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Tout d'abord et d'urgence, le capitaine, voulant conserver à l'Association les deux clefs du Stanley-Pool inférieur, décréta la fondation d'un poste de surveillance sur l'ilot sablonneux de Kallima, entre Brazzaville au nord et Kinchassa au sud.

Hanssens avait, on se le rappelle, déclaré à la mission de de Brazza une lutte à armes courtoises. La rapidité de son expédition première chez les Bangala, Oubika, etc., les heureux résultats de ses négociations avec les chefs des districts cannibales assuraient déjà à l'expédition internationale du Congo des avantages énormes dans le haut fleuve sur la mission française; il s'agissait pour l'intelligent et loyal rival de l'officier français de garder et de renforcer les situations acquises.

Depuis son arrivée à Léopoldville, et tout en suivant l'ordonnance de son docteur, Hanssens avait poussé à dessein ses promenades sur les divers chantiers où travaillaient les agents européens résidant à Léopoldville.

Le capitaine, ex-professeur à l'École militaire de la Cambre, était passé maître dans l'art difficile de juger les hommes, de les toiser à leur valeur intellectuelle et morale. La sureté de jugement n'était pas une de ses moindres qualités et parmi les nombreux pionniers de nationalités diverses qu'hébergeait alors la capitale du haut Congo il avait deviné à première vue les hommes d'action et de dévouement.

Au cours de l'une de ses promenades hygiéniques le capitaine, arrêté sur le bord du fleuve devant le chantier de réparation des steamers de la flottille, avait brusquement offert à l'un de ses compatriotes, Ed. Manduau, lieutenant de marine, la mission de fonder et de commander une station à Kallima-Point.

« Vous donnez bravement le coup de marteau, dit-il à cet officier, et l'apprentissage que vous avez fait au Congo comme constructeur de bateaux vous rendra facile votre nouvelle tâche de constructeur des maisons en bois de Kallima-Station. D'autre part, je sais que vous avez rempli avec beaucoup de zèle votre mission d'exploration de la rivière Gordon-Bennett, vous avez su entretenir avec les agents de la mission française établis sur la rive droite les rapports les plus cordiaux, et je ne doute pas que vous continuerez à vivre en bons termes avec vos voisins de Brazzaville.

J'accepte de grand cœur, mon capitaine! Depuis mon arrivée en Afrique, où j'étais venu avec la promesse formelle de commander un des steamers de la flottille, j'ai été maintenu par M. Stanley dans des emplois répondant peu à mes aptitudes, mais je n'en ai pas moins et toujours consciencieusement rempli mon devoir.

LES BELGES. III.

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Je le sais, répondit Hanssens; vous êtes destiné à prendre le commandement du steamer Stanley que Valcke a la mission de conduire à Léopoldville. Mais, en attendant, vous pourrez rendre à l'œuvre de notre Roi des services réels sur l'îlot de Kalli na. »

Manduau remercia chaleureusement le chef qui lui permettait d'attacher son nom à la fondation d'un poste important de la route transocéanique, et d'y exercer les premières fonctions.

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Fin tragique de M. Gamble-Keys.
-L'En Avant à Nkoungou.

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Excursion de Hanssens sur le lac Mantounba. Les Bakanga. Hanssens reçoit la croix de chevalier de l'Ordre de Léopold. Expédition Casman: de Léopoldville à l'Équateur. L'A. I. A.

fait des siennes.

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Mort de Bennie.

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PRÈS un indispensable travail de radoub dont l'exécution avait été confiée à Manduau, la flottille du haut-Congo, reprenait la route de l'Équateur au commencement de Septembre. Sept Européens et quarante-huit hommes de couleur composaient l'expédition, mais une partie de ce personnel était destinée à l'île de Kallin a. Un officier suédois, M. Gleerup, remplissait sur le steamer En Avant les fonctions de commandant adjoint de la flottille.

En quittant Kallima-Point, où l'on avait laissé les hommes et le matériel que nécessitait l'installation d'un poste sur ce coin sablonneux, l'expédition croisait, à quelques encâblures en aval de Kinchassa, une pirogue indigène montée par des Zanzibarites apportant un message du commandant de Loukolėla-Station.

M. Glave avait expédié en toute hâte vers Léopoldville son embarcation de service pour informer le capitaine Hanssens de la disette à laquelle était en proie la garnison de cette Station, et de la terrible catastrophe qui avait causé la mort de son second, M. Gamble-Keys.

On n'a pas oublié que Stanley avait vivement félicité cet agent subalterne de Loukolėla, pour la part active qu'il avait prise à la transformation. de la forêt vierge où s'élève aujourd'hui un embryon de ville africaine.

M. Gamble-Keys, outre son zèle, était doué d'un courage qui allait parfois jusqu'à la témérité.

Le 16 août, peu après le passage devant Loukolėla de l'expédition Hanssens revenant des Falls, M. Glave avait fait part à son second de l'impérieuse nécessité de trouver sans retard des provisions de bouche pour la garnison.

Des voleurs, qui étaient restés inconnus, avaient enlevé pendant la nuit les chèvres et les poules de la station.

Les denrées contenues dans le magasin de vivres et consistant en riz, pois, haricots verts, sucre et café, ne pouvaient, même strictement rationnées, assurer l'existence du personnel de Loukolėla jusqu'à l'arrivée d'une flottille de ravitaillement.

Dans une conjoncture aussi critique, M. Glave ne voyait d'autre parti à prendre que d'envoyer sur le champ son second à la station de Bolobo, pour prier le lieutenant Liebrechts de lui céder quelques rations de vivres.

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Pourquoi tant vous inquiéter, commandant? répliqua M. GambleKeys; le lieutenant Liebrechts est peut-être lui-même à court de rations, et d'ailleurs nous avons dans nos parages tout ce qu'il faut pour assurer sans frais à la garnison un approvisionnement de viande fraîche. Ce matin, en me promenant sur la lisière de la forêt, j'ai remarqué les traces d'un troupeau de buffles rouges. Nous avons là un ravitaillement tout trouvé; c'est une petite affaire de quelques coups de fusil qui ne doit pas arrêter un seul instant un fervent disciple de saint Hubert. Accordez moi mon après-midi, mettez à ma disposition quatre serviteurs noirs, et dès ce soir la viande de boucherie affluera dans notre garde-manger.

Quelques minutes après cet entretien, M. Gamble-Keys, accompagné de

quatre Haoussas vigoureux armés de sniders, partait pour la chasse aux buffles rouges.

Les chasseurs suivirent un sentier pratiqué dans la forêt vierge et aboutissant, sur la droite de la station, à un étroit vallon traversé par un torrent dont les fécondants débordements amenaient, à l'époque des pluies, une végétation d'une vigueur sans pareille.

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Dans cette valice dépourvue de grands arbres, mais tapissée de plantes sarmenteuses, de grandes herbes, d'arbrisseaux, d'arbustes épineux, de roseaux géants et de palmiers nains, les buffles rouges, froissant sous leurs sabots feuilles et fleurs, tiges et rameaux, prenaient bruyamment leurs ébats, mâchant les pousses tendres et flexibles des amomes ou se roulant, en mugissant sans trouble, au plus épais des plantureuses graminées.

M. Keys et son escouade suivant en silence les nombreuses empreintes du passage des buffles arrivèrent, sans donner l'éveil à ce gibier farouche,

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