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du cuir chevelu, alopécie, etc.). Un examen assidu de l'enfant, laissé sans traitement à dessein pendant deux mois, n'a pas permis de découvrir sur lui le moindre symptôme de syphilis secondaire.

De sorte qu'en dépit de son apparence syphilitique, la lésion péri-anale en question ne saurait légitimement être rapportée à la syphilis. Il nous semble plus rationnel de la considérer comme une production végétante vulgaire, non spécifique, dérivant de quelque lésion banale (telle que érythème interfessier, intertrigo, eczéma, irritation quelconque), laquelle, effacée et périmée de vieille date, ne saurait être déterminée actuellement. Conclusions. 1o Aucune raison médicale ne nous autorise à penser que l'enfant Georges L... ait été victime d'un acte de pédérastie;

2o Aucune raison médicale ne nous autorise à penser que le même enfant soit atteint d'une affection vénérienne quelconque, qui lui aurait été communiquée récemment.

IV. SYPHILOIDE PAPULO-ÉROSIVE, PAR A. FOURNIER

(Société de dermatologie et de syphiligraphie, 8 février 1894).

Une fillette de 10 ans nous est amenée ici pour une lésion de la région péri-anale, qu'à première vue nous prenons tous, moi le premier, - pour une syphilide papulo-érosive. Elle est admise dans nos salles.

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Le lendemain, nous examinons l'enfant avec soin, et notre impression objective est encore qu'il s'agit bien d'une syphilide. La lésion, en effet, représente ou semble représenter avec une fidélité frappante une syphilide papulo-érosive. Située sur la fesse droite, au voisinage de l'anus, elle est constituée par une nappe papuleuse mesurant 6 à 7 centimètres en hauteur, sur 2 à 3 centimètres transversalement, arciforme d'ensemble, et divisée en plusieurs segments non moins circinés de contour, que séparent des fissures ulcéreuses.

Elle est papuleuse, surélevée de 2 à 3 millimètres au-dessus des téguments périphériques. Elle est rouge dans toute son étendue et d'un rouge sombre, légèrement veineux. Elle est lisse de surface, non grenue, non papilliforme, non arborescente. Par places, elle se montre érosive; sur d'autres points elle est, ou recouverte d'un épiderme sec, ou légèrement desquamative.

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Sur la fesse gauche, au pourtour de l'anus, on constate une surface érythémato-érosive de quelques centimètres d'étendue. Érythème vulgaire général, s'étendant aux parties voisines; malpropreté locale.

Je le répète à dessein, la lésion périnéale offre au plus haut degré l'aspect d'une syphilide papulo-érosive, et cela de par sa configuration à contour cerclé, de par sa constitution papuleuse, de par son érosion de surface, de par sa couleur rouge sombre, de par sa physionomie générale, etc., et, j'ajouterai encore de par sa localisation sur un siège affectionné des syphilides de ce genre.

La fillette en question est-elle donc syphilitique?

Nous l'examinons minutieusement et longuement, à ce point de vue, sans trouver quoi que ce soit, au moins dans l'état actuel, qui légitime ce

soupçon.

Nous mandons successivement à l'hôpital la mère de l'enfant (que nous trouvons saine) et sa grand'mère, qui lui sert de garde. Tous les commémoratifs restent muets relativement à la syphilis. Le père même, nous affirme-t-on, a toujours été « très sain », et il est mort d'une blessure accidentelle il y a quelques années.

En revanche, diverses constatations directes et quelques renseignements nous conduisent sur une autre piste diagnostique..

L'enfant, qui est de bonne santé habituelle (pas d'autres maladies antérieures que rougeole et coqueluche), est, on peut dire, une « abandonnée » quant aux soins d'hygiène et de propreté. Elle est sale, sordide, couverte de puces et de poux. Délaissée par sa mère, elle vit chez sa grand'mère, qui est elle-même fort malpropre. Elle n'est jamais ni baignée, ni lavée. Elle exhale incessamment, nous dit sa mère, une odeur répugnante. Depuis sa rougeole, elle est sujette à des écoulements vulvaires; mais jamais on ne s'en est occupé et on n'a pratiqué à ce propos la moindre ablution. Quand s'est produite la lésion actuelle? on n'en sait même rien. Ces derniers temps, l'enfant s'étant plainte plus que de coutume, la grand'mère, enfin, s'est décidée à « regarder », a vu la vulve rouge, enflammée, a constaté la lésion péri-anale pour la première fois et nous a anené la petite malade.

D'après cela, nous nous demandons si la lésion péri-anale et fessière, qui simule à un si haut degré une manifestation de syphilis, ne serait pas purement et simplement une dermite papuleuse dérivant d'irritations locales par leucorrhée et malpropreté chronique.

Après l'examen répété, c'est à ce dernier diagnostic qu'en définitive nous avons abouti, et l'évolution ultérieure nous a donné raison.

D'une part, en effet, l'enfant, depuis que nous l'avons reçue à l'hôpital, n'a jamais présenté le moindre symptôme de syphilis. Et, d'autre part, la lésion locale s'est amendée rapidement, au point que vous allez la trouver à peu près guérie, sous l'influence de quelques soins locaux des plus simples (bains; lotions à la liqueur de Labarraque; aspersions de poudre d'oxyde de zinc; isolement par ouate) et sans intervention du moindre agent spécifique.

Examen histologique par J. Darier. - Cet examen a porté sur un morceau de la végétation excisée le 15 janvier dernier qui a été durci par l'alcool. Les coupes, perpendiculaires à la surface, ont été pratiquées dans le sens transversal par rapport au grand axe de la surface végétante.

L'étude des coupes, en allant de la surface vers la profondeur, montre les lésions suivantes :

L'épiderme qui recouvre la végétation est limité extérieurement par une couche onduleuse, coupée d'incisures peu profondes; il est un peu épaissi et composé de deux couches seulement; l'une, superficielle, semble cornée, mais les cellules y ont conservé un noyau colorable; l'autre est le corps muqueux de Malpighi qui serait normal, n'étaient les nombreuses cellules migratrices dont il est infiltré. La couche granuleuse a disparu. Il s'agit, en somme, d'un épiderme irrité ou en voie de reconstitution encore incomplète. Du revêtement épidermique on voit partir et plonger dans le derme des prolongements filiformes très longs, qui semblent souvent, sur les coupes, s'anastomoser entre eux, délimitant ainsi de grands espaces, lesquels ne sont autres que des papilles. Celles-ci ont, en effet, subi un accroissement

énorme en longueur et en largeur et ont une direction assez irrégulière. La lésion principale siège dans les papilles et dans les couches conjonctives sous-jacentes, c'est-à-dire, en somme, dans la partie supérieure du derme; elle consiste en une infiltration de ces parties par des cellules rondes en nombre colossal. Ces cellules rondes sont si nombreuses vers la base des papilles et immédiatement au-dessous qu'elles y forment une nappe d'infiltration continue et qu'elles remplacent ou masquent presque complètement la trame conjonctive. Leur abondance diminue vers le sommet des papilles où elles se disposent plus ou moins en séries parallèles, comme les interstices du tissu dans lesquels elles sont logées; dans les régions profondes du derme, elles remplissent des aréoles séparées par des travées du tissu fibreux normal. Ces cellules rondes ont un noyau, rond également, qui toujours se colore vivement par les réactifs : elles reproduisent absolument le type des cellules embryonnaires. On ne trouve qu'un très petit nombre de points, dans les nappes d'infiltration, où les cellules présentent quelques granulations qui pourraient être l'indice d'une légère tendance à dégénérer. Dans toutes les couches du derme, surtout dans les zones infiltrées, on voit des vaisseaux artériels, veineux et capillaires qui sont dilatés et parfois gorgés de sang, mais dont les parois sont normales.

Un follicule pileux, atteint par les coupes, présente un orifice dilaté, une forme irrégulière, des gaines épithéliales bourgeonnantes et un poil à bulbe plein prêt à tomber. Cette folliculite s'explique étant donné l'état morbide des tissus avoisinants. Les glandes sudoripares ne présentent pas d'altération notable.

Cette excroissance n'est donc pas une végétation (c'est-à-dire un choufleur, ou condylome acuminé) enflammée, puisque ces tumeurs sont des papillomes où l'élément épithélial domine, tandis qu'ici l'épiderme reste passif et n'offre que des traces d'irritation secondaire.

Il ne s'agit pas non plus d'une tumeur d'origine conjonctive, telle qu'un sarcome, ni d'un fibrome ou molluscum enflammé, puisqu'on ne trouve en aucun point l'aspect caractéristique de ces néoplasmes. Sans doute il n'est pas impossible qu'un nævus quelconque ait préexisté à la reproduction de l'excroissance, mais rien ne le prouve. L'hypothèse d'un mycosis fongoïde pourrait prêter à discussion; mais je n'ai jamais rencontré dans celui-ci une hypertrophie des papilles aussi importante et diffuse.

On a affaire manifestement, du moins, je le pense, à une production inflammatoire, et la question qui se pose est celle de savoir s'il faut accuser une inflammation spécifique, tuberculeuse ou syphilitique, ou une inflammation simple par irritants ou microbes banaux.

Contre l'hypothèse d'une tuberculose de la peau, on peut invoquer l'absence de toute tendance des éléments embryonnaires à se disposer en follicules, l'absence absolue de cellules géantes, de cellules épithélioïdes, de foyers de dégénérescence vitreuse ou caséeuse bien nets, de lésions vasculaires. Il y a toutefois des formes de tuberculose, assez rares à la vérité, où ces caractères font défaut.

Plus difficile encore est le diagnostic anatomique avec une syphilide hypertrophique; la plupart des arguments que je viens d'énoncer contre la tuberculose valent encore ici, et particulièrement l'absence de toute endopériartérite ou de toute phlébite, et le fait qu'il n'y a ni dégénérescence des

éléments nouveaux ni indice de sclérose. On peut se demander s'il est possible qu'une syphilide soit à ce point dépourvue des caractères qui la font reconnaître d'ordinaire.

L'explication des lésions constatées, par l'action d'un irritant chimique ou plutôt microbien d'origine externe, est sans doute plausible. Il faudrait ajouter que la pièce a été excisée à un moment où l'amélioration était déjà cliniquement évidente; la reconstitution d'un épiderme, quoique encore imparfait, l'état d'irritation moindre au sommet des papilles que plus profondément, seraient les indices histologiques de cette marche vers la guérison; mais cette explication a surtout pour elle des arguments d'ordre négatif; on y arrive par exclusion.

Il semble donc plus exact de dire que l'histologie ne fournit pas de données certaines sur la nature de cette lésion; elle permet seulement de conclure à une production inflammatoire sans caractères spécifiques bien nets.

V. DERMITES PAPILLOMATEUSES SYPHILOIDES, PAR LE D' GEORGES BROUARDEL, ancien interne des hôpitaux de Paris.

Louis S..., âgé de 19 ans, employé d'office, est entré à l'hôpital SaintLouis, dans le service de M. le professeur Fournier, en avril 1896.

Antécédents héréditaires.

d'une maladie des poumons.

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Son père, alcoolique, est mort, à 57 ans,

Sa mère est morte subitement, à 40 ans. Elle était très nerveuse, d'un caractère violent, et avait de très fréquentes attaques de nerfs.

Louis S... n'a pas connu ses grands-parents.

Une tante maternelle a un caractère bizarre: elle a de fréquentes attaques de nerfs; une tante paternelle présente des crises analogues.

Le malade a eu 14 frères et sœurs; trois fois sa mère a eu 2 jumeaux. Une des filles, hystérique, est morte à 18 ans; Louis S... ne sait à quelle affection elle a succombé; 9 autres enfants sont morts avant l'âge de 2 ans. Il reste 4 enfants vivants: une sœur de 28 ans et une de 24 ans, un frère de 35 ans. Les deux sœurs ont des attaques de nerfs très fréquentes, survenant à la moindre contrariété; au dire du malade, la vue de gravures représentant des morts leur donne immédiatement des crises violentes. Le frère n'est pas marié; il n'est pas nerveux, mais tousse constamment (?). Antécédents personnels et maladie. Louis S... a eu dans son enfance des ganglions scrofuleux au cou; il dit même qu'on lui a ouvert quelques abcès mais nous ne constatons l'existence d'aucune cicatrice. Il a eu des convulsions à l'âge de 6 ans, à la suite desquelles serait venu du strabisme dont on l'a opéré, il y a six mois.

Un professeur lui aurait appris la pédérastie, tandis qu'il était à une école de Montlhéry; depuis, il a toujours été pédéraste passif. Il y prend plaisir : << C'est ma passion! » nous dit-il avec un cynisme étonnant. Les femmes ne lui inspirent aucun désir; il n'a jamais pratiqué le coït. « J'aurais honte d'aller avec elles », nous dit-il. Il a des érections fréquentes, et, pendant l'acte de pédérastie, se masturbe ou se fait masturber par celui qui joue le rôle actif.

Louis S... se plaint de son état et nous demande de le guérir; il n'est pas

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