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La Conférence de Berlin. — Le prince de Bismarck. – Reconnaissance de l'État neutre et indé

pendant du Congo. — Les Chambres belges autorisant le Roi Léopold à accepter la souveraineté du nouvel État. — Les adresses des Communes. — Le Congo à l'Exposition d'Anvers. Massala. Promesses pour l'avenir.

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'INÉBRANLABLE conviction, l'énergique volonté, l'inépuisable largesse dont fit preuve Sa Majesté Léopold II, pour impulsionner et soutenir "entreprise la plus belle du dix-neuvième siècle, furent universellement admirées jusqu'aux

confins des deux mondes. Le « pas de géant », cette heureuse expression de M. Adolphe Burdo, commencé le 12 septembre 1876, s'achevait en novembre 1884. Huit années avaient suffi pour conquérir sans effusion de sang et pour gagner à la cause LES BELGES. III.

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sacrée de la civilisation un territoire de plus de deux mille kilometres qui va du Zambeze au lac Tanganika et de Banana aux Falls, où le Congo coule étonné au pied de quarante-trois villes naissantes et emporte sur sa croupe frémissante et domptée une flottille de bateaux à vapeur dont le nombre va toujours croissant.

Les incessants efforts de Cambier, de Roger, de Van den Heuvel, de Valcke, de Nilis, de Van Gele, de Coquilhat et de cent autres non moins intrépides dont nous ne pourrions donner ici que la sèche nomenclature ; et ce long et douloureux nécrologe qu'ouvre Crespel et que clôt Stevart – puisse la liste funebre ne plus se rouvrir de longtemps! — tous ces dévouements jusqu'au sacrifice de la vie, tous ces martyres, ne sont point demeurés stériles, car on leur doit la révélation du « mystérieux continent »; le voile qui l'enveloppait de toutes parts est en partie soulevé et le monde civilisé contemple avec une grave émotion l'aube naissante qui éclaire cette contrée hier si ténébreuse.

Le peuple des États-Unis a salué le premier cette aurore. En 1878, le sénateur Sanford, dans un discours qui a produit une grande sensation, a fait ressortir en termes émus le but tout humanitaire de l'ouvre de Léopold II et a appelé sur elle l'attention de son gouvernement.

Ces paroles furent entendues et le Sénat de la grande République américaine, reconnaissant d'une voix unanime la souveraineté de la Société fondée à Bruxelles, proclama la neutralisation du territoire sur lequel flottait le drapeau de l'Association.

L'Europe de son côté ne demeura pas inactive. Le prince de Bismarck, grand chancelier de l'empire d'Allemagne, provoqua la réunion à Berlin d'une conférence internationale pour régler équitablement en faveur des nations civilisées les conditions et l'accès de ce vaste marché ouvert en Afrique par une poignée d'hommes désintéressés, au commerce de tous les peuples.

C'est le 15 novembre 1884 que cette conférence, spécialement dénommée « Conférence de Berlin », se réunit au palais du ministre des affaires étrangères d'Allemagne, sous la présidence du prince de Bismarck.

Voici l'exorde de l'acte général de cet important aréopage :

« Au nom du Dieu tout puissant, Sa Majesté l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse, Sa Majesté l'empereur d'Autriche, roi de Bohême, etc.,... et roi apostolique de Hongrie, Sa Majesté le roi des Belges, Sa Majesté le roi de Danemark, Sa Majesté le roi d'Espagne, le président des États-Unis d'Amérique, le président de la République française, Sa Majesté la reine du royaume-uni de la Grande Bretagne et d'Irlande, impératrice des Indes, Sa Majesté le roi d'Italie, Sa Majesté le roi des Pays-Bas, grand-duc du Luxembourg, etc., Sa Majesté le roi du Portugal et des Algarves, etc. etc., Sa Majesté l'empereur de toutes les Russies, Sa Majesté le roi de Suède et de Norwege, etc. etc., Sa Majesté l'empereur des Ottomans,

« Voulant régler dans un esprit de bonne entente mutuelle les conditions les plus favorables au développement du commerce et de la civilisation darıs certaines régions de l'Afrique et assurer à tous les peuples les avantages de la libre navigation sur les deux principaux fleuves africains qui se déversent dans l'Océan Atlantique ; désireux, d'autre part, de prévenir les malentendus et les contestations que pourraient soulever à l'avenir les prises de possession nouvelles sur les côtes de l'Afrique, et préoccupés en même temps d'accroître le bien-être moral et matériel des populations indigènes, ont résolu, sur l'invitation qui leur a été adressée par le gouvernement impérial d'Allemagne, d'accord avec le gouvernement de la République française, de réunir à cette fin une conférence à Berlin, et ont désigné leurs plénipotentiaires... »

Suivent les noms des représentants des puissances participantes, parmi lesquels nous retrouvons les illustrations diplomatiques contemporaines : le prince de Bismarck et le comte de Hatzfeld pour l'Allemagne; le comte de Benomar pour l'Espagne; le baron Alphonse de Courcel pour la France, sir Edward Baldwin Malet pour l'Angleterre; le comte Édouard de Launay pour l'Italie; le marquis de Penafiel pour le Portugal; le comte , Kapnist pour la Russie; le baron de Bildt pour la Suède et la Norwege; MM. Kasson et Sanford pour les État-Unis.

La Belgique y était représentée par M. le comte Van der Straeten-Ponthoz, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près S. M. l'empereur d'Allemagne, et par M. le baron Lambermont, aujourd'hui ministre d'État, alors ministre plénipotentiaire et secrétaire général au ministère des affaires étrangères.

En outre, M. Émile Banning, directeur général au même département, l'un des secrétaires de la conférence géographique de Bruxelles en 1876, assistait les délégués en qualité de conseiller technique; MM. le comte de Lalaing et le baron Goffinet, attachés au cabinet du Roi, remplissaient les fonctions de secrétaires de la mission.

Parmi les conseiliers techniques et les experts on remarquait surtout l'ex-agent supérieur de l'Association africaine, l'illustre Stanley, dont le concours avait été sollicité par la Conférence, et qui reçut de Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne, du prince de Bismarck, et des plénipotentiaires

internationaux des témoignages honorables de bienveillance et de sympathie.

Rappelons également que le rapport qui a servi de base à la discussion des conférenciers, fut l'oeuvre de l'un des délégués belges : M. le baron Lambermont, qui fit voir, dans l'accomplissement de cette mission délicate, que la Belgique possède en lui, un citoyen d'un rare mérite, un diplomate des plus distingués, qui la représente dignement à l'extérieur.

Si, à notre grand regret, nous ne pouvons nous faire ici l'historiographe minutieux des séances des conférenciers, des conseillers techniques et des experts, en revanche le lecteur trouvera plus loin, sous forme d'Appendice, la « Déclaration relative à la liberté du commerce dans le bassin du Congo. »

Cet acte général de la Conférence de Berlin réglemente l'État neutre et indépendant du Congo; aussi l'avons-nous reproduit en entier à la fin de l'ouvrage, nous gardant bien de mutiler cet important document par la plus petite analyse, par le moindre commentaire.

Le 23 février 1885 eut lieu l'avant-dernière séance de la Conférence de Berlin; elle fournit aux délégués des puissances l'occasion de manifester leur admiration et la sympathie de leurs gouvernements respectifs pour l'oeuvre du Roi des Belges, et de formuler leurs voeux pour le succès complet de cette oeuvre généreuse.

Avant d'arborder l'ordre du jour de cette séance, M. Busch, représentant de l'Allemagne, lut à l'assemblée qu'il présidait en l'absence de M. de Bismarck la lettre suivante, adressée à S. A. S. le prince président de la Conférence, par le colonel Strauch, président de l'Association internationale du Congo:

a Prince, « L'Association internationale du Congo a successivement conclu avec les puissances représentées à la Conférence de Berlin (moins une : la Belgique) des traités qui, parmi leurs clauses, contiennent une disposition reconnaissant son pavillon comme celui d'un État ou d'un gouvernement ami. Les négociations engagées avec la dernière puissance aboutiront, tout permet de l'espérer, à une prochaine et favorable issue.

« Je me conforme aux intentions de S. M. le roi des Belges, agissant en qualité de fondateur de cette Association, en portant ce fait à la connaisde Votre Altesse Sérénissime.

« La réunion et les délibérations de l'éminente assemblée qui siège à Berlin sous votre haute présidence ont essentiellement contribué à hâter cet heureux résultat. La Conférence à laquelle j'ai le devoir de rendre hommage, voudra bien, j'ose l'espérer, considérer l'avénement d'un pouvoir qui me donne la mission exclusive d'introduire la civilisation et le commerce au centre de l'Afrique, comme un gage de plus des fruits que doivent produire ses importants travaux. »

Après cette communication, les délégués de toutes les puissances ont pris tour à tour la parole, pour rendre hommage à l'auguste promoteur de l'oeuvre de l'Afrique centrale.

Voici les paroles prononcées par le baron de Courcel, ambassadeur de la république française, délégué à la Conférence de Berlin.

« En qualité de représentant d'une puissance dont les possessions sont limitrophes de celles de l'État libre du Congo, je prends acte avec satisfaction de la démarche par laquelle cette Association nous notifie son entrée dans la vie internationale. J'émets au nom de mon gouvernement le voeu que l'État du Congo, territorialement constitué aujourd'hui dans des limites précises, arrive bientôt à pourvoir d'une organisation gouvernementale régulière le vaste domaine qu'il est appelé à faire fructifier. Ses voisins seront les premiers à applaudir à ses progrès, car ils seront également les premiers à profiter du développement de sa prospérité et de toutes les garanties d'ordre, de sécurité et de bonne administration dont il entreprend de doter le centre de l'Afrique.

« Le nouvel État doit sa naissance aux aspirations généreuses, à l'initiative éclairée d'un prince entouré du respect de l'Europe. Il a été voué dès son berceau, à la pratique de toutes les libertés. Assuré du bon vouloir unanime des puissances qui se trouvent ici représentées, souhaitons-lui de remplir les destinées qui lui sont soumises sous la sage direction de son auguste fondateur, dont l'influence modératrice sera le plus précieux gage de son avenir. »

Sir Edward Baldwin Malet, s'est exprimé de son côté, comme suit :

« La part que le gouvernement de la reine Victoria a prise dans la reconnaissance du drapeau de l'Association comme celui d'un gouvernement ami, m'autorise à exprimer la satisfaction avec laquelle nous envisageons la constitution de ce nouvel État, due à l'initiative de S. M. le roi des Belges.

« Pendant de longues années, le roi Léopold II, dominé par une idée purement philanthropique, n'a rien épargné, ni efforts personnels, ni sacrifices pécuniaires de ce qui pouvait contribuer à la réalisation de son but.

Cependant le monde, en général, regardait ces efforts d'un cil presque indifférent. Par ci, par là, Sa Majesté soulevait la sympathie, mais c'était

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