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Dans le secteur oriental de son confluent, le Loubiranzi présente un emplacement superbe, et le capitaine Hanssens, devant ce site splendide, conçut l'idée de l'acquérir pour l'Association.

Il laissa les steamers à l'ancre derrière un îlot boisé d'où s'envolaient de telles quantités d'oiseaux que le ciel en était obscurci, et longea la rive gauche avec la baleinière l'Eclaireur et quelques hommes de couleur.

La rive, assez basse au bord de l'eau, est couverte de bois admirables à l'ombre desquels les aborigènes, nègres waringa, ont groupé leurs huttes

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primitives, sortes de constructions presque souterraines, recouvertes de dômes arrondis, rappelant par leur forme les nids de fourmis blanches. Derrière les arbres on apercevait, courant parallèlement à la rive, deux chaînes de collines aux pentes dénudées, roussâtres, et dont les crètes dentelaient de leurs cimes aigues le bleu foncé du ciel.

Après une heure de navigation accélérée, l'Éclaireur stoppa devant le plus important des villages riverains des Waringa, dans une baie spacieuse où les lames du Loubizanzi teignaient de noir la surface d'argent bruni des eaux paisibles du Congo.

LES BELGES. III.

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Hanssens débarqua au milieu de la population indigène accourue sur le rivage pour contempler l'immense pirogue de fer de l'homme au visage pâle; mais avant de pouvoir exposer une demande quelconque aux chefs du district, le mundelé dut faire l'échange du sang avec eux.

Ce village comptait précisément cinq potentats waringa exerçant à divers titres les fonctions gouvernementales du district; après une cérémonie aussi désagréable que celle de la fraternisation chez les Basoko, ces cinq personnages comptèrent sur la liste déjà bien longue des frères de sang africains du capitaine Hanssens.

« Ils n'étaient vraiment pas beaux, mes nouveaux frères, écrit le voyageur. Figurez-vous des mannequins ressemblant plus à des singes qu'à des hommes, et revêtus de hideuses peintures: la poitrine, les épaules, les bras peints en blanc; les jambes et les pieds en rouge; le visage panaché de blanc et de rouge.

« Sur la tête, une coiffure en peau de singe, piquée de plumes de perroquets et autres oiseaux; dans les mains, des lances de parade, mesurant au moins deux mètres, et des boucliers d'une facture parfaite, longs rectangles tressés avec du rotang, à la fois légers et impénétrables, rendus inflexibles par une plaque carrée en bois d'ébène, sur laquelle se croisaient deux minces planchettes du même bois. »

Néanmoins, et ce n'est que justice de le reconnaître, ils étaient aimables et courtois à rendre des points aux peuplades les plus relativement civilisées des bords du Congo.

Comme Hanssens les remerciait chaleureusement de leur bon accueil, le plus àgé des décemvirs lui répondit de ne pas s'en étonner outre

mesure:

« Il n'est pas dans nos habitudes de fraterniser avec les étrangers, surtout avec ceux qui descendent le grand fleuve. Trop souvent des hommes méchants, porteurs comme vous d'armes de guerre qui font un bruit terrible et dont les projectiles traversent nos boucliers, sont venus du pays. où le soleil se lève, pour semer sur nos terres la ruine et la désolation, brûler nos villages, dévaster nos récoltes, et emmener à la chaîne nos femmes, nos enfants, nos guerriers.

« Mais nous avons appris par les Vouénya des chutes que les mundelés sont les ennemis des brûleurs de villages nègres et des tueurs d'hommes, et qu'ils possèdent des drapeaux ayant la couleur du ciel, devant lesquels reculent épouvantées les hordes de chasseurs d'esclaves.

« Aussi avons-nous voulu devenir vos frères de sang pour recevoir de

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