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distinct des époux; aussi ne tomberait point dans la communauté l'immeuble qui aurait été donné ou légué aux époux en se servant des expressions conjointement ou par moitié à chacun d'eux. L'immeuble ainsi donné ou légué serait propre å chacun des époux pour moitié.

23. L'immeuble abandonné ou cédé par père, mère ou autre ascendant, c'est-à-dire aïeul ou aïeule, à l'un des deux époux, soit pour le remplir de ce qu'il lui doit, soit à la charge de payer les dettes du donateur à des étrangers, n'entre point en communauté, sauf récompense ou indemnité (art. 1406 C. N.).

Cette dérogation au principe d'après lequel les immeubles acquis pendant le mariage entrent en communauté, est toute spéciale aux personnes et aux deux cas qui viennent d'être indiqués; elle a été introduite pour favoriser les arrangements de famille, et l'on doit décider que dans le cas ou l'abandon ou la cession procéderait de personnes autres que père, mère, aïeul ou aïeule, l'immeuble qui en ferait l'objet tomberait dans la communauté.

24. La récompense ou l'indemnité, dont il est parlé plus haut, appartient à l'époux non abandonnataire ou non cessionnaire de l'immeuble, jusqu'à concurrence, par exemple, de sa part dans les deniers de la communauté employés à l'acquittement des dettes du donateur ou du cédant.

25. L'immeuble qui aurait été vendu par un ascendant (1) à l'un des époux, comme il l'aurait vendu à un étranger, ne constituant pas un arrangement de famille, cet immeuble formerait évidemment un acquét de communauté.

26. L'immeuble acquis pendant le mariage à titre d'échange contre l'immeuble appartenant à l'un des deux époux n'entre point en communauté et est subrogé ou mis au lieu et place de celui qui a été aliéné, sauf la récompense s'il y a soulte (c'està-dire un excédant provenant d'inégalité dans le prix des im

(1) C'est-à-dire père, mère, aïeul ou aieule de l'un des époux.

meubles échangés), parce que cette soulte étant payée des deniers de la communauté, l'époux, privé de sa part dans ces mêmes deniers, dont l'autre époux profite seul, a droit d'en être indemnisé.

27. L'acquisition faite pendant le mariage à titre de licitation (1) ou autrement (2) de portion d'un immeuble dont l'un des époux était propriétaire par indivis (3) ne forme point un conquêt, mais un propre de communauté, c'est-à-dire un bien purement personnel à l'époux qui avait droit à cette portion, sauf à indemniser la communauté de la somme qu'elle a fournie pour cette acquisition.

28. Dans le cas où le mari serait devenu seul et en son nom personnel acquéreur ou adjudicataire de portion ou de la totalité d'un immeuble appartenant à la femme, celle-ci, lors de la dissolution de la communauté (4), aurait le choix ou d'abandonner l'effet à la communauté, laquelle deviendrait alors débitrice envers la femme de la portion appartenant à celle-ci dans le prix, ou de retirer l'immeuble, en remboursant à la communauté le prix de l'acquisition (art. 883 et 1408 C. N. combinés).

Cette option, d'ailleurs toute personnelle à la femme, et qui prend sa source dans une sorte de pénalité infligée au procédé du mari, est spéciale au cas donné; elle cesserait dans le cas où l'acquisition ou l'adjudication aurait eu lieu au nom commun du mari et de la femme, et l'on resterait sous l'application du principe général ci-dessus posé, c'est-à-dire que l'acquisition serait un propre de la femme.

29. La vente que le mari aurait faite, sans le consentement de la femme, de l'immeuble soumis au retrait dont il vient d'être parlé, pourrait être attaquée par la veuve pour cause de

(1) Licitation, c'est-à-dire vente en justice, aux enchères publiques, d'un immeuble appartenant en commun à des héritiers ou à des copropriétaires; ou encore, adjudication ou partage amiable entre eux du même immeuble.

(2) Ou autrement, c'est-à-dire à titre de vente amiable.

(3) Par indivis, c'est-à-dire en commun avec des cohéritiers ou copropriétaires.

(4) Voir au no 104 les cas de dissolution de la communauté.

nullité (argument tiré du § 3o de l'art. 1428 C. N. et art. 1599 même Code).

30. De plus, l'option de la femme pour le retrait ferait évanouir les hypothèques que le mari aurait consenties sur l'immeuble qui y était soumis, sans déclarer ou même en déclarant la condition du retrait (art. 2124 C. N.).

Il en serait de même des hypothèques judiciaires (1) inscrites sur le mari (argument tiré des art. 2124 et 2125 C. N.).

Nous reviendrons, sous le n° 180, sur l'effet du retrait, à l'égard de ces mêmes hypothèques, dans le cas où la femme a renoncé à la communauté.

SECTION IIe.

Du Passif de la communauté légale, et des actions qui en résultent contre la communauté.

31. La communauté légale se compose passivement : 1° De toutes les dettes mobilières (2) dont les époux étaient grevés au jour de la célébration de leur mariage ou dont se trouvent chargées les successions qui leur échoient durant le mariage, sauf la récompense pour celles relatives aux immeubles propres à l'un ou à l'autre des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un immeuble acquis avant le mariage ou advenu depuis;

2o Des dettes, tant en capitaux qu'arrérages (3) ou intérêts, contractées par le mari pendant la communauté ou par la femme du consentement du mari, sauf la récompense dans le cas où il y a lieu (4);

(1) C'est-à-dire des hypothèques inscrites en vertu de jugements obtenus contre le mari.

(2) C'est-à-dire qui ne procèdent pas de biens-fonds; celles en provenant sont appelées dettes immobilières: comme, par exemple, celles qui naîtraient de l'obligation de délivrer des immeubles légués par le père ou la mère de la future, ou vendus ou donnés par cette dernière. Il faut remarquer que le passif ne comporte les dettes mobilières qu'autant que, n'ayant point été acquittées pendant l'existence de la communauté, leur prélèvement doit être opéré sur ce qui reste des biens communs lors de la dissolution de cette communauté.

(3) Arrérages ou termes échus d'une rente, d'un loyer, etc. (4) Voir au no 202.

3o Des arrérages et intérêts seulement des rentes ou dettes passives qui sont personnelles aux deux époux (1);

4o Des réparations usufructuaires (ou d'entretien) des immeubles qui n'entrent point en communauté ;

5o Des aliments des époux, de l'éducation et entretien des enfants et de toute autre charge du mariage, ce qui comprend la nourriture des enfants (art. 203 et 1409 C. N. combinés).

32. Pour éviter qu'à l'aide d'antidate (2) on puisse éluder la défense imposée à la femme d'engager la communauté sans le consentement du mari, la loi ne met à la charge de la communauté les dettes mobilières, contractées par la femme avant le mariage qu'autant qu'elles résultent d'un acte authentique (3) antérieur au mariage, ou même d'un acte sous seing privé, ayant reçu, avant la même époque, une date certaine, soit par l'enregistrement, soit par le décès d'un ou de plusieurs signataires de cet acte, soit enfin par la constatation de sa substance dans des actes dressés par des officiers publics, tels que des procès-verbaux de scellé ou d'inventaire (art. 1328 et 1410, § 1 C. N. combinés).

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33. Le créancier de la femme, en vertu d'un acte n'ayant pas de date certaine avant le mariage, ne peut en poursuivre contre elle le payement que sur la nue propriété (4) de ses immeubles personnels, et les héritiers du mari qui aurait payé pour sa femme une dette de cette nature ne pourraient en demander récompense à la veuve (§ 2 et 3 de l'art. 1410 C. N.), parce qu'en faisant un semblable payement le mari aurait reconnu la réalité et la sincérité de la dette antérieure au mariage.

34. Les dettes des successions ou donations purement mobi

(1) Les dettes passives, qui sont celles qu'on est obligé de payer, sont ainsi appelées, par opposition aux dettes actives, qui sont celles qu'on a droit d'exiger de quelqu'un.

(2) Date mise faussement à un acte, en inscrivant un jour antérieur à celui auquel l'acte a été véritablement passé.

(3) Authentique, c'est-à-dire passé devant notaires, ou émanant des tribunaux. (4) Nue propriété, c'est-à-dire propriété séparée de l'usufruit, par opposition à la pleine propriété, qui comprend le fonds et la jouissance.

lières (1) qui sont échues ou ont été faites aux époux pendant le mariage sont, pour la totalité, à la charge de la communauté légale, qui profite du bénéfice de ces successions et donations (art. 1411 et 1418 C. N.).

35. Les dettes des successions ou donations purement immobilières (2) qui échoient ou sont faites à l'un des époux pendant le mariage ne sont point à la charge de la communauté, parce qu'elle ne profite pas de ces successions ou donations (3), sauf le droit qu'ont les créanciers de poursuivre leur payement sur les immeubles.

Néanmoins, si la succession ou la donation est échue au mari, les créanciers peuvent poursuivre leur payement soit sur tous les biens propres au mari, soit même sur ceux de la communauté, dont il est le chef et maître, sauf, dans ce second cas, la récompense due à la femme (art. 1412 et 1418 C. N.).

36. Si la succession ou donation purement immobilière est échue à la femme, et que celle-ci l'ait acceptée du consentement du mari, les créanciers peuvent poursuivre leur payement sur tous les biens personnels de la femme (4); mais si la succession ou donation n'a été acceptée par la femme que comme autorisée en justice, au refus du mari, les créanciers, en cas d'insuffisance (5) des immeubles de la succession ou des immeubles donnés, ne peuvent se pourvoir que sur la nue propriété

(1) Purement mobilières, c'est-à-dire qui ne comportent que des biens meubles. (2) Purement immobilières, c'est-à-dire qui ne comportent que des biens immeubles, tels que maisons, terres, etc.

(3) Il faut, toutefois, excepter la partie de ces dettes qui consiste en intérêts et arrérages courus depuis l'ouverture des successions, ou depuis l'acceptation des donations la communauté doit en être chargée, puisqu'elle profite des revenus des biens qui échoient aux époux pendant le mariage, ainsi qu'on l'a vu sous le no 13.

(4) Même sur ceux de la communauté (argument tiré des articles 1416, 1419 et 1426 C. N.). En autorisant sa femme, le mari s'oblige même sur ses biens personnels (argument tiré de l'art. 1419 C. N.).

(5) La sollicitude de la femme doit être vivement éveillée, lors de l'estimation et de la vente des immeubles de la succession ou des immeubles donnés, par la nécessité d'empêcher, au moins d'amoindrir cette insuffisance, puisqu'elle a pour résultat d'exposer aux poursuites des créanciers une nue propriété, le plus habituellement mal vendue.

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