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La loi a voulu que chaque enfant eût une quotité suffisante de biens pour ne pas perdre la situation que sa naissance lui a donnée.

1022. Les enfants naturels, légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère, ayant les mêmes droits que s'ils étaient nés de ce mariage, participent à la réserve, lorsque leurs père et mère les ont légalement reconnus avant leur mariage, ou dans l'acte même de célébration (argument tiré des art. 333 et 913 C. N. combinés). Voir plus bas, la note sous le n° 1070.

1023. L'adopté ayant sur la succession de l'adoptant les mêmes droits que ceux qu'y aurait l'enfant né en mariage, même quand il y aurait d'autres enfants de cette dernière qualité, nés depuis l'adoption, l'adopté participe à la réserve (1) (art. 350 et 913 C. N. combinés).

1024. A raison de la réciprocité de droits et de devoirs entre les père et mère et leurs enfants, et d'ailleurs, dans le but de conserver les biens dans les familles, une réserve est attribuée aux ascendants des lignes paternelle et maternelle (ce qui comprend non-seulement les père et mère, mais encore, et à leur défaut, l'aïeul et l'aïeule); en conséquence, les libéralités ne peuvent excéder la moitié des biens, si, à défaut d'enfants et de petits-enfants, le défunt laisse un ou plusieurs ascendants dans chacune de ces lignes, et les trois quarts, s'il ne laisse d'ascendants que dans une ligne.

1025. Les biens, ainsi réservés au profit des ascendants, sont recueillis par eux dans l'ordre où la loi les appelle à succéder; d'où il suit qu'en supposant que le disposant qui n'a point d'enfants, laisse son père et sa mère, ceux-ci auront droit à la réserve, A L'EXCLUSION DES AÏEULS ET AÏEULES; d'où il suit encore, que les aïeuls et aïeules n'ont droit à la réserve qu'autant qu'ils sont appelés par la loi à succéder (art. 731, 746, 750 et 915 C. N. combinés).

(1) Voir au titre 1 ce que nous dirons de l'adoption.

1026. Les ascendants ont seuls droit à la réserve dans tous les cas où un partage, en concurrence avec des collatéraux, ne leur donnerait pas la quotité de biens à laquelle elle est fixée (art. 915 C. N.).

Ainsi, en supposant que le disposant, décédé sans postérité, n'ait laissé ni père, ni mère, ni frères, ni sœurs, ni descendants d'eux, mais un aïeul dans une seule ligne, cet ascendant, auquel serait dévolue la moitié de la succession, et qui se trouverait en concours avec les parents collatéraux les plus proches de l'autre ligne, commencerait par prélever sa réserve avant tout partage; et même, pour être couvert intégralement de cette réserve, il aurait un droit de retranchement des donations ou de réduction des legs (art. 753, 915, 921 et 926 C. N. combinés).

1027. Si le disposant ne laisse ni père, ni mère, ni aïeuls, ni aïeules, ni postérité, les libéralités par actes entre-vils ou testamentaires peuvent épuiser la totalité des biens (art. 916 C. N.) (1).

1028. Les biens ainsi réservés au profit des descendants et des ascendants, composent la portion indisponible, ou la réserve ou légitime.

Le surplus des biens forme la portion disponible.

1029. La portion disponible peut être donnée, en tout ou en partie, à tous ceux que la loi ne déclare pas incapables de recevoir (2), même aux enfants ou autres successibles du dona

(1) Alors même que le disposant laisserait, soit des frères ou sœurs, soit des enfants ou petits-enfants de frères ou sœurs, parce que la loi n'a pas créé de réserve en faveur ni des uns ni des autres, et ne leur a attribué qu'un droit de succession, subordonné au cas où leur frère ou sœur ou oncle ou tante, n'aurait pas disposé de son bien en faveur d'autres personnes (voir ci-dessus au no 873). L'art. 913, combiné avec l'art. 748 et suivants C. N., est abrogatif de l'art. 3 de la loi du 4 germinal an VIII, d'après lequel: étaient valables les libéralités, lorsqu'elles n'excédaient pas la moitié des biens du disposant, s'il laissait, soit des frères ou sœurs, soit des enfants ou petits-enfants des frères ou sœurs; les trois quarts, lorsqu'il laissait, soit des oncles ou grands-oncles, tantes ou grand'tantes, soit des cousins germains ou cousines germaines, soit des enfants desdits cousins ou cousines.

(2) Voir aux nos 1006, 1016 et 1018 ce qui a été dit touchant l'incapacité de recevoir.

teur (1), sans être sujette à rapport par le donataire ou le légataire venant à la succession du donateur, pourvu que la disposition ait été faite expressément (c'est-à-dire en termes positifs et formels), à titre de préciput (c'est-à-dire hors part), ce qui doit être déclaré, soit dans l'acte qui contient la disposition, soit, postérieurement, dans la forme des dispositions entre-vifs ou testamentaires (2) (art. 919 C. N., abrogatif de l'article 5 de la loi du 4 germinal an VIII, qui, sans exception, déclarait non sujettes à rapport les libéralités autorisées par cette loi, et faites au profit des enfants ou autres successibles du disposant).

Cette portion peut même être donnée à un étranger, sans qu'il soit nécessaire que les lois qui régissent le pays de cet étranger contiennent une disposition réciproque (loi du 14 juillet 1819 abrogative des dispositions contraires de l'art. 912 du Code Napoléon).

1030. Dans le cas où la disposition est d'un usufruit ou d'une rente viagère, dont la valeur excède la quotité disponible, les héritiers au profit desquels la loi fait une réserve, ont l'option, ou d'exécuter cette disposition, ou de faire l'abandon de la propriété de la quotité disponible (art. 917 C. N.).

1031. S'il arrivait qu'un père ou une mère eussent vendu à charge de rente viagère, ou avec réserve d'usufruit, ou qu'ils eussent donné à fonds perdu (3), ou avec réserve d'usufruit, à l'un de leurs enfants, tout ou partie de leurs biens, la valeur, en pleine propriété, des biens ainsi aliénés, serait imputée sur la portion disponible, et l'excédant, s'il y en avait, serait rapporté à la masse active de la succession.

(1) C'est un moyen offert aux parents de récompenser, par exemple, l'assistance que leur donne un de leurs enfants dans l'exploitation de leurs biens (assistance qui, du reste, tourne au profit des autres), ou de rectifier les inégalités de position ou de fortune que la nature ou le sort a départies à quelques-uns de leurs enfants. (2) Voir, pour cette forme, aux nos 1045, 1082 et suivants.

(3) La donation à fonds perdu n'est autre que celle faite avec l'intention de se dépouiller du principal de la chose donnée et de ne s'en réserver que le revenu, de son vivant; en d'autres termes, la donation à charge de rente viagère.

Toutefois, cette imputation et ce rapport ne pourraient être demandés par ceux des autres enfants ou successibles en ligne directe qui auraient donné leur consentement à ces aliénations, ni, dans aucun cas, par les successibles en ligne collatérale (art. 918 C. N.) (1).

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1032. Les dispositions entre-vifs et celles testamentaires qui excèdent la portion disponible, sont réductibles à cette quotité, lors de l'ouverture de la succession du donateur ou du testateur, et seulement à cette époque (art. 920 C. N.).

1033. Le droit de demander la réduction des dispositions entre-vifs appartient exclusivement à ceux au profit desquels la loi fait la réserve (2).

Ce droit appartient également à leurs héritiers ou à leurs ayant cause (3) (art. 921 C. N.).

1034. Pour pouvoir exercer le droit de réduction, les réservataires, ou légitimaires, doivent avoir accepté la succession, soit purement et simplement, soit sous bénéfice d'inventaire (argument tiré des art. 917, 918, 1004, 1006, 1009, 1011, 1013 et 1014 C. N.).

On a vu plus haut les conséquences de l'une ou l'autre de ces acceptations.

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1035. La loi ne se borne pas à disposer que l'exercice du droit de réduction appartient exclusivement aux réservataires; elle le refuse, en termes formels, aux donataires (4), aux léga

(1) La loi du 17 nivôse an II portait, art. 26: « toutes donations à charge de rentes viagères ou ventes à fonds perdu, en ligne directe ou collatérale, à l'un des héritiers présomptifs ou à ses descendants, sont interdites, à moins que les parents du degré de l'acquéreur et des degrés plus prochains n'y interviennent et n'y consentent. » Il est évident que cette disposition est abrogée par l'art. 918 du Code Napoléon.

(2) Voir aux nos 1021 et suivants ce que nous avons dit touchant les réserva

taires.

(3) Ayant cause, c'est-à-dire les cessionnaires ou les créanciers des réserva

taires.

(4) Aux donataires. Ce refus est justifié plus que jamais, à l'égard des donataires postérieurs en date à la donation qu'il s'agirait de réduire, parce qu'il ne

taires (1) et aux créanciers du défunt : elle fait plus, elle décrète qu'ils ne pourront profiter de la réduction.

1036. Les motifs de cette exclusion, en ce qui regarde les créanciers du disposant, commandent une explication particulière qui exige quelque développement.

En effet, deux cas peuvent se présenter :

Ou les héritiers à réserve ont accepté la succession purement et simplement, ou ils l'ont acceptée sous bénéfice d'inventaire seulement.

Dans le premier cas, et si, tout d'abord, il pouvait paraître étrange que des héritiers purs et simples recueillissent quoi que ce soit avant d'avoir fait honneur aux dettes du défunt, l'on' serait bientôt désabusé en ne perdant point de vue que ce n'est pas l'héritier, mais le réservataire, qui demande la réduction. et qui en profite; que l'héritier à réserve ne conquiert l'objet retranché que sur le donataire; qu'ainsi, le réservataire n'enlève rien à la succession, dont cet objet ne faisait plus partie; que, conséquemment, il ne porte aucune atteinte au gage des créanciers; qu'enfin, ceux-ci ne se trouvent pas dans une position plus défavorable que celle qu'ils auraient occupée, si la réduction n'eût point été demandée.

le

Que si l'on voulait établir une distinction entre les créanciers, dont les uns auraient un titre antérieur et les autres un titre postérieur à la donation réductible, il serait répondu, pour premier cas, que les créanciers peuvent attaquer la donation, si elle a été faite en fraude de leurs droits (argument tiré de l'art. 1167 C. N.), et pour le second cas, que l'objet retranché est enlevé au donataire, dans l'état où il se trouvait entre ses mains, c'est-à-dire, franc et quitte des dettes contractées par le donateur depuis la donation, et que, d'ailleurs, il ne saurait

peut leur être permis de troubler des possesseurs qui ont un titre antérieur au

leur.

(1) Aux légataires. Leur droit ne prenant naissance qu'au moment de l'ouverture de la succession, comment leur accorder le droit de faire réduire les dispositions faites antérieurement?

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