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SECTION IVE

Des effets du partage et de la garantie des lots.

984. Le partage d'une succession a pour effet principal de déterminer la part de chacun des héritiers, et de la restreindre à ce que comporte son lot; de manière que chaque cohéritier soit censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans ce lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession (art. 883 C. N.).

C'est ce qui fait dire que le partage n'est pas attributif de propriété pour chaque cohéritier, puisqu'il n'acquiert rien de ses cohéritiers, mais seulement déclaratif ou déterminatif des choses auxquelles chaque cohéritier a succédé au défunt.

985. La condition de ceux qui sont appelés à recueillir une même succession, devant être égale, les cohéritiers demeurent respectivement garants, les uns envers les autres, des troubles (1) et évictions qu'ils éprouvent.

Il faut, toutefois, que ces troubles et évictions procèdent d'une cause antérieure au partage, par exemple: si l'immeuble tombé dans le lot d'un cohéritier se trouve grevé d'un droit résolutoire ou hypothécaire provenant d'un des anciens propriétaires, ou si la chose échue était, au temps du partage, viciée par des défauts cachés qui la rendissent impropre à l'usage auquel elle était destinée, ou qui diminuassent tellement cet usage, que le cohéritier n'aurait pas souffert qu'elle fût comprise dans son lot, ou en aurait fait réduire l'estimation, s'il les avait connus. Il doit être bien entendu qu'il en serait différemment, s'il s'agissait de vices apparents dont le cohéritier aurait pu se convaincre par lui-même (art. 884, 1641 et 1642 C. N. combinés).

986. Que si, au contraire, l'un des héritiers venait à être

(1) Il ne s'agit pas du trouble que des tiers apporteraient, par voies de fait, à la jouissance du cohéritier, sans prétendre d'ailleurs aucun droit sur la chose (c'est à lui à poursuivre, en son nom personnel, les perturbateurs), mais d'une action concernant la propriété du fonds, qui serait dirigée contre ce cohéritier (argument tiré de la combinaison des art. 884, 1725 et 1726 G. N.).

troublé dans la possession du terrain à lui échu, par un retranchement non sujet à indemnité, ou à raison duquel il ne serait offert qu'une indemnité insuffisante; dans ce cas, il n'y aurait point lieu à exercer la garantie vis-à-vis des cohéritiers, parce que la cause d'éviction serait postérieure au partage.

987. La garantie n'aurait pas lieu, non plus, si l'espèce d'éviction soufferte avait été exceptée par une clause particulière et expresse de l'acte de partage. Une semblable éviction ne constituerait point une atteinte à l'égalité qui doit exister entre copartageants, et le cohéritier ne saurait se plaindre des conséquences d'une éviction prévue.

988. La garantie cesserait dans le cas où l'héritier souffrirait l'éviction par sa faute, par exemple : dans le cas où, sur la demande en éviction dirigée contre lui, il aurait négligé d'opposer la prescription qui aurait été acquise (art. 884 C. N.).

989. Quand l'éviction a procédé d'une cause antérieure au partage, chacun des cohéritiers est personnellement obligé, en proportion de sa part héréditaire, d'indemniser son cohéritier de la perte que lui a causée l'éviction (1); et dans le cas où l'un des cohéritiers se trouverait insolvable, la portion dont il serait tenu devrait être également répartie entre le garanti et tous les cohéritiers solvables (art. 885 C. N.).

990. Si une rente était échue dans le lot d'un cohéritier, deux choses seraient exigées pour qu'il y eût lieu à l'exercice et à l'admission de l'action en garantie; la première que le débiteur de la rente fût insolvable avant le partage; la seconde : que l'action fût dirigée dans les 5 ans qui suivraient ce partage.

Il n'y aurait lieu à garantie à raison de l'insolvabilité du dé- . biteur, si elle n'était survenue que depuis le partage consommé (art. 886 C. N.).

991. Les obligations résultant du partage sont assurées par un privilége spécial que confère la loi.

(1) En réglant cette indemnité sur la valeur de l'objet au moment du partage.

Ainsi, le cohéritier ou copartageant conserve son privilége sur les biens de chaque lot ou sur le bien licité, pour les soulte et retour de lots, ou pour le prix de la licitation, par une inscription qu'il doit prendre dans 60 jours à dater de l'acte de partage ou de l'adjudication.

Durant ce temps aucune hypothèque ne peut avoir lieu sur le bien chargé de soulte ou adjugé par licitation, au préjudice du créancier de la soulte ou du prix (art. 2109 C. N.),

SECTION Ve. De la rescision en matière de partage.

992. La rescision est la rétractation ou l'annulation d'un partage, pour cause de violence ou de dol, exercés envers un copartageant, ou lorsqu'un des cohéritiers établit, à son préjudice, une lésion de plus du quart dans l'attribution qui lui a été faite par son lot (art. 887 C. N.).

993. La demande en rescision pour cause de violence ou de dol n'est plus recevable lorsque le copartageant a aliéné son lot, en tout ou en partie, depuis la découverte du dol ou la cessation de la violence (art. 892 C. N.). Il est évident que, par cette aliénation, il a lui-même reconnu, ou qu'il n'avait point existé réellement de violence ou de dol, ou qu'il avait renoncé à en poursuivre la réparation.

994. Pour juger s'il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l'époque du partage (art. 890 C. N.) (1).

995. La simple omission d'un objet de la succession ne donne pas ouverture à l'action en rescision, mais seulement à un supplément à l'acte de partage (art. 887 C. N.). Voir au no 222, et remarquer l'analogie.

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996. Il peut arriver que pour faire cesser l'indivision entre des cohéritiers se soient vendu réciproquement ou aient échangé entre eux les biens composant la succession, ou qu'ils aient transigé entre eux sur des difficultés que faisait naître l'indivision; dans ces divers cas, l'action en rescision serait admise

(1) On procède à cette estimation d'après le mode que nous avons indiqué sous le n° 732.

contre les actes que les cohéritiers auraient passés en ce sens, ou de toute autre manière.

997. Mais, si, après le partage ou l'acte qui en aurait tenu lieu, les copartageants avaient transigé sur des difficultés réelles que présentaient, ou ce partage, ou cet acte, l'action en rescision ne serait plus admise contre la transaction, même dans le cas où il n'y aurait pas eu à ce sujet de procès commencé avant qu'elle fût réalisée (art. 888 C. N.). Voir au no 222, et remarquer l'analogie.

998. Lorsque les cohéritiers, ou un seul d'entre eux, ont vendu leur droit successif à l'un des cohéritiers, à ses risques et périls, et sans que le contrat soit entaché de fraude, l'action en rescision n'est pas admise contre une semblable vente (art. 889 C. N.).

999. Celui contre lequel une demande en rescision a été formée peut en arrêter le cours et empêcher un nouveau partage, en offrant et en fournissant au demandeur le supplément de sa portion héréditaire, soit en numéraire, soit en nature (art. 891 C. N.).

1000. L'action en rescision doit être intentée dans les dix ans qui courent, dans le cas de violence, du jour où elle a cessé; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

1001. Le mineur n'est pas restituable pour cause de lésion, lorsqu'elle ne résulte que d'un événement casuel et imprévu (art. 1304 et 1306 C. N.).

TITRE XIV.

DES LIBÉRALITÉS QUE LA VEUVE PEUT FAIRE OU DONT ELLE PEUT ÊTRE L'OBJET, ET DE LA RÉSERVE OU LÉGITIME.

CHAPITRE PREMIER.

NOTIONS GÉNÉRALES.

1002. On ne peut disposer de ses biens, à titre gratuit, que

de deux manières, savoir:

Par donation entre-vifs (1), c'est-à-dire en se dépouillant actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte (2);

Ou par testament, c'est-à-dire en disposant, pour le temps où l'on n'existera plus, de tout ou partie de ses biens, et en conservant la faculté de révoquer cette disposition (art. 893, 894 et 895 C. N.).

La distinction des actes de dernière volonté, en testaments, codicilles ou donations à cause de mort, ne subsiste donc plus.

1003. On verra sous le chapitre 4o du présent titre, section 2o, les exceptions à la règle d'irrévocabilité des donations entrevifs.

Sous le chapitre 5, section 8, nous traiterons de la révocation des testaments et de leur caducité.

1004. Les substitutions sont prohibées (3).

(1) Les donations entre-vifs sont ou universelles, ou à titre universel, en propriété, ou en usufruit, ainsi qu'il a été déjà dit en la note 3o, sous le no 132, p. 43.

(2) Il est une donation rangée dans une catégorie particulière, c'est celle que les pères et mères et autres ascendants peuvent faire, par contrat de mariage, de tout ou partie des biens qu'ils laisseront au jour de leur décès, tant au profit des époux que des enfants à naître du mariage, dans le cas où le donateur survivrait à l'époux donataire. Cette donation ne dépasse pas les bornes assignées à la liberté de disposer, puisqu'elle est réductible à la portion disponible, lors de l'ouverture de la succession du donateur, mais elle jouit de la faveur toute spéciale de n'être pas nulle par le défaut d'acceptation; de pouvoir être faite cumulativement des biens présents et à venir, en tout ou en partie (en annexant, toutefois, à l'acte un état des dettes et charges alors existantes et que le donataire devra supporter); de ne pouvoir être révoquée par d'autres dispositions à titre gratuit, si ce n'est pour sommes modiques, à titre de récompense ou autrement; de pouvoir être faite sous des conditions dont l'exécution dépendrait de la seule volonté du donateur; enfin, de devenir caduque, quant aux biens à venir, si le donateur survit au donataire, décédé sans postérité (art. 1082 et suivants C. N.).

(3) Les substitutions prohibées par le Code Napoléon, et qui déjà l'avaient été par la loi des 25 octobre et 14 novembre 1792, sont celles dites substitutions fidéicommissaires, c'est-à-dire, les dispositions par lesquelles, soit expressément, soit d'une manière occulte, on chargeait une personne de conserver et de rendre à un tiers; en d'autres termes, les dispositions par lesquelles le substitué ne devait profiter de l'institution ou du legs qu'après la mort du premier appelé. La nécessité de ne pas laisser une très-grande masse de propriétés hors du commerce par suite d'une transmission successive, la nécessité d'empêcher que des grevés de substitutions successifs, qui ont un intérêt contraire à l'amélioration des biens, n'en altérassent la substance par des anticipations sur les produits; enfin, la nécessité d'é

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