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Puisqu'au contraire notre Code Civil, art. 1051, (abrogé tout à-la-fois et conservé par l'art. 3 du projet) déclare nulle toute substitution qui n'appelle pas à la recueillir tous les enfans du grevé; ce qui a rendu forcée, depuis 1810, la computation par génération, l'art. 3, tel qu'il est proposé, nous laisserait par chaque acte de substitution deux degrés comptés pour un seul ou pour plusieurs substitués, ce qui admet le calcul par génération, ou portion collective de génération, et ce qui, faisant concourir les deux calculs, est contraire à l'article 33 de 1747, et à l'art. 1051 du Code Civil.

J'ai donc prouvé que nos adversaires, sur la grande question qui nous divise, ne savent pas de quoi ils parlent, qu'ils ne savent pas ce qu'ils affirment, ce qu'ils demandent. Ils devraient au moins lever la contradiction, en ajoutant à ces mots, jusqu'au second degré inclusivement, compté par personne ou par génération. Deux substitués, ou trois, quatre, cinq, dix, vingt, sont choses si différentes, qu'on ne peut admettre l'article dans l'état où il se trouve, et qu'il faut le rejeter, ou le restreindre, suivant la prétendue perfection de l'ancien régime et de l'ordonnance de 1747.

Ici, M. le ministre de la justice m'a interrompu, contestant qu'il ait énoncé, exprimé l'intention' que l'on compte les degrés par génération;

Il l'a clairement énoncée dans l'art. 3, puisque cet article permettrait de favoriser, tant au premier qu'au second degré, un ou plusieurs

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et il a soutenu dans la même séance que dans nos tribunaux les degrés de substitution se comptent toujours, et doivent toujours compter, en sorte que chaque personne substituée forme un degré. Un noble vicomte l'a remercié de ce prétendu éclaircissement, qu'il a fait insérer au procès-verbal, comme un trait de lumière, pour constater le sens dans lequel l'article 3 serait adopté par la chambre des pairs; mais la computation par génération est l'un des deux sens de cet article, et plusieurs fois cela est énoncé clairement dans le rapport de la commission.

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Reprenant ensuite mon second point, j'ai prouvé, d'après les citations de Montesquieu, rassemblées page 34 et 35 de mon discours imprimé sur le projet entier, que, suivant cet auteur, les inégalités de partage, et notamment les substitutions, ne sont bonnes que pour soutenir les monarchies absolues ou despotiques; qu'elles ne sont

substitués, termes qui excluent la computation d'une seule personne par degré. Les paroles du ministre, dans le Moniteur, sur la computation par degré d'une seule personne, l'acceptation de cette erreur de fait par un noble vicomte, l'insertion qu'il en a demandée et obtenue au procèsverbal, lorsque ma voix éteinte et enrhumée ne me permettait plus d'insister toutes ces singularités historiques sont trop remarquables. Au moins elles démontrent que l'art. 3 et l'art. 33 de l'ordonnance de 1747 n'ont pas été compris par les partisans de l'article; et que, si l'art. 3 n'était pas ou retiré (comme il devrait l'être expressémeut ou tacitement), on renvoyé à la chambre des pairs, ou rejeté, ou amendé, ce serait un phénomène unique dans les annales de la législation parlementaire. Pour le bonheur des Français, tout ce projet a été jusqu'ici bien malheureux.

bonnes que la; d'où il suit qu'elles sont mauvaises dans les monarchies constitutionnelles et représentatives, comme la nôtre.

J'ai conclu: Il est donc prouvé que les ministres et les autres patrons de l'art. 3 sont en contradiction avec eux-mêmes, sur le sens de cet article, conséquemment qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent, et ce qu'ils affirment, ce qu'ils demandent; il est prouvé aussi que Montesquieu a dit précisément le contraire de ce qu'ils attendent, et qu'ainsi Montesquieu suffirait pour faire condamner leur article 3, dont je vote le rejet.

No VII.

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DISCOURS

SUR LA COMPÉTENCE DE LA CHAMBRE DÉS PAIRS

EN CRIME D'ATTENTAT A LA SURETÉ DU ROI ET DES MEMBRES DE SA

FAMILLE;

PRONONCÉ LE 26 DÉCEMBRE 1820.

La loi est l'unique remède. Elle est aussi urgente que nécessaire. Définitive ou transitoire, il faut, avant tout, jugement nouveau de la chambre des pairs,

LORSQU'UNE Constitution écrite a été long-tems ajournée dans ses développemens les plus nécesşaires, lorsqu'elle a été long-tems contrariée, sus

pendue, lorsque l'exécution en a été souvent arbitraire ou illusoire, illusoire, si l'on ne s'arrête pas dans cette voie funeste, l'état se trouve en pleine marche vers sa dissolution prochaine; et, en attendant qu'il reprenne, s'il en est capable, une vie nouvelle, il est exposé de toutes parts aux plus grands malheurs.

Au milieu de nos tristes déviations, selon mon devoir j'espère, s'il le faut, contre l'espérance, que nous rentrerons dans l'ordre constitutionnel; j'aime à croire que nous voulons tous y rentrer, puisque c'est le salut de tous.

Voilà, messieurs, à quels sentimens j'ai cédé en vous proposant d'éclaircir les épais nuages qui couvrent encore notre compétence générale et même provisoire, en crime d'attentat à la vie ou à la personne du roi ou des membres de sa famille. Nous sommes traités dans les tribunaux, devant la France et l'Europe, contre le texte de nos lois, contre le texte de nos actes, comme une cour anticonstitutionnelle, un tribunal d'exception, d'attribution arbitraire; on nous refuse toute compétence naturelle et légale; on proclame que, dans l'état des choses, nous n'avons pour titre qu'une délégation de fantaisie et de pur choix, qui doit s'arrêter dans les limites qu'on lui aura spécialement tracées par une ordonnance. Tant et si long-tems que cette doctrine honteuse et funeste, cette pratique générale anticonstitutionnelle, devenue, de fait, obligatoire dans tout le royaume, tant qu'elle sera subsistante, nous ne pouvons, ni effectivement ni

honorablement, c'est-à-dire, ni physiquement, ni moralement, connaître d'aucun crime d'attentat à la sûreté du roi ou de sa famille.

Partout notre droit est contesté; on nous presse néanmoins de l'exercer incessamment. Il faut donc incessamment l'éclaircir ou le manifester; le créer, si l'on veut, par une loi transitoire, ou surseoir à tout jugement de notre part.

La première chose qui doit être certaine dans les affaires criminelles, est sans doute la compétence du tribunal. Quelque élevé qu'il puisse être en dignité, il ne doit jamais se risquer à disposer des biens, de l'honneur, de la vie, de la mort, d'après de simples précédens, surtout lorsque son autorité est, non-seulement révoquée en doute, mais contestée comme fondée uniquement sur l'erreur, ou sur des concessions arbitraires et des commissions ministérielles; enfin lorsque cette même autorité est ouvertement et continuellement réprouvée par ceux dont le concours est le plus nécessaire, afin qu'elle se puisse déployer, sans proclamer elle-même sa faiblesse et sa honte; disons mieux, son usurpation sans excuse.

Or, il est indéniable que la compétence de la cour des pairs en crime d'attentat à la sûreté du roi ou de sa famille, je dis cette compétence naturelle et constitutionnelle, actuelle, matérielle, exclusive

I

1Impossibile est, dit la raison écrite, quod non est honori con

gruum.

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