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Ainsi, la veuve ne pourrait imposer au donataire, à l'héritier institué ou au légataire, la charge de conserver et de rendre à un tiers, parce que la liberté de disposer ne peut enchaîner l'avenir, ni lier les générations futures. Une semblable disposition, conçue en termes purs et simples, ou conditionnels, serait nulle, même à l'égard du donataire, de l'héritier institué ou du légataire, sauf l'exception permise aux père et mère en faveur de leurs petits-enfants ou des enfants de leurs frères et sœurs, exception dont nous parlerons ci-après sous le titre 16o, et sauf encore l'exception résultant de l'établissement d'un majorat (ou disposition appelant au fidéicommis l'aîné le plus prochain, ou l'aîné quel qu'il soit) (1).

1005. Les dispositions entre-vifs ou testamentaires par lesquelles un tiers serait appelé à recueillir le don, l'hérédité ou le legs, dans le cas où le donataire, l'héritier institué ou le légataire ne le recueillerait pas (2); et les dispositions par lesquelles le donateur ou le testateur donnerait l'usufruit à l'un et la nue propriété à l'autre ne constitueraient pas une substitution prohibée (art. 896 et suivants C. N.). Il n'y aurait pas, en effet, dans le premier de ces cas, d'intermédiaire entre le disposant et celui qui est, en définitive, l'objet de la disposition, ce que la loi a voulu proscrire; et dans le second cas, ce ne serait qu'un bienfait partagé entre deux personnes.

viter que des personnes, légalement incapables de recevoir, fussent avantagées sous cette forme, ont fait introduire la prohibition des substitutions fidéicommissaires. (1) Consulter, au besoin, sur la matière, le décret du 30 mars 1806, le sénatusconsulte du 14 août suivant, les décrets des 1er mars 1807, 24 juin, 24 décembre 1808, 2 février, 4 mai 1809, le sénatus-consulte du 30 janvier 1810, deux décrets du même jour, 3 mars 1810, l'avis du conseil d'État du 25 janvier 1811, approuvé le 30 du même mois, les décrets des 13 février et 11 juin 1811, 3 janvier, 24 août, 14 octobre 1812, deux décrets du même jour, 22 décembre 1812, la loi du 12 mai 1835 qui a interdit, pour l'avenir, toute institution de majorat, et a conféré au fondateur un droit spécial de révocation; enfin, la loi des 17 janvier, 30 avril et 7 mai 1849, qui a aboli les majorats de biens particuliers qui auraient été transmis à deux degrés successifs à partir du premier titulaire (voir la nole sous le no 339).

(2) Par suite de refus ou d'incapacité.

par

CHAPITRE II.

DE LA CAPACITÉ DE DISPOSER OU DE RECEVOIR PAR DONATION ENTRE-VIFS

OU PAR TESTAMENT.

1006. La loi attribue la capacité de disposer ou de recevoir,

donation entre-vifs, ou par testament, à tous ceux qui ont la jouissance des droits civils (art. 902 C. N.) (1).

Ainsi, par l'effet de la mort civile (2), le condamné ne peut, ni disposer de ses biens, en tout ou en partie, soit par donation entre-vifs, soit par testament, ni recevoir à ce titre, si ce n'est pour cause d'aliments (art. 25 C. N.).

1007. Pour faire une donation entre-vifs ou un testament, il faut être sain d'esprit (3) (art. 901 C. N.). C'est la seule indication d'une volonté certaine.

1008. En se servant de ces expressions: sain d'esprit, la loi a voulu poser un principe général qui donnât aux juges appelés à statuer sur la valeur des dispositions entre-vifs ou testamentaires, une plus grande liberté d'application. Elle ne s'est pas servie, à dessein, des expressions: sain d'entendement, ne voulant pas restreindre l'incapacité du donateur ou du testateur aux seuls cas d'imbécillité, de démence ou de fureur, ainsi, d'ailleurs, qu'on en verra la démonstration sous les numéros suivants.

1009. Le mineur, âgé de moins de 16 ans, ne peut aucunement disposer, si ce n'est par contrat de mariage, et avec le consentement et l'assistance de ceux dont le consentement est requis pour la validité de son mariage (art. 144, 903 et 1095 C. N. combinės). Hors ce cas, qui l'assimile au majeur, et lui donne tous les droits de disposition qu'a celui-ci, le mineur est considéré comme n'ayant ni la réflexion, ni les connaissances pro

(1) Les étrangers même ont cette capacité (loi du 14 juillet 1819, abolitive de l'art. 912 C. N.).

(2) Voir aux nos 104, à la note 3o, et 166, ce que nous avons dit touchant la mort civile.

(3) C'est-à-dire jouir de la plénitude des facultés de l'âme raisonnable.

pres à le diriger dans la disposition de son bien, et il est frappé d'une incapacité absolue.

1010. Le mineur, parvenu à l'age de 16 ans, ne peut disposer que par testament, et jusqu'à concurrence seulement de la moitié des biens dont la loi permet au majeur de disposer (art. 904 C. N.). L'incapacité, dans ce cas, n'est que relative.

Permettre au mineur, parvenu à l'âge de 16 ans, de disposer de la totalité de son bien par donation entre-vifs (c'est-à-dire de se dépouiller irrévocablement), c'eût été le rendre victime de ses passions; restreindre sa faculté de disposer à la moitié, et ne lui permettre l'exercice de cette faculté que par la voie d'un testament, c'est, tout à la fois, attribuer une juste mesure à la maturité de sa raison et de son expérience, et le sauvegarder des erreurs de l'une et de l'autre par la possibilité d'une révocation de ses dispositions.

1011. Quoique parvenu à l'âge de 16 ans, le mineur ne peut, même par testament, disposer au profit de son tuteur, qui doit, plus tard, rendre compte de sa tutelle, et qui, en contraignant ou extorquant des dispositions en sa faveur, pourrait se soustraire aux conséquences de cette obligation.

1012. Le mineur, devenu majeur, ne peut disposer, soit par donation entre-vifs, soit par testament, au profit de celui qui a été son tuteur, si le compte définitif de la tutelle n'a été préalablement rendu et apuré.

1013. Toutefois, il y a exception à ce qui vient d'être dit dans les deux cas ci-dessus, à l'égard des ascendants (père, mère, aïeul ou aïeule) des mineurs, qui sont ou auront été leurs tuteurs. On ne peut supposer, en effet, chez ceux-ci, ni abus d'autorité, ni violence d'aucune espèce.

1014. Pour être capable de recevoir entre-vifs, il suffit d'être conçu au moment de la donation.

Pour être capable de recevoir par testament, il suffit d'être conçu à l'époque du décès du testateur.

Néanmoins, la donation ou le testament n'ont d'effet qu'autant que l'enfant est né viable, c'est-à-dire assez fort et assez formé

pour faire espérer qu'il vivra (art. 906 C. N.). Autrement, il serait réputé n'avoir jamais existé.

1015. Les enfants naturels ne peuvent, par donation entrevifs ou par testament, rien recevoir au delà de ce qui leur est accordé par la loi (art. 908 C. N.) (1).

1016. Il est une classe de personnes qui ne peuvent profiter des dispositions entre-vifs ou testamentaires qui auraient été faites en leur faveur pendant la maladie dont meurt la personne qui dispose (que cette personne soit majeure ou mineure), ce sont les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui l'ont traitée (2) pendant le cours de la même maladie. La loi a considéré que ces personnes avaient trop d'empire sur l'esprit de celui qui dispose dans cette situation.

:

1017. Sont exceptées, toutefois : 1° les dispositions rémunératoires (3) faites à titre particulier (4), eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus; 2° les dispositions universelles, dans le cas de parenté jusqu'au quatrième degré inclusivement (5), pourvu que le décédé n'ait pas d'héritiers en ligne directe (6); à moins que celui au profit duquel la disposition a été faite ne soit lui-même du nombre de ces héritiers, le fils du disposant, par exemple (7).

1018. Les mêmes règles sont observées à l'égard du ministre du culte qui a donné les secours spirituels au disposant pendant le cours de la maladie dont celui-ci est mort (art. 909 C. N.).

(1) Voir, à la note, sous le n° 139, ce que nous avons dit du droit de l'enfant naturel légalement reconnu sur les biens de ses père et mère décédés, et du droit restreint des enfants incestueux et adultérins.

(2) Et non le médecin, chirurgien ou officier de santé qui aurait simplement été consulté sur la maladie, ou le pharmacien qui n'aurait fait que vendre les remèdes ordonnés.

(3) C'est-à-dire à titre de simple récompense ou gratification.

(4) Voir au no 1099 la définition du legs particulier.

(5) Par exemple, en faveur des cousins germains.

(6) Voir au no 834 ce qu'on entend par ligne directe.

(7) Il doit être bien entendu que, même dans ce cas, la disposition universelle ne pourrait entamer la portion indisponible (ou réserve), au détriment des autres enfants du disposant. Voir au no 1021.

1019. Pour assurer une sanction à ses défenses, la loi laisse à la sagacité du juge de rechercher si une disposition au profit d'un incapable, a été déguisée sous la forme d'un contrat onéreux, par exemple: d'une vente faite à l'incapable; et elle répute personnes interposées dans ce but, le père, la mère, les enfants, petits-enfants, ou l'époux de l'incapable.

La preuve du déguisement une fois établie, la disposition est nulle (art. 911 C. N.) (1).

1020. Les donations faites au profit d'hospices, des pauvres d'une commune, ou d'établissements d'utilité publique, ne sortent effet qu'autant que leur acceptation a été autorisée dans les formes légales (art. 937 C. N.).

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1021. La liberté de disposer de ses biens doit se concilier, chez les père et mère, avec le devoir que la nature et l'ordre. social leur imposent envers leurs enfants.

Aussi, la loi décrète-t-elle : que les libéralités, soit par acte entre-vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens (2) du disposant, s'il ne laisse à son décès qu'un enfant légitime; le tiers, s'il laisse deux enfants; le quart, s'il en laisse trois ou un plus grand nombre, et la loi comprend sous le nom d'enfants les descendants, en quelque degré que ce soit. Les petits-enfants ne sont comptés, toutefois, que pour l'enfant qu'ils représentent dans la succession du disposant (art. 913 et 914 C. N.) (3).

(1) Voir, au surplus, ce que nous avons dit à cet égard sous le n° 325. (2) Meubles et immeubles.

(3) L'art. 913 C. N. a abrogé l'art. 1er de la loi du 4 germinal an VIII (25 mars 1800), qui déclarait valables les libéralités, lorsqu'elles n'excédaient pas le quart des biens du disposant, s'il laissait, à son décès, moins de quatre enfants; le cinquième, s'il laissait quatre enfants; le sixième, s'il en laissait cinq; et ainsi de suite, en comptant toujours, pour déterminer la portion disponible, le nombre des enfants, plus un.

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