Page images
PDF
EPUB

être permis aux créanciers d'exercer une action quelconque sur des biens qu'eux-mêmes n'ont pu considérer comme devant leur servir de gage, puisqu'ils n'appartenaient plus à leur débiteur au moment où il contractait avec eux.

Maintenant, et pour le cas où la succession aurait été acceptée sous bénéfice d'inventaire seulement, les dettes du défunt devant être acquittées, dans ce cas, par les seuls biens de la succession, et ne demeurant point à la charge de l'héritier bénėficiaire, comment, d'après les motifs qui viennent d'être déduits, pourrait-on entamer sa réserve et faire profiter les créanciers de la réduction?

Du reste, il doit être constaté que les créanciers privilégiés et ceux inscrits sur les immeubles donnés antérieurement à la donation, ont le droit de se faire colloquer et payer sur le prix de ces immeubles, suivant l'ordre de leurs priviléges et inscriptions (art. 2166 C. N.).

1037. Quant à la demande en réduction des dispositions testamentaires, il est hors de doute que si elle appartient, en première ligne, aux héritiers à réserve, elle peut aussi être dirigée par les créanciers du testateur, puisque les légataires ne sauraient recueillir les libéralités faites à leur profit qu'après l'acquittement intégral des dettes et charges de la succession.

1038. Pour connaître si les dispositions entre-vifs ou à cause de mort ont excédé la quotité disponible, et arriver à déterminer la réduction qui doit être opérée, l'on forme une masse de tous les biens (1) existants au décès du donateur ou du testateur; on y réunit fictivement ceux dont il a disposé par donations entrevils, d'après leur état à l'époque des donations et leur valeur au temps du décès du donateur. On calcule sur tous ces biens, après en avoir déduit les dettes (2), quelle est, eu égard à la

(1) Meubles et immeubles.

(2) Même les frais funéraires, ceux du deuil de la veuve, les frais de scellés, d'inventaire, et autres frais privilégiés. On ne doit faire aucune déduction à raison du droit des enfants naturels, quand il en existe, droit qui n'est acquis qu'après la mort du disposant et seulement par voie de participation à la succession.

qualité des héritiers qu'il laisse, la quotité dont il a pu disposer (art. 922 C. N.).

Ainsi, supposant : 1o qu'au décès, il existe des biens meubles et immeubles s'élevant à . .

2o Qu'une donation entre-vifs ait été faite à un non-successible d'une propriété valant, d'après son état à l'époque de la donation et sa valeur an temps du décès du donateur..

On formera, dans ce cas, un total de. Puis, supposant la déduction à opérer de 10,000 fr. de dettes, ci.

[ocr errors]

On établira, en définitif, la masse active au chiffre de... .

Supposant que le défunt ait laissé un enfant lėgitime, lequel a droit à la réserve de moitié des biens du disposant, soit à.

.

20,000 fr.

40,000

[ocr errors]

60,000

10,000

50,000

25,000

La portion disponible étant de 25,000 fr., la donation entrevifs, montant à 40,000 fr., subira une réduclion de 15,000 fr., dont le donataire sera tenu envers l'enfant. Celui-ci sera donc couvert de sa légitime, par ces 15,000 fr. et par les 10,000 fr. restant libres après l'acquittement des dettes sur les biens trouvés au jour du décès.

Supposons maintenant, que la propriété, qui ne valait, à l'époque de la donation, que 30,000 fr., ait acquis, au temps du décès, la valeur de 40,000 fr., par suite d'améliorations ou d'augmentations faites par le donataire; dans ce cas, cette propriété ne devrait être comptée que pour 30,000 fr., ce qui, en suivant l'exemple ci-dessus posé, réduirait la masse active nette à 40,000 fr., la portion disponible à 20,000 fr., et l'obligation du donataire à 10,000 fr.

Dans le cas, au contraire, où l'immeuble valant 40,000 fr. à l'époque de la donation se trouverait réduit, au temps du décès, à une valeur de 30,000 fr., par suite de dégradations que le donataire y aurait commises; dans ce cas, l'immeuble serait

compris dans la masse à former pour 40,000, et l'on opérerait comme il a été dit plus haut.

1039. Quant à l'estimation des objets mobiliers donnés, il faut distinguer entre le cas où la donation a été faite en pleine propriété, et celui où le donateur a fait la réserve à son profit, ou au profit d'un autre, de la jouissance ou de l'usufruit de ces objets.

Dans le premier cas, on opère d'après l'état estimatif qui a dû être dressé et être annexé à l'acte de donation, suivant que nous l'avons dit sous le n° 964, et l'on donne ainsi aux effets mobiliers la valeur qu'ils avaient à l'époque de la donation (argument tiré des art. 922 et 948 C. N. combinės).

Dans le second cas, l'estimation repose sur la valeur au temps du décès du donateur.

1040. Maintenant, faisons connaître l'ordre dans lequel s'opère la réduction.

Ou il existe seulement des donations entre-vifs, ou il existe tout à la fois des donations entre-vifs et des dispositions testamentaires.

Dans le premier cas, on commence par réduire la dernière donation (1), et l'on remonte des dernières aux plus anciennes.

Dans le second cas, on épuise la valeur de tous les biens compris dans les dispositions testamentaires, c'est-à-dire, qu'on fait porter la réduction tout d'abord sur celles des dispositions qui n'ont légalement de date et d'effet que du jour de la mort du testateur; puis, si la valeur des donations entre-vils excède ou égale la quotité disponible, toutes les dispositions testamentaires sont caduques, c'est-à-dire deviennent sans effet (art. 923 et 925 C. N. combinés). Les donations entre-vifs, qui ont un caractère primitif d'irrévocabilité, doivent, en effet, avoir la

(1) La dernière donation, en effet, est celle qui a porté la plus vive atteinte à la réserve. Si deux on plusieurs donations avaient été faites le même jour, et par des actes séparés, ne portant pas indication de l'heure de leur passation, ces donations seraient réductibles au marc le franc, c'est-à-dire dans une proportion relative à l'importance de chacune d'elles.

préférence sur des dispositions qui tendraient à le leur enlever. Ainsi, supposons qu'un défunt, laissant un enfant légitime, ait fait une donation entre-vifs, puis, ait institué plusieurs légataires; supposons que sa succession s'élève nette à. 40,000 fr. et qu'il ait disposé entre-vifs de . 60,000

[ocr errors]
[merged small][ocr errors][merged small]

Dans ce cas, la réserve et la portion disponible s'élevant chacune à 50,000 fr., et l'enfant ne trouvant dans la succession que 40,000 fr., il serait en droit de demander que la donation fût réduite de 10,000 fr.

[ocr errors]

Il en résulterait que la portion disponible étant de 50,000 fr. la réserve étant de pareille somme, soit. . . somme égale à l'importance de la succession et de la donation, soit.

les legs deviendraient caducs et sans effet (1).

[ocr errors]

50,000

[ocr errors]
[ocr errors]

100,000 fr.

1041. Si les dispositions testamentaires excèdent, soit la quotité disponible, soit la portion de cette quotité qui resterait après avoir déduit la valeur des donations entre-vifs, la réduction de ces dispositions (qui ont toutes une date égale d'existence efficace, celle du jour du décès) se fait au marc le franc, c'està-dire, en faisant contribuer, sans aucune distinction, les legs universels et les legs particuliers à une réduction proportionnelle (art. 926 C. N.).

1042. Toutefois, une exception à ce mode de procéder est introduite dans le cas où le testateur aurait expressément déclaré qu'il entendait que tel legs fût acquitté de préférence aux autres. Dans ce cas, sa volonté devant être respectée, la préférence aurait lieu; le legs qui en serait l'objet ne serait réduit qu'autant que la valeur des autres ne remplirait pas la réserve légale (art. 927 C. N.).

1043. On a vu plus haut, et sous le n° 1029, que la portion

(1) Parce que les legs ne sont exigibles qu'après l'acquit des dettes et charges de la succession, et que la réserve ou légitime fait partie de ces charges.

disponible pouvait être donnée en tout ou en partie, même aux enfants ou autres successibles du donateur.

Si donc la donation entre-vifs réductible avait été faite à l'un des héritiers ayant droit à la réserve légale, il pourrait retenir sur les biens donnés la valeur de la portion qui lui appartiendrait, comme héritier, dans les biens non disponibles, s'ils étaient de même nature (art. 924 C. N.).

Ainsi, le successible, donataire de plusieurs pièces de terre ayant une valeur qui excèderait la portion disponible, aurait la faculté, pour se couvrir tout à la fois de cette portion et de la part qui lui reviendrait comme héritier dans la portion indisponible, aurait la faculté de retenir une partie de ces pièces de terre jusqu'à concurrence d'une valeur correspondant à ses droits, pourvu que le surplus se trouvât être de même nature, valeur et bonté, et qu'on pût en former des lots à peu près égaux pour les autres cohéritiers (argument tiré de la combinaison des art. 859 et 924 C. N.).

1044. L'action en réduction revêt des formes et produit des effets différents, suivant les cas qui se présentent.

Les donations ont embrassé des biens meubles (1) seulement, ou elles se sont appliquées à des immeubles.

Dans le premier cas, la portion reconnue indisponible, est recouvrée par voie d'action personnelle en restitution en nature ou en espèces, suivant les circonstances.

Dans le second cas, ou les immeubles sont restés en la possession des donataires, ou ils en sont sortis.

Restés en la possession des donataires, les immeubles frappés d'indisponibilité doivent être rendus en nature, et les fruits perçus à compter du jour du décès du donateur, restitués aux héritiers réservataires, si leur demande en réduction a été formée dans l'année de ce décès, sinon du jour de la demande en justice (art. 928 C. N.).

La reprise de ces immeubles a lieu par les réservataires,

(1) Argent, créances actives, meubles meublants, etc.

« PreviousContinue »