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321. 1er CAS. Si l'époux donateur laisse des enfants ou descendants (quel que soit leur nombre), il peut disposer en faveur de l'autre époux, d'un quart en propriété et d'un autre quart en usufruit, ou de la moitié de tous ses biens en usufruit seulement (art. 1094 C. N.).

Cette faculté constitue un droit particulier, lorsque l'époux donateur laisse plus de deux enfants, puisqu'en principe général, les libéralités ne peuvent excéder le quart des biens, si le disposant laisse trois enfants ou un plus grand nombre (art. 913 C. N.).

322. 2o CAS. Si l'époux donateur ne laisse point d'enfants ni de descendants, mais des ascendants, c'est-à-dire père, mère, aïeul ou aïeule, un droit particulier est encore introduit, et la libéralité peut embrasser, en propriété, tout ce dont l'époux pourrait disposer en faveur d'un étranger, et en outre, l'usufruit de la totalité de la portion dont la loi prohibe la disposition au préjudice des héritiers (1).

Ceci demande une explication aux termes de la loi, les libéralités par actes entre-vifs ou par testament ne peuvent excéder la moitié des biens du disposant, si, à défaut d'enfant, le défunt laisse un ou plusieurs ascendants dans chacune des lignes paternelle et maternelle, et les trois quarts, s'il ne laisse d'ascendants que dans une ligne (art. 915 C. N.). Ainsi, admettons un mari décédé sans enfants ni descendants, mais laissant son père et sa mère ou l'un d'eux seulement; dans le premier cas, celui où le père et la mère auraient survécu, la veuve donataire recueillerait, en pleine propriété, la moitié des biens du mari, et, en outre, l'usufruit de l'autre moitié; dans le second cas, celui où le père ou la mère aurait seul survécu, les trois quarts en pleine propriété, et le quart restant en usufruit. Nous ne relèverons pas ce que cette disposition peut avoir de sévère pour les ascendants, en faveur desquels, d'après l'ordre de la nature,

(1) Voir, au titre 14, chapitre 3o, et sous le n° 1028, ce qu'on entend par la réserve ou portion indisponible.

:

un simple droit à la nue propriété est presque toujours illusoire. La loi peut être dure, mais c'est la loi. Elle est, du reste, motivée sur ce que « Tel est l'effet de l'union intime des » époux, que, sans rompre les liens du sang, leur inquiétude >> et leur affection se portent plutôt sur celui qui survivra que >> sur les parents qui doivent lui succéder. » (Discours de BigotPréameneu sur les donations et testaments.)

323. Il doit être bien entendu qu'à défaut d'ascendants et et de descendants, les libéralités du mari envers sa femme, et réciproquement, pourraient épuiser la totalité des biens (argument tiré de l'art. 916 C. N.).

324. Il est un cas dans lequel la faculté de disposer subit une restriction puisée dans les obligations des père et mère envers leurs enfants, c'est celui où l'homme ou la femme, ayant des enfants d'un autre lit, contracte un second ou subséquent mariage. Dans ce cas, l'un ou l'autre ne peut donner à son nouvel époux qu'une part d'enfant légitime le moins prenant (1), dans aucun cas, ces donations puissent excéder le quart des biens, qui est le dernier terme de la disponibilité (art. 1098 C. N.).

sans que,

325. La loi a voulu parer à la simulation des actes, et à l'interposition de personnes; aussi, et pour prévenir les effets d'une affection désordonnée chez les nouveaux époux, a-t-elle disposé qu'ils ne pourraient se donner indirectement au delà de ce qu'elle permettait, et que toute donation, ou déguisée, ou faite à personnes interposées, serait nulle (art. 1099 C. N.).

Puis, elle a déclaré que seraient réputées faites à personnes interposées, les donations de l'un des époux aux enfants ou à l'un des enfants de l'autre époux, issus d'un autre mariage, et celles faites par le donateur aux parents dont l'autre époux

(1) C'est-à-dire que si cet époux laisse, par exemple, six enfants d'un premier lit, la part d'enfant advenant au second époux sera d'un septième, encore bien que, d'après la loi, la portion disponible en faveur d'un étranger fût d'un quart; que s'il laisse deux enfants d'un premier lit, la part revenant au second époux ne sera que d'un quart, quoique, légalement, la portion disponible fût d'un tiers (art. 913 et 1098 C. N. combinés).

serait héritier présomptif au jour de la donation, encore que ce dernier n'ait point survécu à son parent donataire (art. 1100 C. N.).

Ainsi, seraient considérés comme personnes interposées, les père et mère de l'époux donataire, encore qu'ils n'eussent point survécu à ce dernier ; il en serait de même des aïeuls ou aïeules du donataire, parce que celui-ci est leur héritier présomptif: l'on peut même aller jusqu'à dire que toutes autres personnes, suivant les faits et circonstances, pourraient être déclarées personnes interposées, et qu'il pourrait être jugé que, sous leur nom, une donation aurait été faite indirectement, contre la défense de la loi.

326. A la différence de la donation testamentaire, l'effet de la donation entre-vifs faite pendant le mariage et non révoquée, remonte au jour où elle a été acceptée en termes exprès, et non au jour du décès du donateur; en conséquence, la veuve donataire, saisie par son acceptation, n'a pas besoin de demander aux héritiers de son mari la délivrance des objets donnés.

327. Si la donation comprend des biens susceptibles d'hypothèque (1), il n'y a pas lieu à la transcription de l'acte au bureau des hypothèques; parce que les donations entre époux n'enlevant pas au donateur le droit d'hypothéquer et d'aliéner les biens qu'elles embrassent, et, d'ailleurs, étant essentiellement révocables, leur transcription serait, en réalité, sans objet.

328. Lorsque la donation consiste en un usufruit, l'époux donataire, la veuve, par exemple, peut être astreinte à donner caution de jouir des biens donnés en bonne mère de famille, si elle n'en a point été dispensée par l'acte constitutif de l'usufruit.

A défaut de cette dispense, et obligée qu'elle serait à fournir une caution, la veuve devrait en présenter une qui aurait la capacité de contracter, c'est-à-dire, qui ne serait ni mineure, ni interdite, ni femme mariée, qui aurait un bien suffisant

(1) Par exemple : une maison, une terre, etc.

pour répondre de l'objet de l'obligation, et dont le domicile serait dans le ressort de la cour impériale où la caution devrait être donnée.

La solvabilité de la caution ne s'estime qu'eu égard à ses propriétés foncières (art. 2018 et 2019 C. N.).

Pour arriver à fournir la caution exigée, les titres constatant la solvabilité de cette caution, sont déposés au greffe du tribunal; l'acte constatant ce dépôt est notifié par un huissier à la partie qui a droit d'exiger la caution.

Si cette partie accepte la caution offerte, elle le déclare par un simple acte; dans le cas contraire, le tribunal prononce sur une assignation donnée devant lui (art. 518 et suivants du C. de proc. civ.).

Si la veuve ne trouvait pas de caution, les immeubles seraient donnés à ferme ou mis en séquestre; les sommes comprises dans l'usufruit seraient placées, les denrées vendues et le prix en provenant pareillement placé dans ce cas, les intérêts de ces sommes et les prix des fermes appartiendraient à la veuve (art. 602 C. N.).

329. Il importe à la veuve, usufruitière, de connaitre ses droits et ses obligations.

Voici, en substance, ses DROITS:

Elle a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils (1), que peut produire l'objet dont elle a l'usufruit (2).

Elle a le droit de se servir des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l'argent, les grains, les liqueurs, sauf la restitution qui en sera faite en pareille quantité, qualité et valeur, ou leur estimation, à la fin de l'usufruit.

Elle a le droit de se servir, pour l'usage auquel elles sont destinées, des choses qui, sans se consommer de suite, se dé-

(1) Voir à la note, sous le n° 13, la définition de chacune de ces espèces de fruits.

(2) Les fruits naturels et industriels, pendants par branches ou par racines au moment où l'usufruit est ouvert, appartiennent à l'usufruitier (art. 385 G. N.).

tériorent peu à peu par l'usage, comme du linge, des meubles meublants, sauf la restitution de ces choses, à la fin de l'usufruit, dans l'état où elles se trouvent, mais sans détérioration produite par le dol ou par la faute de l'usufruitière.

Elle profite des coupes de bois taillis et des parties de bois de haute futaie, qui ont été mises en coupes réglées, mais à la charge de se conformer aux obligations que nous avons fait connaître sous les numéros 18 et 19, auxquels nous renvoyons, en faisant observer, d'un côté, qu'en dehors des époques et de l'usage des anciens propriétaires, relativement aux parties de bois de haute futaie qui ont été mises en coupes réglées, la veuve, usufruitière, ne pourrait toucher aux arbres de haute futaie, et n'aurait d'autre droit que celui d'employer, pour faire les réparations dont elle est tenue, les arbres arrachés ou brisés par accident, et qu'elle pourrait même, pour cet objet, en faire abattre, s'il était nécessaire, mais à la charge de faire constater la nécessité avec les héritiers nus propriétaires; d'un autre côté, qu'elle pourrait prendre dans les bois des échalas pour les vignes.

Elle peut aussi prendre sur les arbres des produits annuels ou périodiques, en se conformant à l'usage du pays ou à la coutume des propriétaires.

Elle a droit à la propriété des arbres fruitiers qui meurent et de ceux qui sont arrachés ou brisés par accident, à la charge de les remplacer par d'autres.

Elle jouit des droits de servitude (1), de passage (2), et géné

(1) Savoir: 1o de celles qui dérivent de la situation des lieux, comme, par exemple, celle d'après laquelle les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement, sans que la main de l'homme y ait contribué; celle d'après laquelle on est autorisé à user d'une source ou d'une eau courante, et celles applicables au bornage des propriétés contiguës (art. 640 et suivants C. N.); 2o des servitudes établies par la loi, notamment de celles qui se rattachent à la mitoyenneté des murs et des fossés, à la distance et aux ouvrages intermédiaires requis pour certaines constructions, aux vues sur la propriété de son voisin, à l'égout des toits (art. 653 et suivants C. N.); 3° et enfin des servitudes établies par le fait de l'homme (art. 686 et suivants C. N.).

(2) C'est-à-dire du droit de passage attribué au propriétaire dont les fonds sont enclavés, et qui n'a aucune issue sur la voie publique.

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