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raison de plus pour ne pas perdre de vue l'importance de ce côté de la question et pour ne pas hésiter à reconnaître le tort irréparable que peut causer dans l'avenir, à la santé de l'individu, l'usage d'aliments de cette nature.

Nous pensons qu'il y aurait un grand avantage, en même temps qu'un réel intérêt pour l'hygiène publique, à faire adopter par les tribunaux cette opinion qui nous paraît absolument démontrée, que des aliments additionnés de substances antiseptiques, quelles qu'elles soient, constituent des produits de valeur amoindric, on pourrait presque dire des aliments indigestes, et dont l'usage continué pendant un temps assez considérable ne laisse pas que d'être fort préjudiciable à la santé du consommateur.

Il est désirable de savoir de quelle façon cette question est envisagée dans les différents pays; et il y aurait lieu de faire à ce sujet des propositions qui seraient les bases d'un accord international.

DISCUSSION.

M. BORDAS. Dans de semblables expertises, la question posée à l'expert par le parquet est la suivante : la quantité de substance antiseptique employée est-elle capable de produire une intoxication?

La réponse de l'expert est négative, les doses employées étant très faibles, et c'est ainsi que l'on autorise l'emploi des matières antiseptiques les plus variées.

M. OTTOLENGHI croit qu'il faudrait faire des expériences sur les animaux pour établir l'action nocive des substances employées à faible dose.

M. BORDAS. On a étudié expérimentalement l'acide borique. Il ne croit pas que cette étude sur l'animal puisse donner des résultats.

M. LEREDU. D'après la loi de 1851, on ne peut pas falsifier une substance qui sert à l'alimentation. Il suffirait donc de déclarer, pour les magistrats, qu'il y a falsification toutes les fois qu'il y a introduction de substances chimiques dans les aliments à conserver.

Un principe aussi général n'est pas admis à l'étranger comme en France. A propos de chaque corps spécial, il y a une loi spéciale. Seul le code italien dit Sera puni qui falsifiera ou altérera les aliments par l'introduction d'une substance chimique. Le principe est beaucoup plus étendu. Au lieu des lois spéciales dont on use de plus en plus en France, ne pourrait-on admettre un principe général?

M. VIBERT. Le vœu que propose M. Leredu est irréalisable. Un principe général interdisant la conservation, par des substances chimiques à dose minime, des produits alimentaires, serait une gène pour le négociant et on n'aboutirait pas à une modification de la législation.

M. VLEMINSKX. En Belgique, à côté des lois nous avons des réglementations visant chaque cas particulier à mesure que le besoin se fait sentir. Le principe qu'on ne doit ajouter aucun toxique pour la conservation des substances alimentaires est admis. Il est très difficile de l'appliquer, parce

que devant les tribunaux la question posée est toujours la même les doses employées sont-elles véritablement toxiques? Mais peu à peu on arrivera à de meilleurs résultats.

M. OGIER est de l'avis de M. VIBERT. Un principe aussi exclusif entravera le commerce et l'on arrivera à empêcher même l'emploi du sel marin.

Il serait mieux d'indiquer dans un vœu les substances que l'on considère comme dangereuses et qui sont employées.

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M. VLEMINSKX. Un excellent moyen de protection employé en Belgique est le suivant les brasseurs ont voulu mettre dans la bière de la saccharine; on s'y est opposé, et on leur a dit : « Vous pouvez vendre de la bière saccharinée, mais il faut le dire, l'indiquer sur les bouteilles; si vous ne le faites pas, vous serez poursuivi ».

M. VIBERT. Ce procédé de protection est inefficace à Paris, surtout dans les débits populaires. Les débitants ont donné à leurs liqueurs des noms de fantaisie et le contenu des flacons n'est pas garanti.

M. BORDAS propose le vœu suivant qui est adopté à l'unanimité :

« Étant donné les accidents signalés par les auteurs des différents pays, résultant de l'usage habituel d'aliments ou de boissons dont la conservation a été assurée par des agents chimiques, le XIII Congrès de médecine, section de médecine légale, émet le vœu que l'emploi de ces produits (borax, acide salicylique, formol, saccharine) soit interdit dans les matières alimentaires.

UN CAS DE SUICIDE PAR AUTO-EXTIRPATION DU LARYNX

par le docteur Henri SZIGETI,

Ancien chef des travaux à l'Institut médico-légal de l'Université royale hongroise à Budapest,
actuellement médecin légiste à lemesuar (Hongrie).

Un mode très rare de suicide est de se couper la gorge. A Budapest, par an, en moyenne 200 personnes (sur 10 000 habitants) meurent par suicide; parmi celles-ci il y en a 6,8, qui se coupent la gorge. La plupart sont des hommes, parce que cette manière de suicide exige une énergie qui ne se rencontre guère chez la femme.

Un fait singulier, qui d'après mon observation sé répète d'une année à l'autre, est celui-ci, que ces cas de suicide par section de la gorge ne se passent pas sporadiquement, car généralement se suivent 2, 3 cas, l'un après l'autre à de courts intervalles, après quoi il y a une pause pour un certain temps. Il parait qu'on doit l'attribuer à l'esprit d'imitation, qui, d'ailleurs, joue un grand rôle chez les suicidés. Ainsi au mois de novembre de l'an 1894, furent apportés à la Morgue, pour l'examen médico-légal, 5 suicidés par section de la gorge, l'un après l'autre. Parmi ceux-ci il y avait un cas des plus rares et je crois ne

pas exagérer l'affaire, si je me permets de prétendre qu'il forme une exception, car parmi les 1500 cas de suicide que j'ai eu l'occasion de voir dans le courant des dernières années en qualité de chef des travaux à l'Institut médico-légal de Budapest et pendant mon séjour prolongé aux instituts similaires à Vienne, Berlin, Paris et Lyon, aucun ne ressemblait à celui-ci et même dans la littérature de ce genre je n'en ai pas trouvé indiqué de pareil, à l'exception d'un seul, dont fait mention dans son livre hongrois de médecine légale (page 336) Belky récemment décédé. C'est le cas de Jameson, dans lequel un homme âgé de cinquante ans s'est coupé cinq fois la gorge; lorsqu'on voulait mettre le bandage sur ses blessures, il sortait de sa poche un objet saignant, qui se dévoilait comme le cartilage cricoïde, la partie gauche du cartilage thyroïde, la partie droite du cartilage aryténoïde, une partie du premier anneau de la trachée, un morceau du pharynx et quelques faisceaux musculaires du sterno-cléido-mastoïdien.

Pour ce motif je considère comme nécessaire de décrire comme suit le cas très rare observé par moi.

Mme Jeanne B..., 42 ans, épouse d'un ouvrier, allait, le 25 novembre 1894, avec une voisine demeurant dans la même maison (II rayon rue Foti, 23), au bain artésien du bois de la ville, pour se baigner dans une cabine commune. Elles avaient déjà pris le billet pour deux personnes, mais elles devaient attendre leur tour. Pendant que la voisine se trouvait aux lieux d'aisance, Mme B... disparaissait soudainement. Sa compagne la cherchait, mais comme elle ne la trouvait pas, elle vendit le billet de bain à deux autres femmes et rentra chez elle. Elle arriva à 5 heures de l'aprèsmidi à la maison et voulut entrer chez Mme B... pour lui demander pourquoi elle l'avait abandonnée. Mais elle trouva fermée la porte de la cuisine, qui donnait sur la cour, et retourna chez elle, bien que les voisins qui se trouvaient dans la cour prétendissent que Mme B... était chez elle, parce qu'ils l'avaient vue revenir à la maison. Elle pensa qu'il était possible que les voisins se trompassent ou que Mme B... fùt, en attendant, de nouveau partie. Vers les 6 heures elle alla de nouveau à la demeure de Mme B..., et trouvant encore la porte fermée, elle frappa, mais ne reçut aucune réponse. Alors elle observa que la porte n'était pas fermée à clef, mais seulement, à l'intérieur, au verrou. Et comme les voisins prétendaient toujours que Mme B... était revenue à la maison, et que personne ne l'avait vue repartir, le soupçon s'éveilla en elle qu'un malheur pouvait être arrivé à Mme B.... Elle appela immédiatement le mari de Mme B..., qui travaillait dans la fabrique voisine. Comme il ne pouvait pas entrer par la porte, fermée au verrou, il pénétra avec un camarade dans la chambre par la fenêtre. Cela se passait à 6 heures et demie, 7 heures du soir. La chambre présentait un aspect terrible. Mme B..., le cou coupé, gisait dans une grande mare de sang, le dos sur le plancher. On téléphonait tout de suite au service de sauvetage. Pas longtemps après, vers 7 heures et demie du soir, arrivèrent les

hommes du service sanitaire, et mon ami, M. le Dr Charles Aczil, donnait à la blessée les premiers soins. Après avoir enlevé le foulard avec lequel la blessure était liée provisoirement, il observait, à son plus grand étonnement, que le larynx manquait, et il trouva ce dernier aussi dans une mare de sang, sur le plancher, à une distance de trois pas. A côté se trouvait le couteau de table saignant, très émoussé (pas aiguisé), avec lequel la femme

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s'était coupé le cou; car il s'agissait d'un suicide, ce qui était hors de tous les doutes par les circonstances du cas. L'hémorragie avait été arrêtée. Le bord inférieur de la blessure fut tourné avec quelques sutures pour que la trachée respiratoire découpée et se retirant derrière le bord libre ne fût pas couverte et la respiration empêchée.

Ensuite il envoya la blessée à la clinique chirurgicale de M. le professeur Kovács, où elle mourut, vers les 2 heures du matin, d'une anémie du cerveau, après avoir encore perdu beaucoup de sang avant son installation. De cette façon, elle vivait encore 8 ou 9 heures après s'être coupé la gorge.

L'autopsie policière sanitaire, entreprise le jour suivant, donnait la situation suivante (voir figure 1): A la partie antérieure du cou, il y a une coupure ouverte à peu près en forme de cinq coins à bords nets, et à coins arrondis, de 11 centimètres de largeur en direction transversale et 10 centimètres de longueur, qui va de l'os hyoïde jusqu'au jugulum et qui est limitée de deux côtés par les muscles sterno-cléido-mastoïdiens. La partie droite du bord inférieur de la blessure continue encore sous un angle aigu en trois blessures linéaires courant parallèlement entre elles. La base de la blessure est concave, en bateau; des deux angles supérieurs sortent les glandes sousmaxillaires et entre ceci le corps de l'os hyoïde. Derrière, on voit le V épiglotte. Le larynx entier et le cartilage cricoïde ensuite, une partie de la glande thyroïde, la partie antérieure du pharynx et la partie supéro-antérieure de l'œsophage manquent. La paroi postérieure de l'œsophage forme un triangle tourné la pointe en bas; sur celle-ci on voit, à la hauteur du larynx, trois coupures superficielles en forme de lignes. La voie respiratoire sectionnée, la partie restante de la glande thyroïde et les extrémités du muscle droit du cou se sont retirées derrière le bord inférieur de la blessure dans le jugulum. Les paquets de muscles sternocléido-mastoïdiens gisant superficiellement sont coupés. Les veines extérieures jugulaires déchirées et les artères du larynx se sont rétractées. Les deux carotides et les veines jugulaires internes sont intactes, de même le nerf vague. Le larynx coupé montre des coupures répétées; à celui-ci n'est suspendu aucun morceau de peau, par conséquent il ne manque rien de la peau de la face antérieure du cou.

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FIG. 2.

Alors je trouvai de quelle manière la femme avait pu s'extirper le larynx avec ses propres mains. Sur la face dorsale de la troisième phalange du médius taché de sang, on voyait au bord extérieur, près de l'angle extérieur de l'ongle, une coupure béante superficielle de 1 demi-millimètre et 8 millimètres de longueur (fig. 2).

A mon avis, la femme prenait à plein poing, de la main droite, le couteau de table aiguisé, penchait la nuque en arrière, et de plusieurs coups menés de gauche à droite, se dirigeant un peu obliquement et atteignant tout près de la colonne vertébrale, elle se coupait le cou antérieur à la hauteur de l'os hyoïde et du cartilage thyroïde. Après elle prenait avec la main gauche la blessure ouverte du cou, accrochait le doigt du milieu dans le larynx ouvert, tirait celui-ci en avant et en bas, et, en conduisant le couteau pardessus le doigt, elle découpait avec plusieurs coupures le larynx; à cette occasion, elle pouvait se couper le doigt.

Ce cas est au point de vue médico-légal d'un intérêt particulier. Heureusement les circonstances du cas étaient si claires, qu'il n'y avait aucun doute, qu'il ne s'agissait ici que d'un suicide. Mais comment se serait présentée l'affaire, si le cas s'était passé la nuit après une querelle avec le mari (son époux), devant ses yeux, sans présence

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