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Entraînés par l'exemple de leurs sujets, Gandelay, Ganchu, Gobila luimême malgré son embonpoint excessif, se livraient à une danse des plus échevelées.

Vers quatre heures du soir le calme commença à s'étabir.

Stanley et Janssen s'assirent assez commodément sur des nattes de gazon, en face des potentats nègres, sous un bombax dont la frondaison formait un plafond de salle d'audience convenable avant le coucher du soleil. Pendant que Stanley captivait l'attention de ses auditeurs noirs, Janssen observait la physionomie et l'accoutrement de chacun.

Ganchu représentait, physiquement parlant, le moins laid des trois chefs réunis. Ce personnage remplissait les fonctions de collecteur de taxes pour compte de Sa Majesté Mpumu Ntaba, le plus grand makoko des rives du Congo moyen, souverain omnipotent du royaume des Batekė. Il tenait fièrement dans sa main droite l'insigne de sa dignité, sorte de hache dont la lame en forme de croissant était reliée au manche cannelé par une longue tige en fer forgé.

Son plus bel ornement consistait dans la disposition architecturale de sa chevelure empennée, tressée et maintenue horizontalement à l'aide d'un filet de fibres de palmier.

La plupart de ses sujets s'étaient parés de plumes de pélican.

Mais Gandelay éclipsait par son faste le luxueux accoutrement de Ganchu. Indépendamment des peaux de léopard jetées sur ses épaules, le chef des Banfunu, grimaçant sans cesse un sourire disgracieux qui s'efforçait d'être aimable, étageait sur sa poitrine une série de colliers de dents de singe et de rongeurs, et par un mouvement assez coquet de l'avant-bras il invitait le regard à s'arrêter sur de magnifiques anneaux de cuivre auxquels étaient appendues des divinités portatives, becs d'oiseaux, arrêtes de poissons, cailloux, morceaux de bois coloriés sculptés au couteau.

Sa cour au grand complet l'avait accompagné. Près de lui quelques femmes demi-nues font l'office de chasse-mouches, des musiciens semblent attendre son signal pour arracher les sons les plus étranges à de non moins étranges instruments.

Mandé auprès d'un mundelė, Gandelay a eu le soin de se munir des présents qu'il lui destine; il offre à Stanley trois chèvres, une corbeille d'arachides, une calebasse d'huile de palme, un pot de miel, une demi-douzaine de poulets et de nombreux régimes de bananes.

Ces généreux arguments valurent à Gandelay une réponse non moins. généreuse.

L'éloquence de Stanley, renforcée par la munificence de l'agent supérieur

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du Comité d'études, triompha aisément des craintes puériles que manifestait le chef des Banfunu au sujet de l'établissement des blancs sur ses domaines.

Comme tous les makokos fétichistes, Gandelay attribuait aux mundelés un rayonnement néfaste, le mauvais œil.

Néanmoins, en monarque peu autoritaire, Gandelay s'en remit à la décision de Gobila, pour accorder à Boula Matari les terrains sollicités aux environs de Msuata.

Gobila, témoin des libéralités de Stanley, se déclara enchanté d'avoir dans son voisinage une sorte de poule aux œufs d'or, une maison où les fils du mpoutou entasseraient les merveilleux trésors de leur industrie.

On régla, séance tenante, le montant de l'annuité à payer pour la cession d'un terrain sis à quatre minutes du village, sur une éminence peu élevée, dont la base se baignait dans les eaux du fleuve.

Janssen fut aussitôt présenté aux chefs indigènes en qualité de futur commandant du poste à établir.

Le lendemain, le sous-lieutenant plantait sur la hauteur concédee le drapeau bleu du Comité d'études et y installait en même temps une escouade de travailleurs.

Ce même jour, un émissaire de de Brazza, ayant nom Giral, quartiermaître de la marine française, survivant glorieux des bataillons du Bourget, se présentait à Msuata pour remettre à Gobila le pavillon tricolore. Cet agent de la mission française arrivait trop tard; il n'avait pourtant pas ménagé en chemin ses forces et sa santé. Ce messager fidèle avait abandonné aux ronces du chemin le cuir de ses chaussures; il arrivait pieds nus à destination.

« Avec cent jeunes gens de la trempe de Giral, a écrit depuis Stanley, on fonderait aisément un empire en Afrique.

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Giral, devancé par les agents du Comité d'études, accepta pour une nuit leur cordiale hospitalité; il quitta, le 27, le village de Msuata en compagnie de Ganchu qui s'était chargé de le conduire près du grand makoko Mpuma Ntaba.

A la date du 5 mai, le terrain de la station était entièrement déblayė. Janssen y transporta sa tente et commença la construction d'une maison. d'habitation.

Le sol contenait en abondance du grès rouge propre à fabriquer des briques; les environs de Msuata offraient en quantités prodigieuses le bois de charpente et le loango utilisable pour les toitures. L'effectif de Janssen, réduit le 7 mai, par le départ de Stanley, à vingt Zanzibarites et à dix

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