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se prévaloir du temps qui s'est écoulé depuis son acquisition pour s'y faire maintenir, parce qu'il n'y a que celui qui acquiert par un juste titre qui puisse jouir de ce bénéfice; que l'acquéreur d'un bien dotal, en contravention ouverte à la prohibition d'aliénabilité de ce bien, n'est point armé d'un tel titre, et que nul n'est censé ignorer la loi, non plus que le droit et la condition de celui avec lequel il contracte (art. 1561 et 2255 C. N. combinés).

281. Il n'y a d'exception à ce principe que dans le cas où la prescription aurait commencé avant le mariage, c'est-à-dire où le possesseur justifierait qu'il avait acquis, de bonne foi et par juste titre, l'immeuble qui, depuis, aurait été constitué en dot à la femme, et en outre, dans le cas où celle-ci aurait fait prononcer sa séparation de biens. Dans ce dernier cas, la prescription courrait, quelle que fût l'époque à laquelle elle aurait commencé, fût-ce même pendant le mariage (§ 2o de l'art. 1561 C. N.).

CHAPITRE III.

DE LA RESTITUTION DE LA DOT.

282. La mort du mari donne nécessairement ouverture à la restitution de la dot.

283. La veuve, pour demander et obtenir cette restitution, doit justifier que le mari a reçu la dot (argument tiré de l'art. 1315 C. N.). Cette obligation ne subit d'autre modification que celle établie ci-après sous le n° 289.

La justification ou preuve résulte du contrat de mariage, s'il porte quittance de la dot, ou d'un acte postérieur passé devant notaires, ou même d'un acte sous signature privée émanant du mari et portant qu'il a reçu la dot de sa femme ou de ceux qui l'ont dotée (argument tiré des art. 1320 et 1502 § 2o C. N.). 284. Si la dot consiste en immeubles, ou en meubles non estimés par le contrat de mariage ou bien mis à prix, avec déclaration que l'estimation n'en ote pas la propriété à la femme, les héritiers du mari peuvent être contraints de la restituer

sans délai, après la dissolution du mariage (art. 1564 C. N. ).

285. Si la dot consiste en une somme d'argent, ou en meubles mis à prix par le contrat, sans déclaration que l'estimation n'en rend pas le mari propriétaire, la restitution n'en peut être exigée qu'un an après le décès du mari (art. 1565 C. N.). Il a paru injuste et souvent impossible d'exiger une restitution imprévue et qui pourrait être en désharmonie avec les ressources du moment. D'ailleurs, la veuve a le droit d'exiger les intérêts de sa dot pendant l'an du deuil, ou de se faire fournir des aliments pendant le même temps aux dépens de la succession du mari (1); et, dans ces deux cas, l'habitation (2) durant cette année, et les habits de deuil, doivent lui être fournis sur la succession, et sans imputation sur les intérêts à elle dus (art. 1570 C. N.).

286. Si les meubles dont la propriété reste à la femme ont dépéri par l'usage et sans la faute du mari, les héritiers de celui-ci ne seront tenus de rendre que ceux qui resteront et dans l'état où ils se trouveront (3).

Et néanmoins, la femme pourra, dans tous les cas, retirer les linges et hardes à son usage actuel, sauf à précompter leur valeur, lorsque ces linges et hardes auront été primitivement constitués avec estimation (art. 1566 C. N.). Dans ce dernier cas, le mari en est propriétaire et en doit le prix d'estimation (art. 1551 C. N.); dans le cas contraire, la femme les retire sans précompte, puisqu'ils sont restés sa propriété (4).

287. Si la dot a compris des obligations ou des constitutions de rente qui ont péri ou souffert des retranchements qu'on ne

(1) Le choix déféré à la femme de se faire fournir des aliments est motivé sur ce que les intérêts de sa dot pourraient être insuffisants pour y pourvoir.

(2) Droit d'habiter la maison ou le château qu'occupait le mari.

(3) La loi n'a exigé du mari que d'être un prudent administrateur.

(4) En se servant des expressions linges et hardes à son usage actuel, la loi a sous-entendu que les diamants et pierreries, qui ne sont que des ornements dont la femme ne se sert qu'accidentellement, ne devraient être repris, en nature ou en argent, qu'un an après le décès du mari, s'ils avaient été mis à prix par le contrat, sans déclaration que l'estimation n'en faisait pas vente. Dans le cas contraire, la femme les retirerait de suite (§ 3o de l'art. 1564 C. N.).

puisse imputer à la négligence du mari, ses héritiers n'en seront pas tenus, et ils en seront quittes en restituant les contrats (art. 1567 C. N.). C'est une exonération particulière de l'obligation imposée au mari de payer le prix des objets estimės par le contrat, sans déclaration que l'estimation n'en fait pas vente.

288. Si un usufruit a été constitué en dot, les héritiers du mari ne sont obligés que de restituer le droit d'usufruit, et non les fruits échus pendant le mariage (art. 1568 C. N.).

Les fruits, en effet, ont été apportés au mari pour supporter les charges du mariage (art. 1540 et 1549 C. N. combinés).

289. Si le mariage a duré dix ans depuis l'échéance des termes pris pour le payement de la dot, la veuve pourra la répéter contre les héritiers du mari, sans être tenue de prouver qu'il l'a reçue, à moins que ces héritiers ne justifient de diligences inutilement faites par le mari pour s'en procurer le payement (art. 1569 C. N.). A défaut de cette justification, la présomption est que le mari a reçu la dot, ou qu'il n'a pas voulu la recevoir, ou qu'elle a péri par sa négligence.

290. Si l'immeuble dotal avait été échangé, avec le consentement de la femme et avec l'observation des formalités et des conditions prescrites par la loi (1), contre un autre immeuble qui serait devenu dotal à son tour, la veuve aurait un recours ouvert vis-à-vis de la succession du mari, dans le cas où il n'aurait point été fait remploi de l'excédant de prix, s'il en avait existé un (argument tiré du § 2o de l'art. 1559 C. N.).

291. Enfin, si la veuve venait à être évincée de la chose par elle reçue en échange, elle aurait le choix de conclure vis-à-vis de son copermutant (2) à des dommages-intérêts, ou de répéter sa chose (art. 1705 C. N.). Notons, en passant, que la rescision (ou cassation du contrat) pour cause de lésion, n'a pas lieu dans le contrat d'échange (art. 1706 C. N.).

292. A la dissolution du mariage, les fruits des immeubles

(1) Voir ce que nous avons dit à cet égard sous le no 275.

(2) C'est-à-dire vis-à-vis de celui avec lequel l'échange se serait opéré.

dotaux se partagent (1) entre les héritiers du mari et la veuve, à proportion du temps qu'il a duré, pendant la dernière année (2). L'année commence à partir du jour où le mariage a été célébré, sans distinction entre le cas où le mari aurait reçu la dot aussitôt après la célébration du mariage ou plus tard (art. 1571 C. N.).

293. Il nous reste maintenant à parler des effets différents de l'insolvabilité du mari.

Si, au moment de la constitution de dot, le mari était déjà insolvable, et s'il n'avait ni art ni profession lorsque le père a constitué une dot à sa fille, celle-ci ne serait tenue de rapporter à la succession du père que l'action qu'elle aurait contre celle de son mari pour s'en faire rembourser. La fille, en effet, ne saurait souffrir de l'imprudence du père.

Mais si le mari n'était devenu insolvable que depuis le mariage, ou s'il avait un métier ou une profession qui lui tenait lieu de bien, la perte de la dot tomberait uniquement sur la femme (art. 1573 C. N.).

294. La femme n'a point de privilége pour la répétition de la dot sur les créanciers antérieurs à elle en hypothèque (art. 1572 C. N.). Elle reste complétement, à cet égard, dans le droit

commun.

CHAPITRE IV.

DES BIENS PARAPHERNAUX (3).

295. La constitution de dot, ainsi que nous l'avons vu précédemment, pouvant ne frapper qu'une partie des biens présents et à venir de la femme, ou même un objet individuel, et la dot ne pouvant être constituée ni même augmentée pendant le mariage, afin de prévenir des abus et des fraudes, il fallait régler

(1) En nature.

(2) C'est-à-dire que les copartageants auront, par exemple, ou quatre ou cinq douzièmes, suivant que la dernière année du mariage (en prenant pour point de départ sa célébration devant l'officier de l'état civil) aura été de quatre ou cinq mois (art, 1571 C. N., et argument tiré de l'art. 1399 même code).

(3) On les appelle aussi extra-dotaux, c'est-à-dire en dehors de la dot.

le sort des biens qui n'avaient pas été constitués en dot. C'est ce que la loi a fait en leur donnant la dénomination de biens pa·raphernaux (art. 1574 C. N.).

296. Si tous les biens de la femme sont paraphernaux (1), et qu'il n'y ait point eu de convention dans le contrat pour lui faire supporter une portion des charges du mariage; dans ce cas, la femme y contribue jusqu'à concurrence du tiers de ses revenus (art. 1575 C. N.).

297. Quelques auteurs ont pensé que la femme était tenue de supporter toutes ces charges, dans le cas où le mari serait dans l'impossibilité d'y pourvoir. C'est, du reste, l'argumentation qu'on peut tirer de la disposition de loi d'après laquelle la femme qui a obtenu la séparation de biens doit supporter entièrement les frais du ménage et ceux d'éducation des enfants communs, s'il ne reste rien au mari (§ 2o de l'art. 1448 C. N.).

298. La femme a l'administration et la jouissance de ses biens paraphernaux, mais elle ne peut les aliéner, ni paraître en jugement à raison de ces mêmes biens, sans l'autorisation du mari, ou, à son refus, sans la permission de la justice (art. 1576 C. N.). C'est un des effets de la puissance maritale.

299. Investie de l'administration de ses biens paraphernaux, la femme a pu néanmoins donner sa procuration au mari pour

(1) Pour admettre que tous les biens de la femme sont paraphernaux, il faut supposer que les époux se sont contentés de déclarer d'une manière générale, dans leur contrat de mariage, qu'ils entendaient se marier sous le régime dotal, sans, toutefois, qu'il y ait eu constitution de dot, et ce qui peut justifier cette supposition, c'est que l'art. 1391 C. N., qui permet de faire une semblable déclaration, dispose, en même temps, que, dans le cas où elle a lieu, les droits des époux sont réglés par les dispositions du chapitre qui traite, en général, du régime dotal, chapitre comprenant la section consacrée aux biens paraphernaux. Il peut paraître étrange, tout d'abord, qu'on puisse se marier sous le régime dotal sans constitution de dot; aussi, pour admettre que tous les biens de la femme sont paraphernaux, il serait peut-être plus rationnel de supposer qu'après avoir déclaré que les époux se mariaient sous le régime dotal, la constitution de dot n'a frappé sur aucun des biens présents de la femme, et qu'elle a porté sur les biens à venir seulement. Toutefois, l'on ne peut se dissimuler que l'art. 1542 C. N. dispose littéralement que la » constitution de dot peut frapper tous les biens présents et à venir de la femme, » ou tous ses biens présents seulement; » mais qu'il n'ajoute pas ou tous ses biens à

venir seulement.

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