lançaient dans les campagnes, sur les deux rives du fleuve, pendant presque tout le cours de chaque année. Cet asile fut pris par les Français qui le gardèrent, et le roi Charles-le-Chauve en fit un château fort autour duquel il tint les comices ou assemblées politiques de ́la nation, aux deux époques ci-dessus indiquées. Mais en même tems sur les bords de la Seine du côté de la mer, un peu au-dessus de Pistes, était alors une île nommée Oscella, que les Normands occupaient, où ils tenaient garnison et retiraient leurs esclaves et le reste de leur butin. Faut-il dire que tel écrivain danois du moyen-âge, cite le traité où l'un de nos rois s'engageait sur le salut de son ame, à ramener aux Normands des esclaves échappés, et à lever pour les Normands vainqueurs, un impôt de guerre sur ce qui avait survécu de manans et de laboureurs la plupart entièrement ruinés. Les seigneurs et les vassaux se multipliaient par une suite d'abus et d'imprévoyances, on parlait de landwer ou de levée en masse de tous les citoyens contre les pirates, les rois ne cessant de guerroyer entre eux sur le partage de la couronne et des comtés, la France était couverte de ruines et désolée par toute sorte de brigaħdages. Les rois appauvris par d'imprudentes fondations ecclésiasti

(1) Expilly.

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