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aînés au servage? Nous croyons qu'à un article, en lui-même raisonnable et juste, il ne faut pas chercher d'autres motifs que la raison, la justice, qui le mettent au-dessus de toutes les critiques de l'esprit de parti, et qui repoussent assez les soupçons offensans que nous venons d'indiquer.

89. Il est vrai que cet article 6 fut saisi avec empressement, avec passion, avec acharnement, pour décrier pendant trois mois le sénat par des discours et par des écrits imprimés, pour faire brûler la constitution publiquement, sous les yeux des autorités extraordinaires d'alors, à Rennes, à Nantes, à Bordeaux. Les écrits diffamatoires étaient apportés de Paris, et réimprimés dans les départemens aux frais des sociétés dites royalistes, et ils furent brûlés à leur tour par des royalistes libéraux, qui savaient apprécier ces libelles.

90. Tout-à-coup, le gouvernement provisoire se montra mal disposé pour la constitution, et pour les adhésions à celle du sénat, que ce gouvernement recevait de toutes parts. Il défendit d'insérer ces adhésions' dans le Moniteur, et donna pour motif qu'elles étaient trop nombreuses. Le sénat demanda qu'elles fussent du moins énumérées dans cette feuille : il ne put l'obtenir. Dans une assemblée confidentielle de quinze sénateurs convoqués au cabinet du gouvernement, on leur présenta, en huit ou dix articles, un abrégé de l'abrégé constitutionnel adopté si précipitamment, et on voulut les faire convenir qu'il ne fallait pas d'autre con

Bourbons, interrompu depuis 1792; se trouva renouvelé; il a été juré depuis très-expressément par le roi et par les deux chambres : il reste encore à l'exécuter complétement, à le développer, à l'améliorer un jour.

CHAPITRE VIII.

Exécution de la Charte durant la première restauration.

95. MAIS, avant tout, il fallait, par une prudence extrême, par une conduite la plus franchement libérale, par la plus religieuse observation de la Charte, calmer de vives inquiétudes, nées, accrues dans toute la France, durant quatre mois de retards, de délibérations, d'hésitations; affligeans préliminaires du plus simple abrégé des premiers principes constitutionnels, abrégé qu'il était facile, après vingt-cinq années de révolution, d'adopter ou de modifier en quelques heures.

Ces inquiétudes fâcheuses ne s'étaient que trop légitimées par ce qu'il y avait eu d'exprimné et d'insinué dans le discours d'annonce, et dans le malheureux préambule du nouveau pacte social, par le défaut de délibération et d'acceptation formelle des chambres, par les justes et trop amères censures de tout l'ouvrage, qui furent bientôt publiées.

Dans une telle situation, exécuter de suite et lit

téralement les dispositions de la Charte déjà susceptibles d'exécution, n'eût pas suffi encore à nos besoins, n'eût pas satisfait peut-être à la haute intelligence, à l'inquiète sagacité de Français, à l'ardente vivacité de leur aimable caractère. Il eût fallu de suite, par des lois et des projets de lois, nous rendre, nous annoncer au moins ce que la Charte promet ou suppose, nos plus précieuses libertés, anéanties ou atténuées par les Codes et par les décrets de Napoléon; la liberté individuelle, la liberté de la presse, la liberté des élections; offrir des projets sur la réalité du juri, la responsabilité des ministres et de leurs agens, sur le recrutement de l'armée, sur la juridiction criminelle de la chambre des pairs, etc.

On aurait concilié les esprits, allumé dans tous les cœurs l'amour et le dévoûment pour le roi, si l'on eût, en son nom, appelé l'attention nationale et les méditations des chambres sur des intérêts si grands, si précieux, si urgens, au lieu de laisser attiédir des sentimens nouveaux, envieillir et multiplier les soupçons, presque éteindre les plus chères espérances, par toutes sortes d'actes inconstitutionnels.

96. Cependant il se formait tous les jours, dans des sociétés secrètes de nobles et de prêtres, de magistrats et d'administrateurs, parmi les fonctionnaires actuels et parmi ceux qui aspiraient à le devenir, eux et leurs parens, et leurs affidés, une secte d'hommes détracteurs du présent, louangeurs

du passé, impatiens d'y voir conformer l'avenir; se disant royalistes, lorsque la royauté n'avait point d'adversaires; donnant aux citoyens des noms odieux, riant de la Charte comme d'une folie, se prononçant contre elle ouvertement ou à mots couverts, selon les occasions; ne voulant jamais y reconnaître qu'une carte d'entrée, qu'un artifice ou une faiblesse de la politique, une tolérance en un mot, jusqu'au tems favorable ou devaient s'accomplir d'audacieuses prophéties.

Ce parti dominait dans les palais, et parmi les chefs de l'armée nouvelle; il était soutenu par la plupart des ministres ; il visa toujours à s'emparer du ministère, comme objet d'ambition personnelle, et comme instrument nécessaire à l'accomplissement de ses projets subversifs. Il sembla cheminer dans l'ombre; il conserva quelque réserve jusqu'à la catastrophe de mars 1815. Mais au tems de la seconde restauration, il parut ouvertement comme une faction anarchique et furieuse; il s'annonça, dans le midi et dans l'ouest, par des attroupemens armés, par des pillages, des démolitions, des massacres; s'emparant des élections avec violence, maîtrisant ensuite les deux chambres; dominant dans les administrations, dans les tribunaux; menaçant, épurant, exilant, proscrivant, persécutant de toutes manières l'immense majorité des Français; s'arrêtant parfois, reculant par nécessité dans sa trop vive allure, et toujours reprenant sa marche rétrograde; conspirant sans cesse au dedans et au dehors

il

contre la patrie et sa nouvelle loi fondamentale. 97. Dès le commencement de la session de 1814, y eut contre la Charte une protestation formelle, présentée par un principal ministre au roi même, qui l'improuva. Elle était signée d'environ quarante personnages qui avaient eu entrée dans la cour des pairs avant 1789. Plusieurs d'entre eux faisaient partie de la chambre des pairs, en vertu de la Charte même; et négligeant leur unique titre légitime, ils affectaient de fonder leur pairie sur de prétendus droits antérieurs, toujours subsistans et impérissables, mais anéantis par six constitutions postérieures.

98. En même tems s'établissait le gouvernement par ordonnances. On voyait, sans nombre, des ordonnances royales en contradiction avec la Charte, et où le ministère usurpait le pouvoir législatif, réglementait les chambres, interprétait la constitution, dérogeait aux lois, violait les lois vivantes, ressuscitait les lois abrogées. Le conseil - d'état, extra-constitutionnel comme conseil, anti-constitutionnel comme tribunal, était recréé sans loi, et d'abord érigé en cour judiciaire (amovible); il ne lui était prescrit de jurer obéissance qu'aux édits et aux ordonnances du roi.

Un fonctionnaire essentiellement amovible et dépendant, le ministre de la justice, se mettait en possession de présider les magistrats constitutionnellement inamovibles de la première cour judiciaire du royaume; et une ordonnance qui n'a point

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