Page images
PDF
EPUB

restant en vigueur. Les mots Code Civil signifient et ne peuvent signifier que les dispositions de lois insérées dans ce Code. C'est donc le contenant pour signifier le contenu; le singulier absolu pour le pluriel général '; le sens général et relatif à la non contrariété au lieu du sens absolu; le sens distributif au lieu du sens collectif. L'article 68 développé signifie donc : « Les dispositions de lois insérées au Code, et les autres dispositions de lois qui ne sont pas contraires à la Charte, restent en vigueur, etc. »Tel est le sens littéral et le sens spirituel, celui que les mots excitent naturellement dans notre esprit, quand nous ne sommes point prévenus, et que nous sommes dans l'état tranquille de la raison.

Séparer dans cet article les lois du Code Civil des autres lois, pour tâcher de maintenir toutes les premières jusqu'à une abrogation possiblement future, et de conserver dans le Code Civil tout ce qui serait le plus contraire à la Charte, ce serait séparer ce que l'article a joint, pour rejeter le sens naturel et le seul raisonnable, pour s'attacher à une pointillerie, pour abandonner la vérité, pour trahir l'intérêt public, pour détruire la première base de nos libertés; enfin, pour commettre envers le législateur la double injure sanglante et gratuite de le soutenir en contradiction manifeste

[ocr errors][merged small]

! C'est le trope, ou la figure de grammaire appelée synecdoque dans le nombre. Voy. le Traité des Tropes.

avec lui-même, et de lui imputer un artifice inexcusable, une supercherie honteuse dans l'acte le plus solennel où il a été le seul maître de la rédaction. Disons donc que les dispositions du Code Civil, comme celles des autres lois qui sont contraires à la Charte, inconciliables avec elle, par conséquent l'addition touchant les majorats en ligne directe qui se trouve dans l'article 896 du Code, furent abrogéés pár la Charte; disons-le, ou croyons, ce qui serait absurde et révoltant, que les clause's énonciatives de l'Empereur et de l'empire qui résonnaient si souvent dans ce Code doivent y être restituées comme encore valables, et que d'autres clauses expressément ou tacitement abrogées avant le 4 juin 1814, ont recommencé d'être obligatoires par l'article 68, comme étant écrites matériellelement dans les textes du Code.

* XV. L'article 69 de la Charte vient renforcer tout ce que nous avons dit contre la légalité actuelle des majorats, d'après les art: 1, 2, 6, 8, 62, etinol zu

Cet article 69 est relatif aux militaires auxquels Napoléon avait dû prodiguer les majorats; ib ́est calqué sur un article corrélatif dans le projet de constitution du sénat, et qui fut ajouté après une longue discussion dans l'assemblée des sénateurs. On y conserve aux militaires leurs grades, leurs honneurs, leurs pensions, mais non leurs majorats, parce qu'ils étaient depuis cinquante ans, en Europe, jugés incompatibles avec l'égalité et

[ocr errors]

la liberté, la moralité, la prospérité nationale.

XVI. Il est vrai que, dans les douze volumes d'ordonnances publiées depuis juin 1814, il en est un grand nombre qui organisent les majorats; il en existe une signée de l'ex-premier ministre, qui invite les pairs à la pratique des majorats, et même une en contradiction ouverté et littérale avec l'article 3 de la Charte, et avec l'esprit de l'article 27, qui exclut de la libre nomination royale à la pairie tous ceux qui n'ont point de majorats; enfin, des diplômes de majorats ont été expédiés, et en assez grand nombre.

Mais tous ces exemples ne sont rien devant la Charte. La responsabilité des ministres n'est point organisée; et depuis quatre ans ils se sont abandonnés aux plus fâcheuses déviations', quelquefois malgré eux, et en se contre disant eux-mêmes à deux jours d'intervalle; il faut se décider par la loi et non par les exemples : c'est un oracle de la sagesse des siècles. Legibus non exemplis judicandum est... facta petantur è temporibus bonis et moderatis, non dissolutis, quorum exempla magis nocent, quam docent. BACON.

pu

La prescription n'a pas lieu contre le droit blic; l'abus crie sans cesse, et empêche de prescrire. Qu'est-ce donc, contre la Charte et ses prin

1 L'ex premier ministre s'exprimait honorablement et constitutionnellement, en janvier 1816. sur une grande partie des proscriptions législatives; et, le lundi suivant, il en demandait l'accomplissement à la chambre des pairs.

cipes, que , que des exemples abusifs de trois ou quatre années mauvaises? Faute de loi, ceux qui ont délinqué sont à l'abri des recherches. C'est là tout ce que l'on peut conclure de tant de fautes. Gardonsnous de faire à la Charte des blessures nouvelles; empressons-nous plutôt de cicatriser les plaies invétérées qui la couvrent, et accélérons ses développemens. C'est là notre premier besoin, la loi de nos sermens, le cri de l'honneur et de la pa

trie.

FRAGMENT

SUR LES INCONVENIENS DES MAJORATS POUR L'ÉTAT ET POUR LES FAMILLES.

DEUX causes ont produit les majorats : d'abord l'abus des testamens déjà si abusifs, ensuite l'abus des substitutions graduelles portées à l'infini, faute aux législateurs qui ont précédé le seizième siècle, d'avoir prohibé ce funeste désordre, né dans les ténèbres du moyen-âge.

L'instinct du despotisme toléra, autorisa, encouragea, commanda bientôt ces déréglemens, et il y ajouta l'abus rajeuni par Napoléon, celui des majorats du propre mouvement du prince, ou octroyés par le prince à la demande des propriétaires aveugles de vanité.

De tous ces majorats, il ne pouvait résulter que de fatales conséquences: on les voit, sans nombre, pulluler dans l'Italie et dans l'Espagne, malheureusés pátries des majorats!...

¡Tout les accuse; car tout à lieu d'en gémir. L'état ou la nation, les puinés du majoratisé et jusqu'aux aînés jouissant de la misérable terre privilégiée.

[ocr errors]

Qu'il est à plaindre l'état où les majorats organisent avec tant de force une minorité aristocratique et oiseuse, chagrinant, tourmentant, compromettant perdant les rois, affligeant, écrasant les peuples; où les grands possesseurs sont exempts à perpétuité des graves impôts levés sur les mutations volontaires, et surchargent, par ces immunités tout le reste des citoyens; où les lois perverses invitent les majoratisés à contracter.des dettes et leur assurent les moyens de se jouer de leurs créanciers; 'où elles changent les détenteurs en usufruitiers, et par-la même leur donnent le besoin de dégrader l'héritage et les facilités pour y parvenir; où la presque totalité des habitans est déchue de la douce espérance de posséder des immeubles; où elle perd dès-lors lé plus vif intérêt de la vie sociale; où ceux qui se trouvent ainsi condamnés au sort des ilotes s'en vengent par l'oisiveté, le vice, et le crime.

La propriété immobiliaire, sujette à mutation d'une famille à l'autre, a son fondement dans la nature, et ses garanties dans les lois de tous les

« PreviousContinue »