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CODE

DE LA

PECHE FLUVIALE,

AVEC L'EXPOSÉ DES MOTIFS,

LA DISCUSSION DES DEUX CHAMBRES,

ET DES OBSERVATIONS SUR LES ARTICLES.

CONSIDÉRATIONS SUR L'ENSEMBLE DE LA LOI.

M. le marquis de Bouthillier, commissaire du roi, présentant le projet de Code à la chambre des pairs, dans la session de 1828, s'exprime ainsi dans l'exposé des motifs : « Le roi nous a ordonné de présenter à Vos Seigneuries un projet de loi relatif à la pêche fluviale. Ce projet suite nécessaire du Code forestier adopté dans la dernière session des chambres, est destiné à remplacer les anciennes ordonnances, spécialement celle de 1669 et la loi du 4 mai 1802, qui régissent encore cette partie de notre droit public. Quoique les mêmes principes de conservation aient présidé à la législation sur la pêche maritime et sur la pêche flu→ viale, chacune de ces deux sortes de pêche a cependant toujours été régie par des lois spéciales, et placée sous une surveillance distincte. La première est dans les attributions du ministre de la marine, et la seconde dans celles du ministre des finances. C'est exclusivement de la pêche fluviale que traite le projet que nous sommes chargés de présenter à Vos Seigneuries. La France, par la situation de plusieurs de ses provinces sur le bord de la mer, et par le nombre considérable des fleuves, rivières, canaux et ruisseaux qui parcourent son territoire, trouve d'abondantes ressources dans la pêche: aussi, pour en assurer la conservation, nos rois, dans leur sollicitude paternelle pour le bien de leurs peuples, ont rendu plusieurs ordonnances qui en règlent l'exercice, tant à la mer que dans les fleuves et rivières. Toutes ont eu principalement pour objet d'interdire la pêche pendant la sai

son où les poissons se multiplient, et de prohiber l'emploi des filets, instrumens et appâts qui sacrifient à un gain momentané les ressources et les espérances de l'avenir. Ces ordonnances ne furent point toujours ponctuellement exécutées, et l'on eut souvent à se plaindre de la dépopulation des rivières. Ce fut surtout dans les premiers temps de nos troubles politiques que se firent remarquer les abus de la pèche fluviale. Ces abus furent d'autant plus fâcheux, qu'ils nuisirent à la régénération des poissons qui, dans le temps du frai, remontert des eaux de la mer dans les fleuves et rivières. On s'aperçut enfin de la rareté d'un objet important de consommation, et de l'impossibilité de repeupler les rivières si l'on ne se hâtait de remettre à exécution les mesures de police prescrites par les réglemens: ce fut l'objet de la loi du 4 mai 1802 (14 floréal an x). La pêche fluviale, considérée sous le point de vue politique, mérite l'attention du législateur : elle contribue avec la pêche maritime à former des hommes à l'art si utile et si important de la navigation; c'est en conduisant la barque du pêcheur que la plupart des matelots commencent leur apprentissage. Comme branche de revenu public, la pêche fluviale doit être aussi l'objet d'une attention particulière: bien que ses produits annuels ne s'élèvent qu'à une somme d'environ 500,000 francs, ils ont leur importance dans un gouvernement qui sait apprécier toutes les ressources dont la réalisation n'impose aucun sacrifice aux contribuables. Ce n'est pas seulement sur les grands cours d'eau qu'il faut, exercer une police sévère; l'intérêt général appelle aussi la surveillance sur les petites rivières et sur les simples ruisseaux. Les considérations que nous venons de rappeler ont servi de bases aux anciens réglemens sur la pêche; mais ces lois, dont les premières remontent à la fin du treizième siècle, présentent aujourd'hui plusieurs dispositions surannées, incomplètes, et sans aucun rapport avec l'ordre actuel de notre législation. L'ordonnance de 1669 avait, il est vrai, modifié les réglemens antérieurs, et établi une série de dispositions spéciales sur la police de la pèche; mais cette loi elle-même n'est plus en harmonie avec nos institutious, et présente l'inconvénient de renvoyer aux anciennes ordonnances au sujet de la prohibition d'instrumens de pêche connus aujourd'hui sous des dénominations tout-à-fait différentes. On ne peut révoquer en doute la nécessité de rajeunir cette législation, en la dépouillant de ce qui appartient à un ordre de choses qui n'est plus, et de l'établir d'après nos mœurs et nos besoins actuels : c'est pour y parvenir que nous avons préparé le projet que nous soumettons à vos délibérations. Ce projet, comme celui du Code forestier, a subi plusieurs degrés d'examen préparé d'abord

:

dans le sein d'une administration qui a toujours régi cette partie d'économie publique, et qui connaît par conséquent les améliorations qu'elle réclame, il a été ensuite confié à la révision de la commission qui avait été chargée de celle du Code forestier; et après y avoir été discuté avec la plus scrupuleuse attention et y avoir reçu des amendemens utiles, il a été communiqué aux autorités administratives et judiciaires, dont les observations ont puissamment contribué à perfectionner ce travail. Cette nouvelle loi se compose de huit titres qui règlent successivement le droit de pêche, l'administration et la régie, les adjudications des cantonnemens, la conservation et police, les poursuites en réparation de délits et contraventions, les peines et condamnations, l'exécution des jugemens, les dispositions générales et les dispositions transitoires. Vous remarquerez, nobles Pairs, que plusieurs titres rappellent textuellement les articles du Code forestier qui ont paru devoir s'appliquer à l'administration et à la police de la pêche; ces articles n'ont reçu d'autres modifications que celles qui étaient exigées par la différence des matières. En les insérant dans le Code de la pêche, au lieu d'y renvoyer comme on en avait eu d'abord l'intention, nous avons satisfait à un vœu généralement exprimé, et fondé sur l'avantage certain de renfermer dans une loi spéciale toutes les dispositions destinées à régler les matières qui s'y rattachent. Cette observation nous a paru nécessaire pour faire disparaître l'apparente longueur de ce projet, dont plusieurs articles reçoivent déjà leur exécution depuis la promulgation du Code forestier, et ne semblent plus nécessiter de nouvelles discussions. Nous nous bornerons, dans l'exposé des motifs, à appeler votre attention sur les dispositions qui nous paraîtront les plus dignes de la fixer, en réservant pour la discussion générale des articles les explications qu'elle pourra exiger.

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M. le commissaire du roi passe en revue les divers titres du projet, et il termine son discours en ces termes : « Telles sont, nobles Pairs, les principales dispositions du projet que nous venons soumettre à vos délibérations. Dans cette loi, comme dans le Code forestier, nous nous sommes attachés à respecter les droits de propriété, à appliquer les règles du droit commun, à protéger les intérêts généraux, et à modérer les peines toutes les fois qu'elles ont pu être réduites sans danger pour la répression des délits. Le roi, dont toutes les pensées se rapportent au bien de ses peuples, a proposé pour but à nos efforts, d'imprimer à cette loi un caractère conforme à nos mœurs et à nos besoins; c'était nous prescrire de prendre pour guide dans ce travail l'esprit des institutions qui nous régissent aujourd'hui. Nous nous

sommes attachés à remplir les intentions de Sa Majesté, certains de nous rencontrer avec les vôtres. Nous venons donc avec confiance soumettre à vos lumièrès un projet qui tend à restaurer, d'après les principes de l'ordre constitutionnel, une partie trop vieillie de notre édifice social. Cette loi, émanée de la Charte, inspirée à la volonté royale par l'amour du pays, ne peut manquer d'obtenir l'approbation de Vos Seigneuries. »

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M. le marquis de Maleville, rapporteur de la commission spéciale de la Chambre des Pairs, dit dans son rapport: Lorsque le gouvernement du roi soumit à vos délibérations le projet du Code forestier, il annonça la prochaine présentation d'un autre projet de loi relatif à la pèche fluviale; il annonça que les dispositions de l'ordonnance de 1669 et de la législation concernant cette matière y seraient refondues et appropriées aux besoins de l'époque actuelle. Cette tâche a été remplie ; et bien qu'elle fût beaucoup moins difficile, beaucoup moins compliquée que celle qui avait pour objet la police forestière, le travail qui en a été le résultat n'en a pas moins été soumis aux mêmes épreuves avant d'être livré à la solennelle discussion des chambres. Ce nouveau projet se compose de huit titres et de quatre-vingttreize articles (aujourd'hui 84). Mais les deux tiers environ de ces articles étant extraits du Code forestier, semblent devoir être aujourd'hui hors de toute discussion. Les autres, quoique peu nombreux, ont donné lieu à plusieurs réclamations et à des questions graves, qui se rattachent aux principes les plus importans du droit public ou de la propriété. La commission nommée par Vos Seigneuries les a examinées avec soin; elle les a discutées avec M. le directeur général des eaux et forêts. Je vais avoir l'honneur de vous rendre compte du résultat de ses délibérations, en faisant remarquer les principaux changemens que le projet introduit dans la législation actuelle, »

ces

M. le baron Favard de Langlade, commissaire du roi, porte à la chambre des députés, dans la session de 1829, le projet de Code amélioré par la chambre des pairs. Il s'exprime en termes: « Les changemens qui se sont opérés dans nos institutions ont rendu nécessaires d'importantes modifications à plusieurs de nos lois. Déjà la célèbre ordonnance de Louis XIV a été remplacée en partie par une loi nouvelle sur la conservation des forêts. Nous venons aujourd'hui, par ordre du roi, vous apporter un projet de Code sur la péche fluviale, pour compléter cette branche de notre législation.

« Ce projet, Messieurs, vous est connu. Préparé avec soin par le gouvernement, révisé par une commission spéciale, communiqué aux autorités administratives et judiciaires, soumis enfin

à la chambre des pairs dans la dernière session, vous savez avec quel talent et quelle maturité il y fut examiné. Nous le reproduisons aujourd'hui avec les améliorations qu'il a reçues d'une discussion approfondie. Nous devons d'abord vous faire remarquer que sur le nombre de quatre-vingt-six articles (aujourd'hui 84) dont il se compose, il en est plus des trois quarts qui sont pris textuellement dans le Code forestier, et dont l'adoption ne semble pas susceptible de difficulté. Ainsi, les considérations que nous avons l'honneur de vous soumettre ne porteront que sur les dispositions qui forment les bases de la loi.

«La pêche peut avoir lieu dans la mer, dans les fleuves et rivières et dans les eaux dormantes ou étangs. Sous ce dernier rapport, elle est réglée par les articles 524 du Code civil et 388 du Code pénal, qui considèrent comme propriété privée le poisson des étangs, et en punissent comme vol l'enlèvement frauduleux. Nous n'avons pas non plus à vous entretenir de la pêche maritime, soumise à des règles spéciales. Il ne sera donc question que de l'exercice du droit de pêche dans les fleuves, dans les rivières, dans leurs embranchemens et en général dans les cours d'eau qui ne sont point une propriété particulière. »

M. le commissaire du roi termine ainsi son exposé des motifs : « Vous connaissez, Messieurs, par ce rapide exposé, le Code que nous venons offrir à vos méditations, ainsi que l'esprit dans lequel il est conçu. Vous jugerez sans doute que l'ensemble des règles qu'il renferme est propre à garantir tous les droits, comme à concilier tous les intérêts.

"

M. Mestadier, rapporteur de la commission de la chambre des députés, dit dans son rapport : « Une loi sur la pêche était-elle nécessaire? Tel a dû être le premier objet de notre examen. Les lois inutiles constatent presque toujours l'inexécution des lois existantes ou un désordre dans l'organisation des pouvoirs de la société : on ne peut en espérer aucune force, aucun avantage. Devenue insuffisante pour la conservation des forêts, l'ordonnance de 1669 a été remplacée, sous ce rapport, par le Code forestier. Le titre XXXI est relatif à la pèche. Pourrait-il seul, avec le titre de la chasse, rester loi de l'Etat? L'ordonnance a trente-deux titres. Les peines que prescrit le titre XXXI ne sont plus en rapport ni avec les peines que nos nouvelles lois autorisent à infliger pour la répression des délits, ni même avec nos institutions constitutionnelles. En effet, les tribunaux pouvaient punir corporellement sans que la nature et la durée de la peine fussent déterminées; les pêcheurs étaient érigés en communautés et en maîtrises; les maîtres-pêcheurs pouvaient seuls pêcher sur les rivières navigables, et, en cas de

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