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SOIXANTE-SEPTIÈME LEÇON.

SOMMAIRE

Charges et servitudes imposées à la propriété particulière au profit de la chose publique. Servitudes militaires. Lois du 10 juillet 1791 et du 17 juillet 1819 et ordonnance du 1er août 1821; zones de défense; travaux permis et travaux interdits dans chacune des trois zones. Charges imposées à la propriété forestière et gênes apportées dans son intérêt aux droits de propriétaires riverains des forêts. Lois sur la chasse. ResContrictions à la liberté d'industrie; anciennes jurandes et maîtrises. ditions de capacité exigées pour certaines professions. - Offices publics; cautionnement. Nécessité d'une autorisation préalable pour certaines entreprises industrielles. - Monopoles exercés par le gouverne. ment. Double but des lois de douane; système protecteur.

MESSIEURS,

Pour terminer ce qui concerne le droit de propriété, il nous reste à parcourir rapidement deux autres chefs. Il ne s'agit plus maintenant de l'enlèvement de la propriété, il ne s'agit plus de l'expropriation, il s'agit des charges, des servitudes imposées à la propriété particulière au profit de la chose publique.

Les charges et les servitudes sur la propriété particulière (et je prends ici le mot propriété dans sa signification la plus large; je ne parle pas seulement

de la propriété du riche; je parle aussi de la propriété du pauvre; sa propriété à lui ce sont ses bras, c'est sa puissance de travail, c'est son droit de travailler), les servitudes, les charges, les limitations, comme on voudra les appeler, imposées dans l'intérêt général à la propriété particulière sont très-nombreuses, très-variées. J'ai à vous entretenir de quelques-unes des principales. Pour les autres, je me bornerai uniquement à vous les indiquer.

Dans notre dernière réunion, nous parlions des sacrifices que l'État peut exiger de la propriété particulière dans l'intérêt de la défense nationale. Les sacrifices que nous avons indiqués alors ne sont pas les seuls que l'État puisse exiger; il y en a d'autres, et ils sont grands. Je veux parler des servitudes qu'on appelle servitudes militaires. Les servitudes militaires ne sont qu'un démembrement de la propriété particulière imposé aux fonds des citoyens dans l'intérêt, pour l'avantage d'une place de guerre ou d'un poste militaire; c'est une servitude imposée aux propriétés particulières comprises dans ce qu'on appelle, en termes de l'art, le rayon de défense. Il n'est pas besoin, en effet, d'être officier du génie pour concevoir qu'une place de guerre étant donnée, il est certaines conditions hors desquelles la défense deviendrait à peu près impossible.

Ainsi, dans l'intérieur de la place, s'il était permis à la propriété particulière de s'approcher librement des ouvrages de défense, si les maisons, par exemple, pouvaient venir s'adosser au corps même de la place, faire un tout compact avec les remparts, il

n'est pas besoin d'être officier du génie pour comprendre que la défense de la place deviendrait excessivement difficile. Les troupes ne pourraient circuler librement dans l'intérieur de la place et accourir où les besoins de la défense pourraient les appeler. Il faut donc un espace libre entre les propriétés particulières et les remparts, entre les propriétés particulières et les ouvrages défensifs. C'est ce qu'on appelle la rue du rempart.

De même à l'extérieur la défense deviendrait à peu près impossible, ou serait du moins singulièrement gênée et difficile s'il était libre à chacun d'opérer dans un certain rayon des mouvements de terrain, d'ouvrir des tranchées, de creuser des fossés, d'élever des bâtiments, de faire, en un mot, des travaux qui pussent paralyser les moyens de défense, protéger les ennemis, les mettre à l'abri du feu de la place et faciliter leurs moyens d'attaque. Aussi n'est-il pas un de vous qui n'ait entendu dire ou qui n'ait lu dans les nombreux récits d'affaires militaires auxquels nous avons été si accoutumés, il n'est pas un de vous qui n'ait vu qu'on avait rasé l'extérieur d'une place de guerre, et qui n'ait entendu adresser des reproches sanglants à des officiers parce qu'ils avaient fait abattre des constructions qui se trouvaient dans un certain rayon. Sans doute, ce sont de terribles nécessités, lorque des constructions très-coûteuses ont été élevées, lorsqu'on a longtemps séjourné dans une habitation et qu'elle forme le fondement du bienêtre de la famille, il est terrible de voir détruire tout cela. Mais il y a aussi une épouvantable nécessité

pour le chef militaire sous la responsabilité duquel sont placés la vie de l'armée, la défense de la province et peut-être même le salut de la patrie; car en arrêtant quelque temps l'ennemi, il peut l'arrêter pour toujours; c'est une épouvantable nécessité pour le chef militaire qui a une mission si importante à remplir et qui voit ses moyens paralysés, le courage de ses troupes rendu inutile par les obstacles que présentent une propriété particulière et des intérêts individuels. On comprend donc la nécessité où l'on est d'établir les servitudes dont je parle, à moins qu'on ne renonce au système des places militaires.

Cette matière a été réglée par plusieurs lois, décrets, ordonnances; elle se trouve notamment réglée par les lois du 10 juillet 1791 et du 17 juillet 1819, ainsi que par l'ordonnance du 1er août 1821.

J'ai dit qu'à l'intérieur, il devait y avoir un espace libre, la rue du rempart. Elle est fixée à une largeur de 4 à 5 toises (8 à 10 mètres); mais la rue du rempart est un véritable terrain militaire, elle appartient, en général, au domaine de l'État. A l'extérieur, il faut encore ce qu'on appelle un terrain militaire qui est fixé à la largeur de 20 toises (40 mètres) à partir de la crête du parapet du chemin couvert; et là où la place n'est pas assez importante pour qu'il y ait un chemin couvert, la largeur est déterminée à 15 ou 30 toises (30 ou 60 mètres) du parement.

Encore une fois ces deux terrains sont les terrains militaires, ils doivent appartenir à l'État; il n'est pas question ici de servitudes. S'il s'agissait de construire une place de guerre, l'État devrait acheter le terrain

nécessaire, non-seulement pour construire la placé, mais pour avoir aussi le terrain militaire intérieur et extérieur. On appliquera là les règles que nous avons expliquées pour l'expropriation.

Mais ce n'est pas tout. Les 40 mètres, à partir de la crète du parapet du chemin couvert, constituent avec les autres parties la place de guerre; la place de guerre commence véritablement où commence le terrain militaire. Mais cela ne suffit pas pour obvier aux inconvénients que j'ai signalés. Quand même on aurait les 40 mètres, on ne serait pas à l'abri des dangers que la place peut courir par les fossés, retranchements, etc., que l'intérêt particulier pourrait construire immédiatement après le terrain militaire. Nul n'ignore, en effet, que la portée de l'artillerie va bien au delà de 40 mètres, et que, si l'ennemi pouvait venir s'établir à 40 mètres, la place ne tarderait pas à être prise. Il faut donc une garantie plus grande. Cette garantie est donnée par ce qu'on appelle le rayon de défense. Sans entrer dans trop de détails, prenons une place de guerre au complet; négligeons les places de guerre de deuxième classe. Eh bien, la place de guerre aura un rayon de défense qui sera subdivisé en trois zones, c'est-à-dire qu'à partir de la même crète du parapet, quand vous sortirez du terrain militaire qui n'est que de 40 mètres, les propriétés particulières qui se trouvent au delà seront divisées en trois zones, dont la place de guerre est le centre. La première zone ira jusqu'à 250 mètres, la seconde ira jusqu'à 487 mètres (250 toises), la troisième et dernière ira

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