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pour juger ces prévenus au lieu du délit, rien moins qu'une loi nouvelle, soit pour les citer valablement, soit pour faire contre eux la preuve valable de leur ajournement donné au lieu de leur domicile actuel, c'est-à-dire hors le lieu du délit, hors le ressort du magistrat poursuivant, et dans le ressort de leur nouveau domicile. Voyons si cette loi nouvelle fut donnée, en quelle forme elle dut être donnée, si cette forme ne fut pas observée, et si la loi ne fut pas faite dans l'assemblée nationale des Français de l'avis et du consentement de cette assemblée.

Loi nouvelle pour remédier au mal, en quelle forme elle dut étre faite, et en quelle forme elle fut faite. Si le rédacteur de l'article 6, au lieu de faire sentir, en exposant deux nullités de formes alléguées par les prévenus, la nécessité d'une loi nouvelle, et au lieu d'énoncer le droit nouveau que cette loi devait établir, s'il avait dit seulement : justice se rend par les suffrages du peuple, et selon la loi royale, donc, en l'espèce posée, les citations sont valables, et les Français peuvent jurer légalement qu'elles ont été faites, en conséquence les prévenus laissant défaut, seront jugés au fond et condamnés s'il y a lieu, et le jugement de leur condamnation sera exécuté par confiscation de leurs biens et saisie de leur personne; notre artiticle n'offrirait qu'une suite de raisonnemens absurdes. A des prévenus qui disent aux juges; nous sommes mal et nullement cités, et de plus la vé

rité de la citation ne peut être devant vous valablement prouvée, car nous ne sommes pas vos justiciables c'eût été un non sens et une série d'absurdités que de répondre la justice se rend par le peuple de chaque comté, et l'on va vous juger, vous condamner, vous saisir dans vos personnes, vous exécuter en confiscant vos biens, car 1° le droit français d'alors était et resta directement contraire; le peuple avait cessé d'être juge d'aucune affaire, et il y avait des juges nommés qui seuls rendaient la justice temporelle, civile et criminelle; 2o lors même que le peuple, c'est-à-dire les hommes libres de chaque comté, rendaient la justice criminelle suivant l'ancien droit germanique et la loi salique, ils ne pouvaient ni citer ni juger que les seuls domiciliés dans le comté où ils étaient établis juges.

Aussi notre article a un sens tout contraire que voici: Jusqu'à présent nos lois imparfaites autorisaient telle exception dans la forme, mais ces anciennes lois ne pourront être invoquées à l'avenir, elles vont être changées par une loi contraire. Toute loi se fait par le consentement du peuple français en assemblée générale, et par l'ordonnance du roi; or le roi, de l'avis et du consentement des Français assemblés à Pistes, en plaid général des principaux de ceux qui lui ont promis fidélité comme sujets, le roi a en forme légale ordonné que l'envoyé ou inspecteur royal sera compétent dans chaque inspection, et chaque comte

dans chaque comté, pour juger les vols et rapines commis dans leur ressort, même par des étrangers.

Ainsi le comte qui a le crime dans son territoire, en fera la poursuite. Il est autorisé à envoyer au besoin, un scabin ou autre délégué, dans un autre comté, à la maison où demeure le prévenu ou son complice (art. 4), et à le faire citer par semonce ou par bannie. Tel est le sens de la loi nouvelle en sa disposition sommaire, tels le sens littéral et le sens vulgaire de ces mots : contra quorum malas insidias, consensu et consilio fide, lium nostrorum, statuimus ut comes missum suum (suum ministrum, actorem) ad illam terram in quá domos quis habuit, mittat, et reum bannire et mannire jubeat. Cet article 6, à cause de son importance, n'est pas seulement comme la plupart des autres, un article abrégé des délibérations du plaid général; c'est un capitulaire tout entier avec des développemens jugés utiles, à cause de la grandeur du mal auquel on voulait remédier. La même forme spéciale de capitulaire entier, est par une raison semblable, encore observée dans l'article 34 du même édit de Pistes de 864. Ces deux articles comme tous les autres du même édit, eussent pu être suffisamment certifiés loís françaises délibérées et acceptées dans l'assemblée politique, par cette cause du préambule de ce même édit : notum esse volumus quoniam hæc quæ sequuntur capitula, nunc in isto placito nostro, in hoc loco

qui dicitur Pistis cum fideliorum nostrorum consensu atque consilio constituimus, etc...

Développement et conséquences de la loi nouvelle. La disposition sommaire est vraiment une loi, c'est-à-dire une volonté nationale et royale, puisqu'elle est délibérée dans l'assemblée générale de Pistes. Conformément au principe d'alors et d'aujourd'hui, la loi se faisait par le consentement national et par l'ordonnance du roi. Ainsi la citation pour délit de brigandage, faite d'autorité du comte du lieu du délit, par semonce ou par bannie publique au lieu qu'habitait le prévenu, est légale. Ainsi les témoins d'une pareille citation seront légalement admis à la certifier par leur serment, à l'audience du comte du lieu du délit. Ainsi les scabins du même comté, au nombre de sept au moins suivant la loi, donneront légalement leur suffrage sur les actes de l'instruction s'il est nécessaire, et sur le fond de l'accusation, et leur avis définitif sera le jugement légal que le comte prononcera, et qu'il fera exécuter, s'il le faut, sur le corps et les biens des prévenus, soit qu'ils aient comparu, soit qu'ils aient fait défaut. Il est impossible d'expliquer autrement, avec justesse, les clauses suivantes : et quoniam lex consensu populi fit et constitutione regis, Franci jurare debeant, quia secundum mandatum nostrum ad justitiam reddendam vel faciendam legibus bannitus vel mannitus fuit; et sic ipsæ res illi judicio scabiniorum in bannum mittantur; et si necesse fuerit,

ipse in forbannum mittatur qui ad justitiam reddendam venire noluerit.

Expliquant ces paroles, je ne dois plus insister sur le vrai sens, sur l'unique sens littéral et logique de la maxime lex fit consensu populi, etc... Ce que devront jurer les Français touchant la citation de mannitione vel bannitione, c'est ce qui doit être juré avant qu'on passe à l'instruction ultérieure du procès, c'est la vérité de la citation donnée d'autorité du roi d'après sa loi nouvelle, hors le territoire du comte qui préside, mais au domicile du prévenu: jurare debeant quia secundum mandatum nostrum legibus bannitus vel mannitus fuit.

Je m'arrête à cette clause secundum mandatum nostrum legibus mannitus. Est-ce donc que le roi donnera l'ordre de citer les prévenus? - Non. Mais toute citation de la part du magistrat royal et non seigneurial, était censée faite par ordre du roi, parce que ce magistrat agissait comme délégué par le roi; lorsqu'il donnait à son préposé l'ordre de faire une citation, il était censé exécuter un mandat royal. La commission du comte et de l'inspecteur de comtés, se rapportait à la délégation royale et générale que le magistrat avait reçue par sa commission, et aux lois que le roi avait sanctionnées et publiées.

La justice émane du roi non comme juge, mais comme auteur supposé de la loi et de l'ordonnance de citation. Nous en avons dans les capitulaires

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