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Voilà quelle fut cette négociation. Les libéraux de l'époque, pour lesquels tout ce qui était noir passait avant tout ce qui était blanc, applaudirent à la rupture, tandis que les résidents anglais du Port-auPrince la célébraient par des fêtes. Toute la faute fut rejetée sur les prétentions extravagantes de la France, et un écrivain que nous avons pourtant déjà cité comme l'un des plus impartiaux qui aient traité la matière, ne manque pas d'attribuer l'insuccès de cette tentative, comme l'insuccès de celles qui l'ont précédée, à l'exigence de la France, qui demandait la remise d'un poste militaire avant de reconnaître l'indépendance d'Haïti '. Or, nous avons assez soigneusement compulsé toutes les pièces de cette affaire, depuis les instructions de Dauxion-Lavaysse,

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«<les réponses; c'est fort bien, pourvu qu'il ne la dirige pas de manière à «< nous engager plus que nous ne voulons l'être. Prenez garde à la réponse qu'il fera à la note de ces gens-là, il faut que vous la voyiez et qu'elle " contienne la vérité sur le mode d'exécution des concessions que la << France ferait aux habitants de Saint-Domingue. La rupture doit être rejetée sur l'insuffisance des pouvoirs pour entrer dans les vues de la « France relativement à ce mode; sans quoi, ils vous reviendront dans << six mois disant qu'il ne sera pas question de la partie espagnole, et << vous somшant de tenir la promesse de M. Esmangart.

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On ne veut

<< dans tout ceci que vous entraîner et vous engager à faire plus que vous << ne voulez et ne devez: soyez fort en garde contre ce danger, je vous «en prie. De tout cœur à vous. - Signé V. » Lettre de M. de Villèle à M. de Clermont-Tonnerre. (Papiers du département de la marine.) 'Histoire politique et statistique, p. 488. — M. Placide-Justin a par fois oublié qu'il écrivait son livre sur les notes communiquées par sir James Barskett, agent du gouvernement britannique dans les Antilles,

qui accordaient des lettres de blanc aux principaux chefs noirs et mulâtres, jusqu'à celles si intelligentes et si sensées données à notre dernier négociateur, pour affirmer qu'il n'existe nulle part aucune espèce de trace de la prétention que l'on reproche à la France.

Tel fut ce qu'on peut appeler les préliminaires de l'acte du 17 avril 1825. Nous les avons présentés avec détail, parce qu'ils nous ont semblé renfermer plus d'un enseignement, et qu'il importait d'ailleurs de bien préciser les faits qui créent le caractère et la moralité de la dette, dont le dernier démembrement constitue ce qu'on nomme aujourd'hui la question haïtienne.

CHAPITRE II.

De l'ordonnance de 1825 aux traités de 1838.

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Texte de l'ordonnance de 1825.-Son caractère. - Difficulté de la faire accepter. Nature de l'affaire. — Diplomatie militaire.-M. le baron de Mackau, capitaine de vaisseau, chargé de la mission. Démonstra tion militaire mixte. - Habileté que déploie le négociateur. — Terrain sur lequel portent les difficultés. - Pièces officielles à ce sujet. — Détails sur la négociation. — Procès-verbal d'acceptation. — Note diplomatique portant sur différents points.- Premiers actes du gouvernement haïtien après le départ de M. de Mackau. — Indication sommaire des négociations qui interviennent depuis l'entérinement de 1825 jusqu'en 1838. Versement du premier cinquième de l'indemnité. Ce payement est incomplet. - Première difficulté. L'un des avantages commer. ciaux stipulés par l'ordonnance est retiré à la France. Les premières difficultés ne portent pas sur la quotité de l'indemnité. Traité signé en 1831. Le président Boyer désavoue son plénipotentiaire. — Son attitude à l'égard de la dynastie nouvelle. Rupture complète. — Renseignements rapportés. — Commission de 1835 présidée par le comte Siméon. Mission de 1837.-Texte des deux conventions intervenues le 12 février 1838. — Discours prononcé à la chambre des députés par l'un des négociateurs. — Appréciation des actes de 1825 et 1838. — Dans quelles circonstances est intervenu le premier. —Sa forme. Sa clause conditionnelle quant à l'indépendance. — Réfutation de l'opinion qui ne considère pas l'indépendance comme un fait accompli. De l'aliénation des territoires du royaume.— Caractère particulier de la dette haïtienne. Inhabileté dans la convention de 1838. Ce qui était à faire par la France. La situation actuelle en fait une amère justice.

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Nous avons dit que les négociations avortées de 1824 avaient été les préliminaires de l'acte de 1825. En effet, M. de Villèle, impatienté des difficultés et

de l'inintelligence qu'il avait rencontrées, se décida à brusquer un dénoûment qu'il comprit ne pouvoir plus demander aux tergiversations de la diplomatie, et résolut d'imposer une solution qui participât à la fois des bases qu'avait posées le gouvernement, et des réserves dans lesquelles s'étaient réfugiés les négociateurs haïtiens. Une ordonnance qui rappelle la forme octroyée de 1814, c'est-à-dire qui imposait en donnant, fut rédigée au mois d'avril 1825. Voici sa teneur textuelle :

« Charles, etc., etc.

« Vu les art. 14 et 73 de la Charte voulant pourréclament les intérêts du commerce

« voir à ce que

français, les malheurs des anciens colons de Saint<«< Domingue, et l'état précaire des habitants actuels <<< de cette île;

« Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit: « Art. 1. Les ports de la partie française de SaintDomingue seront ouverts au commerce de toutes << les nations.

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« Les droits perçus dans ces ports, soit sur les navires, soit sur les marchandises, tant à l'entrée qu'à la sortie, seront égaux et uniformes pour tous <«<les pavillons, excepté le pavillon français, en fa<<< veur duquel ces droits seront réduits de moitié.

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« Art. 2. Les habitants actuels de la partie fran

çaise de Saint-Domingue verseront à la caisse gé<nérale des dépôts et consignations de France, en

cinq termes égaux, d'année en année, le pre<< mier échéant au 31 décembre 1825, la somme de << 150 millions de francs, destinée à dédommager les << anciens colons qui réclameront une indemnité.

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«Art. 3. Nous concédons à ces conditions, par la présente ordonnance, aux habitants actuels de la partie française de l'île de Saint-Domingue, l'indépendance pleine et entière de leur gouverne<< ment.

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« Et sera la présente ordonnance scellée du grand

<< sceau.

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Donné à Paris, au château des Tuileries, le 17 avril, l'an de grâce 1825, et de notre règne le premier. -CHARLES.

« Vu au sceau, comte de PEYRONNET.

« Par le roi, le pair de France, ministre de la << marine, comte de CHABROL.

« Visa : Le président du conseil des ministres, « J de VILLÈLE. »

Il ne restait plus qu'à faire accepter le bienfait en ces termes. Sans doute, le gouvernement s'était assuré des bonnes dispositions du général Boyer;

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