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d'indemniser la veuve de la perte que lui aurait causée l'éviction; et si l'un des héritiers se trouvait insolvable, la portion dont il serait tenu devrait être répartie également entre la veuve et les héritiers solvables.

220. La garantie de la solvabilité du débiteur d'une rente ne pourrait être exercée que dans les cinq ans qui auraient suivi le partage, et il n'y aurait pas lieu à garantie à raison de l'insolvabilité du débiteur, si elle n'était survenue que depuis le partage consommé (art. 884 et suivants C. N.).

221. 3° conséquence.- La troisième conséquence, est que si la veuve établissait que, dans le partage de la communauté, il existe à son préjudice une lésion de plus du quart, elle serait habile à en demander la rescision, c'est-à-dire la cassation.

Cette action serait admise contre tout acte ayant pour objet de faire cesser l'indivision (1) entre elle et les héritiers de son mari, encore qu'il fût qualifié de vente, d'échange, de transaction ou de toute autre manière.

222. La simple omission d'un objet de la communauté ne donnerait pas ouverture à l'action en rescision, mais seulement à un supplément à l'acte de partage, et cette action ne serait plus admissible contre la transaction qui aurait été faite sur des difficultés réelles qu'aurait présentées le premier acte, même quand il n'y aurait pas eu à ce sujet de procès commencé (art. 887, 888 et 1476 C. N. combinés).

223. L'action en rescision pour lésion de plus du quart se prescrit par dix ans (c'est-à-dire ne peut plus être admise après dix ans), à compter du partage (analogie tirée de l'art. 1304 C. N.).

L'action en supplément de partage se prescrit par trente ans, à compter également du partage (argument tiré de l'art. 2262 C. N.).

224. 4° conséquence.

-

Enfin, la quatrième conséquence du principe posé plus haut, est que la veuve conserve son privi

(1) C'est-à-dire de diviser ou partager la communauté.

au

lége sur les biens de chaque lot ou sur le bien licité (c'est-àdire partagé ou vendu), advenus à ses copartageants, pour les soulte et retour de lots, ou pour le prix de la licitation, moyen d'une inscription qu'elle doit ne pas négliger de prendre dans les 60 jours qui suivent l'acte de partage ou de l'adjudication par licitation.

Durant ce temps, aucune hypothèque ne peut utilement être inscrite sur le bien chargé de soulte ou adjugé par licitation, au préjudice de la veuve, créancière de la soulte ou du prix (art. 2109 C. N.).

L'inscription doit être prise au bureau de conservation des hypothèques dans l'arrondissement duquel sont situés les biens soumis au privilège, assuré comme il vient d'être dit (art. 2146 C. N.).

225. La veuve peut être poursuivie pour la totalité des dettes qui procèdent de son chef, et étaient entrées dans la communauté, sauf son recours contre les héritiers de son mari pour la moitié de ces dettes (art. 1486 C. N.).

226. La femme, même personnellement obligée pour une dette de la communauté, ne peut être poursuivie que pour la moitié de cette dette, à moins que l'obligation ne soit solidaire (1) (art. 1487 C. N.).

227. La veuve qui aurait payé une dette de la communauté au delà de sa moitié, n'aurait point de répétition contre le créancier pour l'excédant, à moins que la quittance n'exprimât que ce qu'elle a payé était pour sa moitié (art. 1488 C. N.). La loi suppose, tour à tour, que la femme a sciemment ou par erreur payé au delà de sa moitié; dans le premier cas, elle lui refuse tout recours, parce qu'aucune réparation ne peut naître d'un fait volontaire; dans le second cas, la loi relève la femme de l'erreur évidente qui s'est glissée dans le calcul de la moitié à sa charge, parce que cette erreur, qui est commune au

(1) Voir, au no 95, § dernier, l'indemnité à laquelle la femme a droit dans

ce cas.

créancier et à la femme, ne peut prévaloir sur l'intention de celle-ci.

228. Enfin, dans le cas où, par l'effet de l'hypothèque exercée sur un immeuble qui serait échu en partage à la veuve, celle-ci se trouverait poursuivie pour la totalité d'une dette de la communauté, dans ce cas, elle aurait, de droit, son recours pour la moitié de cette dette contre les héritiers de son mari (art. 1489 C. N.).

L'hypothèque est un droit réel sur les immeubles qui sont affectés à l'acquittement d'une obligation. Ce droit, indivisible de sa nature, subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles : l'hypothèque les suit dans quelques mains qu'ils passent (art. 2114 C. N.). Ce droit de suite venant, en entier, à atteindre la femme, la loi a dû lui ouvrir un recours contre les héritiers du mari, qui étaient tenus pour moitié de la dette de la communauté.

CHAPITRE V.

DU MODE DE LIQUIDATION DES REPRISES DE LA VEUVE EN CAS DE RENONCIATION A LA COMMUNAUTÉ.

229. Lorsque la veuve a accepté, la liquidation de ses reprises ne forme qu'une partie de l'opération de liquidation de la communauté.

Dans le cas, au contraire, où la veuve a renoncé, la liquidation de ses reprises forme l'unique objet de l'acte auquel il s'agit de procéder.

Pour arriver à cette liquidation, la veuve dirige son action contre les héritiers du mari devant le tribunal du lieu de l'ouverture de la succession.

Si ces héritiers sont les enfants mineurs du mariage de la veuve tutrice, l'action est dirigée contre le subrogé tuteur, qui fait, en ce cas, les fonctions de tuteur, à cause de l'opposition d'intérêts existant entre la mère et ses enfants (§ 2o de l'article 420 C. N.).

Cette demande, avant d'être formée, nécessite, même, la nomination d'un subrogé tuteur spécial qui doit remplacer le premier subrogé tuteur, parce que, comme nous l'avons dit précédemment, il ne peut exister de tutelle sans subrogé tuteur (§ 1er de l'article 420 C. N.).

Cette nomination a lieu dans les formes que nous avons indiquées sous les no 127 et 128.

230. Sur la demande de la veuve, il est rendu un jugement par lequel les parties sont renvoyées devant un notaire, commis à l'effet de procéder à l'opération de liquidation. Le même jugement nomme un des juges, sur le rapport duquel il est statué sur les contestations qui pourraient s'élever.

231. Le travail que dresse ce notaire présente, dans un premier chapitre, les reprises en nature, en deniers et créances de la veuve ; dans un deuxième chapitre, figurent les indemnités et récompenses qui peuvent lui être dues, et dans un troisième chapitre, celles dont elle est débitrice; le quatrième chapitre établit la balance des reprises et créances avec les récompenses et indemnités; enfin le cinquième chapitre est destiné à contenir les abandonnements faits à la veuve pour la couvrir du montant net de ses reprises.

Quelques exemples sont nécessaires pour faire comprendre les éléments dont se compose ce travail.

Ainsi, au chapitre des reprises en nature, en deniers et créances, on fait figurer:

1o La reprise en nature des immeubles échus à la femme par don, legs ou succession paternelle et maternelle, ou de ceux régulièrement acquis en remploi ;

2o La reprise en nature des rentes sur l'État ou sur particuliers provenant de legs ou donations faits à la femme exclusivement, ou de successions à elle échues, et qui seraient des propres de communauté, c'est-à-dire appartiendraient en propre à la femme (1).

(1) Les propres de communauté sont ainsi appelés, par opposition aux termes acquêts et conquêts, qui expriment les biens dépendant de la communauté.

3o La dot de la veuve (1);

4o Le préciput, c'est-à-dire la somme que la veuve a été autorisée, par une clause du contrat de mariage, à prendre, soit en meubles de la communauté, soit en argent comptant, à son choix, même dans le cas où elle renoncerait à la communauté;

5o Le douaire (2) qui a pu être constitué par le contrat de mariage, ainsi que le droit d'habitation dans l'une des maisons que le mari posséderait au jour de son décès, s'il a été convenu dans le contrat de mariage que, même en cas de renonciation, la veuve reprendrait son douaire ou conserverait son droit d'habitation;

6o La reprise en deniers du prix de futaies prises dans les bois personnels à la femme, alors que ces futaies n'étaient point en coupe réglée, ou du prix d'immeubles appartenant à la femme et dont il n'a pas été fait remploi, ou dont le remploi a été irrégulièrement opéré (voir au no 170);

Les frais du deuil de la veuve (voir au no 181).

232. Dans le chapitre des indemnités et récompenses dues à la veuve, l'on fait figurer notamment :

1. L'indemnité de nourriture et de logement dont nous avons parlé sous le n° 151;

2o Le montant, en principal et accessoires, des obligations souscrites solidairement par la femme et le mari, et que la veuve aurait acquittées depuis le décès de celui-ci, ou le montant des obligations ainsi souscrites et qui resteraient à acquitter; 3o L'indemnité résultant soit de l'exploitation qui aurait été

(1) La dot est le bien que la femme apporte au mari pour supporter les charges du mariage, soit que ce bien provienne d'elle, soit qu'il provienne de la donation que lui en ont faite ses père et mère ou autres.

La dot, comme on l'a déjà dit aux notions préliminaires du titre 1er, peut exister sous le régime de la communauté comme sous le régime dotal. Il n'y a de différence que celle résultant de ce que, sous le premier de ces régimes, la dot est aliénable, tandis que, sous le second, elle ne l'est point, sauf certaines exceptions.

(2) Le douaire est la disposition que le mari a pu faire, sous ce titre, au profit de sa femme, savoir en propriété, de tout ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, et, en outre, de l'usufruit de la totalité de la portion dont la loi prohibe la disposition au préjudice des héritiers (art. 1094 C. N.).

Le douaire coutumier a été aboli depuis la promulgation de l'art. 1390 C. N.

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