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aux lois ou aux mœurs (1), est réputée non écrite, sans, toutefois, entraîner la nullité des donations (art. 900 C. N.). C'est une dérogation, toute spéciale, au principe général, d'après lequel toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi, rend nulle la convention qui en dépend (art. 1172 C. N.).

1058. Toutes les autres conditions, légalement introduites (2), doivent être respectées, parce qu'elles ont été ou sont réputées être la cause déterminante de la donation; aussi, prennent-elles la dénomination de conditions résolutoires, parce que, acceptées le donataire comme partie intégrante de la donation, leur inaccomplissement constitue une violation d'engagement qui doit entrainer la résolution ou révocation de la libéralité, et remettre les choses au même état que si elle n'eût point existé.

par

1059. Cette résolution ou révocation n'a pas lieu de plein droit, c'est-à-dire qu'elle doit être demandée en justice (art. 956 C. N.).

1060. Le donateur peut, à son choix, recourir à cette demande ou forcer le donataire à l'exécution de la condition, lorsqu'elle est possible, et, dans ce cas, il pourrait être accordé au donataire un délai, selon les circonstances (argument tiré de l'art. 1184 C. N.).

1061. Dans le cas où la demande en révocation pour cause d'inexécution de conditions imposées est admise, les biens rentrent dans les mains du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire; et le donateur a, contre les tiers détenteurs des immeubles donnés, tous les droits qu'il aurait contre le donataire lui-même (art. 954 C. N.). Les créanciers et les tiers détenteurs, en effet, ont à imputer à eux seuls d'avoir traité avec un donataire soumis à des conditions qu'ils ont pu ou

(1) Par exemple, de changer ou même de ne pas changer de religion, d'épouser une personne de mauvaise vie ou avec laquelle la loi défend de se marier, de demeurer célibataire, etc.

(2) Par exemple, la condition d'acheter des immeubles, une charge, etc., de faire un placement déterminé, de servir à un tiers une rente viagère, etc.

dù connaître, et de n'avoir point demandé ou obtenu l'adhésion et la ratification du donateur (1). Ils ont pu, d'ailleurs, intervenir sur la demande en révocation, et faire valoir leurs moyens de résistance, s'ils avaient à en opposer (art. 1166 C. N., et 339 C. de proc. civ. combinés).

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1062. Cette révocation, comme celle qu'entraîne l'inexécution des conditions imposées, n'a jamais lieu de plein droit, et est soumise à l'appréciation de la justice (art. 956 C. N.).

1063. La demande à laquelle elle donne ouverture est, obligatoirement, formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit a pu être connu par le donateur; et la révocation ne peut être demandée par le donateur contre les héritiers du donataire, ni par les héritiers du donateur contre le donataire, à moins que, dans ce dernier cas, l'action n'ait été intentée par le donateur, ou qu'il ne soit décédé dans l'année du délit (art. 957 C. N.). La trace du délit doit être recueillie et constatée dans un court délai; sa répression doit être l'objet d'un débat tout personnel entre le donateur et le donataire, et ne saurait appartenir, à priori, aux héritiers du donateur qui à pu pardonner.

1064. Extrait de la demande en révocation doit être inscrit en marge de la transcription de la donation d'immeubles, transcription dont nous avons parlé sous le n° 1049 (art. 958 C. N.).

1065. Si la transcription n'avait point été opérée, le donateur pourrait, néanmoins, faire inscrire l'extrait de sa demande, tout à la fois, sur le registre des transcriptions et sur celui des inscriptions hypothécaires. (Toullier, sur les donations entrevifs, tome 5, page 307.)

1066. La loi détermine les seuls cas dans lesquels la dona

(1) Pour prémunir, autant que possible, les tiers détenteurs contre cette sorte d'éviction, les notaires insèrent généralement, dans les contrats de vente d'immeubles, l'obligation par le vendeur de garantir l'acquéreur de tous troubles, donations, etc. Cette garantie est, d'ailleurs, de droit (art. 1626 C. N.).

tion puisse être révoquée pour cause d'ingratitude. Ces cas sont les suivants :

1° Si le donataire a attenté (1) à la vie du donateur;

2° S'il s'est rendu coupable envers lui de sévices (2), délits (3) ou injures graves (4);

3 S'il lui refuse des aliments (5) (art. 955 C. N.).

Ces divers cas, du reste, sont laissés à l'appréciation des juges.

1067. La révocation pour cause d'ingratitude ne préjudicie pas aux aliénations faites par le donataire; elle ne préjudicie pas non plus aux hypothèques et autres charges réelles (6) qu'il aura pu imposer sur l'objet de la donation, pourvu que le tout soit antérieur à l'inscription qui aurait été faite, suivant que nous l'avons dit ci-dessus, de l'extrait de la demande en révocation. Les tiers, en effet, qui ont traité avant la publicité donnée à la demande, ne devaient pas prévoir l'ingratitude du donataire, et ne sauraient, dès lors, en être victimes; ceux qui ont traité depuis, n'étant pas présumés de bonne foi, ne peuvent profiter du même bénéfice.

1068. Dans le cas où la révocation est admise, le donataire est condamné à restituer la valeur des objets aliénés, eu égard

(1) Le seul fait de l'attentat à la vie du donateur suffit pour entraîner la révocation de la donation, et la loi n'exige pas qu'il y ait eu condamnation, comme elle le fait à l'égard du présomptif héritier pour le rendre indigne de succéder (art. 727 G. N.).

L'attentat comprend évidemment la tentative de crime et le crime même.

(2) Mauvais traitements commis par lui-même ou un autre par lequel il les aurait fait faire.

(3) Vol, escroquerie, abus de confiance.

(4) Diffamation, atteinte portée à l'honneur, à la considération du donateur, publiquement ou autrement, et en mesurant l'injure à la position sociale et au sexe de la personne injuriée.

(5) La loi romaine assimilait à un meurtrier celui qui refusait des aliments au donateur.

Le refus doit s'entendre du rejet absolu de la demande d'aliments, alors que la fortune du donataire lui permet d'y satisfaire, et non du retard qui serait apporté dans le service de la pension alimentaire concédée.

(6) C'est-à-dire servitudes ou services fonciers (voir au no 170, à la note). Il en serait de même du droit d'habitation que le donataire aurait concédé.

au temps de la demande (1), et les fruits, à compter du jour de cette demande (art. 958 C. N.).

1069. Les donations faites en faveur de mariage ne sont pas révocables pour cause d'ingratitude (art 959 C. N.). Ces donations, en effet, n'ont pas lieu seulement en faveur des époux; les donateurs ont eu aussi en vue les enfants à naître du mariage, et l'effet de l'ingratitude du donataire ne doit point rejaillir sur ceux-ci.

ART. 3.

De la révocation pour cause de survenance d'enfants.

1070. Cette révocation procède de la seule autorité de la loi. Elle s'opère, même contre la volonté du donateur, et toute clause ou convention par laquelle le donateur aurait renoncé à la révocation de la donation pour cause de survenance d'enfants, serait regardée comme nulle, et ne pourrait produire aucun effet (art. 965 C. N.).

« La loi, d'accord avec la nature, présume que si le donateur » avait cru avoir un jour des enfants, il n'aurait pas fait la do» nation. " (Rapport de Jaubert sur les donations et testaments.)

Aussi décrète-t-elle que toutes donations entre-vifs faites par personnes qui n'avaient point d'enfants ou de descendants (petits-enfants), actuellement vivants dans le temps de la donation (2), de quelque valeur que ces donations puissent être, et à quelque titre qu'elles aient été faites (3), et encore qu'elles fussent mutuelles (4) ou rémunératoires (5), même celles qui

(1) Et non eu égard au temps où la donation a eu lieu. Le donataire ingrat doit la restitution de tout ce dont il se trouve enrichi, au temps de la demande, par l'effet de la donation,

(2) Il ne faut pas prendre à la lettre les mots enfants ou descendants, au pluriel ; il est évident que la non-existence d'un seul enfant ou petit-enfant entre dans l'esprit de la loi.

(3) Même à titre de remise d'une dette contractée par le donataire envers le donateur, parce que cette remise constitue une libéralité.

(4) L'une des deux donations ne peut subsister sans l'autre.

(5) On a vu plus haut et sous le n° 1017, à la note, ce qu'on entend par do

nations rémunératoires.

auraient été faites en faveur du mariage par autres que par les ascendants aux conjoints (1), ou par les conjoints l'un à l'autre (2), demeureront révoquées de plein droit (3) par la survenance d'un enfant légitime (4) du donateur, même d'un posthume (5), ou par la légitimation d'un enfant naturel par mariage subséquent (6), s'il est né depuis la donation (art. 960 C. N.).

1071. La loi a étendu cette révocation même au cas où l'enfant du donateur ou de la donatrice aurait été conçu au temps de la donation (art. 961 C. N.) (7).

1072. Elle a révélé sa volonté à un point tellement impératif, qu'elle a voulu que la donation demeurât révoquée, lors même que le donataire serait entré en possession des biens donnés et qu'il y aurait été laissé par le donateur depuis la survenance de l'enfant (8).

(1) Les étrangers, en effet, n'ont pas pour donner les mêmes motifs que les ascendants.

(2) L'exception appliquée aux époux ne peut s'expliquer que par la nécessité de favoriser les mariages, puisqu'elle renverse la présomption sur laquelle est fondée la révocation de la donation pour cause de survenance d'enfants. Il est vrai que la loi, en cas de survenance d'enfants, réduit la donation à un quart en propriété et à un autre quart en usufruit, ou à la moitié de tous les biens du disposant en usufruit seulement (art. 1094 C. N.), et que les enfants retrouveront ou peuvent retrouver un jour dans la succession des père et mère les biens donnés.

(3) C'est-à-dire sans qu'il soit besoin de le faire prononcer par la justice. (4) Celui-là seul est regardé comme enfant et héritier du donateur.

(5) C'est-à-dire de l'enfant né après la mort du donateur, et conçu pendant le mariage.

(6) La légitimation des enfants nés hors mariage, autres que ceux nés d'un commerce incestueux ou adultérin, peut avoir lieu par le mariage subséquent de leurs père et mère, lorsque ceux-ci les ont légalement reconnus avant leur mariage ou qu'ils les reconnaissent dans l'acte même de célébration, et les enfants légitimés par le mariage subséquent ont les mêmes droits que s'ils étaient nés de ce mariage (art. 331 et 333 C. N.). La légitimation peut avoir lieu même en faveur des enfants décédés qui ont laissé des descendants, et, dans ce cas, elle profite à ces descendants (art. 332 même code).

(7) Parce que, d'un côté, le donateur a pu ignorer la conception de l'enfant ; que, d'un autre côté, en supposant qu'il l'eût connue, la loi a voulu s'élever contre l'indifférence du donateur et contre sa préférence inconsidérée en faveur d'un étranger.

(8) La survenance d'enfant révoquant, de plein droit, la donation, ce qui n'existe plus ne peut être confirmé, même indirectement.

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