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Pour ce qui regarde la siccité relative du parenchyme pulmonaire et des bronches, on comprend aussi qu'elle puisse être plus ou moins complète (sur des cadavres frais, naturellement (suivant qu'il a persisté plus ou moins d'excitabilité des centres respiratoires. Dans les cas tout à fait purs, cependant, il n'y aura, fatalement, ni liquide spumeux dans les bronches, ni œdème, ni ballonnement du parenchyme pulmonaire.

Une autre forme de la mort subite dans l'eau est représentée par le shock initial, la paralysie précoce du cœur. Nous sommes parvenus à la réaliser, avec M. Polis, dans un seul cas. Il s'agissait d'un chien traité préalablement par le chloral et la strychnine, et chez lequel la submersion provoqua d'emblée l'arrêt des pulsations cardiaques et la baisse subite de la pression sanguine.

L'interprétation de cette paralysie précoce du cœur n'est probablement pas univoque. Il est probable cependant que, dans la majorité des cas, il s'agit bien d'une paralysie réflexe par excitation du vague, par inhibition au sens propre du mot. Seulement, les centres automatiques du cœur, étant déprimés par l'action du chloral, ne parviennent pas à retrouver leur activité quand celle-ci a été un instant suspendue.

Ici aussi, comme pour le shock respiratoire, il est probable que l'intensité de l'excitation peut, dans une certaine mesure, suppléer à la faiblesse irritable des ganglions cardiaques.

Ici aussi, à part la siccité du parenchyme pulmonaire et les signes éventuellement constatables de la paralysie cardiaque initiale, le repertum anatomo-pathologique pourra être complètement négatif. Les altérations du myocarde, des valvules, des artères coronaires, du péricarde lui-même, préexistant à la mort, doivent être évidemment soigneusement relevées, parce qu'elles permettraient de rendre compte jusqu'à un certain point des accidents cardiaques.

Le second point sur lequel je voudrais attirer votre attention est la manière toute spéciale dont se fait la putréfaction chez les noyés. Tout le monde sait la rapidité spéciale qui la distingue, et l'on peut affirmer que, toutes choses égales d'ailleurs, elle se fait infiniment plus vite que sur les cadavres d'individus ayant succombé à d'autres genres de mort. En d'autres termes, si l'on examine un pendu et un noyé retiré de l'eau immédiatement après la mort, et si l'on place les deux cadavres dans des conditions de température et d'humidité identiques, dans l'immense majorité des cas le noyé se putréfiera plus rapidement que le pendu. Quelle est la raison de cette différence?

Au deuxième Congrès international de médecine légale tenu à

Bruxelles en 1897, mon savant ami, M. Malvoz, a soutenu l'idée, déjà antérieurement défendue par lui, que la putréfaction s'exécutait sur les cadavres d'adultes, non pas seulement par la propagation des microbes saprophytes venus du tube gastro-intestinal et des téguments extérieurs, mais encore et surtout parce que, dans l'agonie, les saprophytes intestinaux franchissaient l'épithélium intestinal et se répandaient dans les organes par les vaisseaux sanguins. Il y aurait ainsi, d'après lui, un véritable semis de microbes exécuté pendant la vie dans les différents organes, et la putréfaction, au lieu de partir des surfaces internes et externes, muqueuses et tégumentaires, aurait autant de points de départ, après la mort, qu'il y avait d'inoculations opérées dans les organes pendant la vie.

En adoptant, sensu strictiori, cette théorie séduisante, on devrait admettre que les cadavres d'individus morts rapidement, sans agonie, devaient se putréfier plus lentement, que les individus morts lentement puisque, chez les premiers, le semis saprophytaire avait pu s'exécuter dans les organes intra vitam, tandis que chez les seconds, ce semis n'avait pas eu le temps de s'opérer. Je me réserve d'expliquer tantôt la contradiction apparente que tous les médecins légistes habitués aux autopsies auront remarquée entre cette théorie et les faits de la pratique.

Pour le moment, bornons-nous à examiner si la théorie de Malvoz peut s'adapter à ce qui se passe chez les noyés et expliquer leur putré faction rapide. On peut évidemment se demander si le semis microbien, au lieu de s'exécuter chez eux de la surface tégumentaire et gastro-intestinale vers l'intimité des tissus, ne peut pas s'exécuter aussi de la surface pulmonaire, celle-ci, dans la mort par submersion, étant baignée d'un liquide qui contient, dans la pratique, toujours un nombre respectable de saprophytes. Mais on peut aller plus loin et se demander si, dans l'agonie des noyés, ces saprophytes ne peuvent pas franchir les barrières de l'épithélium pulmonaire et pénétrer dans le sang qui les véhiculerait dans les tissus, à la faveur des dernières contractions du cœur. Il semble bien établi, par les expériences de Brouardel et de Vibert, que de l'eau pénètre au travers de cet épithélium dans les vaisseaux sanguins pendant l'agonie. Il n'y a donc, a priori, rien d'irrationnel à admettre que les microbes que l'eau contient passent en même temps qu'elle dans le torrent circulatoire. Cependant une première série d'expériences, dans lesquelles, immédiatement après la mort, j'ai inoculé des tubes de gélatine avec l'aiguille de platine introduite dans les divers organes, ne m'a pas donné de résultat suffisamment probant. La plupart des tubes restaient

stériles. Je me suis demandé si cela ne tenait pas à ce que, immédiatement après la mort, les germes répandus dans les tissus étaient trop peu nombreux pour que des prises faites en quelques endroits seulement eussent des chances de contenir ces germes. Il ne fallait pas songer cependant à attendre trop longtemps après la mort, des résultats positifs ne devant plus alors nécessairement prouver en faveur de la pénétration intra vitam.

Je me suis alors arrêté au procédé suivant : pendant la vie, des canules sont introduites dans les artères crurales ou carotides de l'animal en expérience et mises en rapport avec des tubes de Pasteur. Une prise de sang dans un de ces tubes est faite avant la submersion. Pendant les dernières contractions du cœur, on prend du sang dans l'autre tube. Les deux tubes sont alors enlevés et scellés, puis placés à l'étuve à 36 degrés. La submersion s'exécute dans de l'eau tenant en suspension de la terre végétale et des excréments.

Or, tandis que le premier tube reste régulièrement stérile, le second contient, après quelques heures, des bactéries de toute espèce. La simple inspection au spectroscope suffit déjà pour s'assurer du fait. Dans le premier tube, on a très manifestement le spectre de l'oxyhémoglobine; dans le second, on observe la raie unique de l'hémoglobine réduite, même quand on agite le sang avec l'air resté dans le tube scellé (Fredericq).

D'autre part, l'inoculation en bouillon du sang du second tube fournit des cultures de saprophytes variés.

Il n'y a, me semble-t-il, qu'une interprétation possible de ce résultat, c'est que les microbes de la putréfaction contenus dans le liquide de submersion pénètrent dans le sang pendant les dernières phases de la vie du cœur et sont lancés dans la circulation. On peut évidemment, et je me réserve de le faire, pousser l'analyse plus loin et se demander à quelle période de l'agonie commence cette pénétration. Il est facile d'imaginer le procédé qui permettra de préciser ce moment de façon quasi mathématique.

Cette expérience rend compte, à mon avis, de la putréfaction si rapide des noyés. Mais le fait qui m'a semblé le plus intéressant dans mes expériences de laboratoire est, en apparence, contradictoire de l'interprétation que je donne de la rapidité de cette putréfaction. C'est que les chiens noyés dans un liquide manifestement putride ne se putréfient pas sensiblement plus vite que des chiens ayant succombé à un autre genre de mort et ayant été placés, après la mort, dans des conditions identiques.

Cette anomalie me semble provenir d'une particularité que présente

le sang du chien et sur laquelle j'ai déjà, à plusieurs reprises, attiré l'attention: c'est que, contrairement à ce qui se passe chez l'homme ayant succombé à une mort rapide, le sang du chien se coagule dans les vaisseaux, après la mort, avec une grande rapidité.

Si le sang d'un individu noyé reste fluide après la mort, il se produit en quelque sorte une culture mobile des saprophytes qui ont franchi l'épithélium pulmonaire. Le sang gagne les parties déclives et véhicule à sa suite, dans l'intimité des tissus, au delà des parois vasculaires, les germes qu'il contient.

S'il se coagule, au contraire, après la mort, les microbes sont emprisonnés dans les caillots et ne peuvent franchir les barrières vasculaires que par multiplication sur place et par liquéfaction des caillots.

Il est naturellement difficile de donner une preuve directe de l'importance que cette mobilisation ou cette immobilisation des cultures cadavériques microbiennes peut avoir pour la putréfaction. Je pense cependant en avoir trouvé une dans un fait que j'ai pu observer depuis longtemps dans les expériences de laboratoire : les chiens dont on a rendu le sang incoagulable par une injection intra-veineuse de peptone se putréfient bien plus rapidement que les autres.

Si nous examinons maintenant ce qui se passe dans certains cas de mort rapide, nous constatons que la putréfaction marche parfois infiniment plus vite sur des cadavres d'individus ayant succombé à une longue agonie, alors que chez ces derniers, dans la théorie de Malvoz, un semis microbien a pu se faire pendant la vie dans les organes. Seulement, chez ceux-ci le sang se coagule après la mort, souvent même pendant l'agonie et cette coagulation emprisonne, immobilise sur place les saprophytes. Chez les autres, au contraire, le sang restant fluide, les germes qui y pénètrent, même après la mort, sont véhiculés de par les lois de la pesanteur en différents points du corps et vont se développer à l'infini avec une grande rapidité.

Une autre circonstance peut, chez les noyés, modifier les conditions du problème de la putréfaction et elle ressort des termes mêmes dans lesquels ce problème est maintenant posé la putréfaction s'opère plus rapidement chez eux, grâce à la pénétration pendant la vie, au travers des poumons, dans le sang, de microbes saprophytes venus du liquide de submersion.

Or, dans les cas de mort subite, par shock respiratoire ou cardiaque, dans l'eau, cette pénétration ne peut s'opérer et, par conséquent, a priori, la putréfaction s'opérera plus lentement. Je n'ai malheureusement pas d'expérience directe à fournir à l'appui de cette

hypothèse; mais elle me paraît découler si clairement des faits acquis que je la crois justifiée.

Dans deux cas de ma pratique médico-légale, pour lesquels j'avais des raisons de croire à une mort subite dans l'eau, la putréfaction m'a semblé manifestement beaucoup moins avancée qu'elle n'aurait dû l'être. Il y aurait donc là un nouveau critérium à joindre à ceux que j'ai signalés plus haut dans le diagnostic de la mort subite dans l'eau ce serait la marche plus lente de la putréfaction.

Je pense cependant en avoir assez dit pour vous montrer que je ne veux pas, en conclusion de quelques expériences de laboratoire, lancer la médecine légale dans un nouveau champ d'hypothèses. J'ai cherché à montrer, au contraire, que des phénomènes qui, à première vue, paraissaient susceptibles d'interprétations assez simples ou même univoques, dépendent, au contraire, de tant de facteurs différents que l'on ne peut, dans un cas donné, en fournir une interprétation aprioristique.

ACTION DU PERSULFATE D'AMMONIAQUE DISSOUS DANS L'ACIDE SULFURIQUE
CONCENTRÉ ET ÉTENDU SUR CERTAINS CORPS ET SPÉCIALEMENT
SUR CEUX SUSCEPTIBLES D'ÊTRE RENCONTRÉS DANS LES RECHERCHES

TOXICOLOGIQUES

par M. Maurice LEPRINCE.

Les recherches que nous avons entreprises ont été faites comparativement dans les conditions suivantes :

1° Acide sulfurique pur à 66°.

2o Acide sulfurique à 66°, contenant 1 gramme de persulfate d'ammoniaque cristallisé pour 20 c. c.

3o Acide sulfurique à 66°, contenant 5 grammes de persulfate d'ammoniaque cristallisé pour 20 c. c.

4° Acide sulfurique à 66°, contenant 10 grammes de persulfate d'ammoniaque pour 20 c. c.

5o Acide sulfurique à 66° et eau distillée à P. E., contenant 10 grammes de persulfate d'ammoniaque pour 20 c. c. de l'acide dilué.

Nous nous sommes toujours placé dans les conditions d'une analyse médico-légale, avec le dispositif final suivant :

Evaporation lente des solutions sur de petits verres de montre très concaves, placés, après refroidissement, sur du papier blanc; le

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