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qu'elles tirent uniquement leur sanction de la loi, et qu'elles sont réglées de manière que l'autorité ne puisse les employer qu'au maintien de l'ordre.

La difficulté roule sur trois points: L'emprisonnement, le délai fixé pour dénoncer le prévenu aux tribunaux et le jugement d'accusation.

Pendant les troubles civils, sur-tout s'ils coïncident avec une guerre étrangère, les atteintes portées à la sûreté de l'Etat multiplient les emprisonnemens. Une foule d'individus, s'ils ne sont pas déjà dans les rangs des rebelles, sont prêts à s'y jeter; d'autres, unis d'intérêts avec les ennemis extérieurs ou avec les révoltés, les aident de tous leurs moyens, ou leur créent des partisans, genre d'embauchage dans lequel la trahison est devenue trés-habile. On imprime, on débite, on fait circuler des écrits pernicieux: on ne peut laisser impunies ces coupables manœuvres, il faut sur-tout se hâter d'en arrêter le cours.

S'agit-il de les dénoncer aux tribunaux, il ne suffit plus de n'avoir fait des arrestations que sur les indices les plus graves. On a bien la certitude d'avoir découvert de mauvais citoyens, mais on n'a pas pour cela l'évidence de leur culpabilité, sous le rapport des lois qui devraient les atteindré. On viole la loi, si l'on retient plus longtems les accusés; mais si on les relâche, on recrute la guerre civile.

La mise en accusation offre un autre embarras: la trahison a mille nuances; on peut faire beaucoup de mal dans cette lâche carrière, même en se dérobant à la possibilité d'une accusation légale. On aura conduit en vain le coupable jusques sous le glaive qui devait le frapper; il faudra l'absoudre, parce que nos codes n'ont pas encore prévu tous les cas de félonie; et, quand de pareils débats auront montré jusqu'où la trahison peut se porter avec impunité, qu'aura-ton fait de plus, que d'enhardir les traîtres en leur traçant une route qu'ils peuvent parcourir sans danger.

En Angleterre, toutes les fois qu'il y a des soupçons graves, et que l'on relâche les prévenus, on en exigé une caution convenable. La loi de l'habeas corpus est favorable à l'accusé, mais elle n'offre pas une moindre garantie à la société.

La liberté de la presse, que les Anglais n'ont obtenue qu'après tant de débats, a précédé nos nouvelles institutions; elle aurait suffi pour les faire naître, et tant qu'elle subsistera rien ne pourrait les ébranler.

La liberté de la presse réalise le concours de toutes les lumières, pour arriver à celui de toutes les volontés; elle offre une manière de voter sur les affaires publiques; elle permet du moins à chaque citoyen de donner son suffrage, et c'est ainsi que se forment lentement ces délibérations du peuple qui finissent par devenir l'esprit public des nations. La liberté de la presse est encore le seul moyen de suppléer à l'imperfection des lois, parce qu'elle porte un regard pénétrant sur toutes les fautes que les lois ne pourraient atteindre. Tout semble attaque par elle, mais quand elle est bien dirigée, elle attaque

pour conserver et pour garantir; et, même dans ses plus grands écarts, elle se sert à elle-même de contre-poids.

Notre législation sur ce point est cependant encore imparfaite: on n'a pas encore déterminé bien positivement les abus que la liberté de la presse peut commettre. Il en est de cette liberté comme de tous nos autres droits: on peut faire un mauvais usage de la faculté d'écrire comme de la faculté d'agir; et, en toute chose, quel que grand que soit l'espace que l'on veut mettre hors de l'atteinte des lois, on ne peut le rendre tout-à-fait illimité, sans aller au-delà de a portée de l'homme et du cercle des lois sociales.

Tous les peuples ont eu des lois sévéres contre les libelles; la loi des douze tables les punissait de mort. Il n'y a point de crime qu'on ne puisse ou commettre, ou provoquer par des écrits; il est donc facile de sentir que la différence de l'instrument ne peut changer tellement la nature des choses, qu'elle fournisse une excuse aux coupables. Dans aucun pays on n'a pris plus de soins qu'en Angleterre de réprimer les abus de la presse. On dirait que, dans la crainte que ce droit si précieux ne se détruisît par lui-même; elle a redoublé de rigueur pour le garantir de ses propres excès. Un emprisonnement prolongé et les amendes les plus considérables répriment en Angleterre la licence de la presse.

Les écrits qui provoquent à la sédition n'y sont pas traités différemment des actes séditieux; les écrits y sont regardés comme la preuve complette des mauvaises intentions, comme une preuve en core plus évidente que les paroles, et d'après le principe qu'écrire c'est agir, on y prend le crime, non dans le contenu de l'ouvrage, mais dans l'act volontaire de l'avoir écrit.

On est bien plus sévère encore contre les écrits où le prince est attaqué. Ces écrits sont presque toujours punis comme des actes de haute trahison, et, dans les cas les moins graves, comme des actes de félonie.

Il est important que la puissance législative s'occupe de cette branche de nos lois; la licence de la presse est à son comble. Le seul caractère de la liberté de la presse, c'est qu'aucun obstacle n'arrête la publication d'aucun écrit; mais c'est précisément parce que l'auteur a usé de son droit, qu'il est tenu de répondre du dommage qu'il a causé, ou des délits dont il s'est rendu coupable,

D'après cet exposé, Votre Majesté peut reconnaître que, dans la partie de l'empire où l'on remarque le plus d'agitation, les départemens où l'insurrection a éclaté, ceux où se forment des bandes armées sont dans le cas de recevoir l'application de l'art. 66 de l'acte additionnel; mais il sera nécessaire d'expliquer quels seront les effets de cette déclaration relativement au cours ordinaires de la justice et à l'autorité administrative. La loi du 10 julliet 1791 ne peut concerner que les places de guerre. Certainement des mesures énergiques sont nécessaires; il est nécessaire de déployer de grandes forces; mais l'énergie n'est pas l'exagération, et la force ne consiste pas dans l'inutile relation des principes. Il est toujours dangereux d'affaiblir dans l'opinion l'horreur que doit inspirer la guerre civile,

en faisant considérer les hommes qui la fomentent comme des persécutés qui s'arment pour leur sécurité personnelle ou la défense de leur propriétés.

En considérant que la masse des habitans des pays insurgés veut et desire la paix, que d'autres ont été égarés par des suggestions mensongères, V. M. croira, sans doute, convenable de laisser la porte ouverte au répentir, et offrir le pardon en ne frappant que l'obstination criminelle et sanguinaire.

Dans les parties où se trouvent institués les comités et les commissions de haute police, Votre Majesté jugera, sans doute, qu'on ne pourrait supprimer ces établissemens temporaires, sans assigner par une loi, des peines aux prédications séditieuses, aux diverses tentatives d'embauchage, aux projets constatés d'émigration, aux propos incendiaires, aux acclamations factieuses, et sans autoriser des mesures particulières à l'égard des hommes adroits et dangereux dont les précautions, lors même qu'elles sont impuissantes pour voiler leur conduite, suffisent pour la mettre à l'abri des poursuites judiciaires; mais alors elle aura à déterminer quelle autorité conservera le droit d'arrêter, et démeurera responsable des arrestations jugées indispensables.

En effet, je dois l'avouer, la liberté personnelle n'a pas été jusqu'ici suffisamment mise hors des atteintes que des autorités des différens ordres se croient en droit d'y porter. Il en résulte une inquiétude générale, un mécontentement secret, un établissement réel et progressif du pouvoir; car le pouvoir ne commande pas toujours l'obéissance: l'obéissance est au contraire la mesure et la limite du pouvoir; elle résulte chez les peuples civilisés de l'assentiment des citoyens.

Il est urgent, Sire, que les chambres veuillent s'occuper de lois que les circonstances exigent, et sur lesquelles je viens de fixer votre attention.

Toute fois, en attendant que la puissance législative ait prononcé, je n'ai que deux règles à suivre; je me conformerai aux lois, et si je trouve une circonstance où un devoir impérieux m'oblige à m'en écarter, je recourrai à un remède dont les lois Anglaises nous donnent l'exemple, et que les chambres ajouteront sans doute à notre législation, comme un moyen sans lequel il serait impossible de gouverner. Je serai prêt à déclarer par quel motif j'aurai excédé les bornes de mon pouvoir dans les actes de mon ministère envers les citoyens, et la nation entière jugera si je n'ai pas du m'exposer à toutes les chances de la responsabilité ministérielle, plutôt que de compromettre le salut de l'État.

Signé, le duc d'OTRANTE.

NO. XXI.

Address of the Emperor Napoleon to the Army on taking the Field.

Soldats,

Avesnes, le 14 Juin, 1815.

C'est aujourd'hui l'anniversaire de Marengo et de Friedland, qui décida deux fois du destin de l'Europe. Alors, comme après Austerlitz, comme après Wagram, nous fûmes trop généreux! Nous crûmes aux protestations et aux sermens des princes que nous laissâmes sur le trône! Aujourd'hui cependant, coalisés entre eux, ils én veulent à l'indépendance et aux droits les plus sacrés de la France. Ils ont commencé la plus injuste des aggressions. Marchons donc à leur rencontre. Eux et nous ne sommes-nous plus les mêmes hommes?

Soldats, à Jéna, contre ces mêmes Prussiens, aujourd'hui si arrogans, vous étiez un contre trois, et à Montmirail, un contre six!

Que ceux d'entre vous qui ont été prisonniers des Anglais, vous fassent le récit de leurs pontons, et des maux affreux qu'ils ont soufferts!

Les Saxons, les Belges, les Hanovriens, les soldats de la confédération du Rhin, gémissent d'être obligés de prêter leurs bras à la cause de princes ennemis de la justice et des droits de tous les peuples; ils savent que cette coalition est insatiable! Après avoir dévoré douze millions de Polonais, douze millions d'Italiens, un million de Saxons, six millions de Belges, elle devra dévorer les Etats du deuxième ordre de l'Allemagne.

Les insensés! un moment de prospérité les aveugle. L'oppression et l'humiliation du peuple Français sont hors de leur pouvoir! S'ils entrent en France, ils y trouveront leur tombeau.

Soldats! nous avons des marches forcées à faire, des battailles à livrer, des périls à courir; mais avec de la constance, la victoire sera à nous; les droits, l'honneur et le bonheur de la patrie seront reconquis!

Pour tout Français qui a du cœur, le moment est arrivé de vaincre ou de périr.

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NO. XXII.

Bulletin of the Battle of Fleurus.

Fleurus, le 17 Juin, a quatre heures de matin.

La battaille d'hier s'est prolongée jusqu'à dix heures du soir. On est encore à la poursuite de l'ennemi qui a éprouvé un mal affreux. Nous avons jusqu'ici 8000 prisonniers, 20 pièces de canon, et plusieurs drapeaux, beaucoup d'officiers de marque, entr'autres le comte Lutzow. On croit à la pointe du jour ramasser bien du monde dans les villages de Saint-Amand et autres, qui ont éte emportés par le mouvement que l'Empereur a fait faire à sa garde, Les grenadiers et chasseurs de la vieille garde ont massacré des masses entières, et n'ont perdu que peu de monde.

Il parait que c'est un charge à la baïonnette de la garde impériale à pied, qui a décidé la battaille.

L'ennemi devait être extrêmement nombreux.

Je n'ai jamais vu pareil enthousiasme dans nos soldats.

Les colonnes qui marchaient au combat, les blessés qui revenaient du pansement, ne cessaient de crier vive l'Empereur!

Copie d'une lettre du major-général au ministre de lu guerre.

Monsieur le maréchal,

Fleurus, le 17 Juin, 1815.

J'ai annoncé hier, du champ de battaille de Ligny, à S. A. I. le prince Joseph, la victoire signalée que l'Empereur venait de remporter. Je suis rentré avec S. M. à onze heures du soir; et il a fallu passer la nuit à soigner les blessés. L'Empereur remonte à cheval pour suivre les succès de la battaille de Ligny. On s'est battu avec acharnement et le plus grand enthousiasme de la part des troupes. Nous étions un contre trois.

A huit heures du soir l'Empereur a marché avec sa garde: six bataillons de vieille garde, les dragons et grenadiers à cheval, et les cuirassiers du général Delort ont débouché par Ligny et ont exécuté une charge qui a partagé la ligne ennemie. Wellington et Blücher ont eu peine à se sauver: cela a été comme un effet de théâtre. Dans un instant le feu a cessé, et l'ennemi s'est mis en déroute dans toutes les directions. Nous avons déjà plusieurs milliers de prisonniers et 40 pièces de canon. Le 6 et le 1er corps n'ont pas donné. L'aile gauche s'est battue contre l'armée Anglaise, et lui a enlevé de canon, et des drapeaux.

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