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contravention, ils pouvaient être bannis des rivières pour trois ans. Le titre XXXÎ de l'ordonnance est composé de vingt-six articles. Quels sont ceux que nos lois nouvelles ont abrogés implicitement ou explicitement? Un arrêté du Directoire exécutif, du 28 messidor an VI, ordonna que publication nouvelle serait faite de onze articles seulement; les autres n'étaient-ils donc plus obligatoires? Le Directoire ne se permit pas de les déclarer abrogés; il n'en avait pas le droit. Un décret du 8 frimaire an II, avait déclaré la pêche libre à tout le monde; en restituant au domaine public la pêche dans les rivières navigables, la loi du 14 floréal an x ne fit-elle pas nécessairement revivre quelquesuns des articles non publiés par le Directoire, notamment l'article 15, portant prohibition aux mariniers d'avoir des engins à pêcher? A tort ou à raison, le seigneur du territoire et le seigneur haut-justicier prétendaient au droit de pêche sur les rivières non navigables, soit comme droit de police, soit à titre de propriété seigneuriale; à qui ce droit appartient-il depuis les lois et décrets. des 4 août 1789, 15 mars 1790, 13 avril 1791, 25 août 1792, 6 et 30 juillet 1793, qui abolirent la féodalité, les justices seigneuriales, et déclarèrent le droit de pêche compris dans la suppression? Plusieurs communes firent consacrer le droit de succéder aux seigneurs pour l'exercice exclusif de la pêche, et le droit des riverains n'a encore été reconnu que par un avis du conseil d'état des 27 et 30 pluviôse an XIII. L'ordonnance de 1669, la loi du 22 décembre 1790 et celle du 14 floréal an x, ne considèrent que les rivières navigables comme la propriété de l'Etat. L'article 538 du Code civil déclare en outre les rivières flottables des dépendances du domaine public. Cette disposition suffit-elle pour rendre applicable à la pêche, dans les rivières flottables, les dispositions pénales et réglementaires des lois antérieures sur la pêche dans les rivières navigables? Quel peut être l'effet du Code civil, relativement aux droits acquis sur les rivières flottables, avant sa publication? Le respect dû au droit de propriété, la police des fleuves, le repeuplement des rivières, rendaient donc indispensable une loi sur la pêche fluviale.

« Én consultant les autorités administratives, le gouvernement du roi a donné un nouveau gage de son intention de faire ce qui est le plus utile à l'Etat. C'est ainsi que fut préparé le Code civil, monument dont la gloire paisible vaut bien d'autres gloires. C'est ainsi que devraient être toujours préparées toutes les lois importantes qui restent à faire, et surtout les lois qui auront pour objet l'affermissement du gouvernement représentatif, en développant avec sagesse nos institutions constitutionnelles. »

M. le marquis de Bouthillier, commissaire du roi, reporte

à la chambre de pairs, dans la session de 1829, le projet adopté par la chambre des députés. Il dit : « Nous avons présenté à Vos Seigneuries, dans la dernière session, un projet de loi sur la pêche fluviale. Ce projet, dans une sage et luminense discussion, a subi d'importantes et utiles améliorations, et dès-lors la chambre élective, dans l'examen approfondi auquel elle vient de se livrer, n'a pu y apporter que de bien légères modifications. Vous vous rappelez, nobles Pairs, que son objet principal est de remplacer le titre XXXI de l'ordonnance de 1669, sur l'exercice de la pêche, et de mettre cette partie de notre législation en harmonie avec nos institutions.

« Les dispositions qui en forment la base, et qui ont donné lieu à une discussion approfondie dans cette chambre en 1828, et tout récemment à la chambre des députés, sont renfermées dans environ trente articles. Les cinquante-cinq autres articles du projet ont été empruntés du Code forestier; ainsi partie de cette loi a déjà pour ainsi dire acquis l'autorité de la chose jugée. Les huit titres dont il se compose règlent l'exercice de la pèche dans les cours d'eau qui sont du domaine public, et dans ceux dont la propriété appartient aux particuliers; l'administration de la pêche appartenant à l'Etat; la police de celle qui s'exerce dans tous les cours d'eau; la répression des délits, enfin quelques dispositions générales. Le titre I, qui traite du droit de pêche, est celui qui, l'année dernière, a fixé le plus particulièrement l'attention de Vos Seigneuries; la discussion a eu pour objet de déterminer, quant à l'exercice de la pêche au profit de l'Etat, les applications du principe qui place dans le domaine public la propriété des fleuves et rivières navigables et de leurs dépendances. Vous vous rappelez, nobles Pairs, qu'en ce qui touche le fonds de cette propriété, la loi proposée ne change point la législation existante, et que, si elle présente une définition des rivières navigables et flottables, cette définition n'a pour but de restreindre l'exercice de la pêche appartenant à l'Etat, et de prévenir les contestations qu'il pourrait faire naître si on lui donnait toute l'étendue que lui assigne le droit de propriété dont la pêche est un accessoire inséparable.

que

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Le droit de pêche sera exercé au profit de l'État, 1° Dans tous les fleuves, rivières, canaux et contrefossés navigables ou flottables avec bateaux, trains ou radeaux, et dont l'entretien est à la charge de l'Etat ou de ses ayant-cause;

2o Dans les bras, noues, boires et fossés qui tirent leurs eaux des fleuves et rivières navigables ou flottables, dans lesquels on peut en tout temps passer ou pénétrer librement en bateau de pêcheur, et dont l'entretien est également à la charge de l'Etat.

Sont toutefois exceptés les canaux ou fossés existans ou qui seraient creusés dans des propriétés particulières et entretenus aux frais des propriétaires.

DISCUSSION A LA CHAMBRE DES PAIRS. (1828.).

L'article du projet était ainsi conçu « Le droit de pêche appartient à l'Etat dans tous les fleuves, rivières, canaux et contrefossés navigables ou flottables avec bateaux, trains ou radeaux, et dont l'entretien est à la chage de l'Etat ou de ses ayant-cause, sans préjudice du droit acquis à des tiers par titres réguliers.

« Font partie intégrante des fleuves et rivières navigables ou flottables les bras, noues, boires et fossés qui en tirent leurs eaux et dans lesquels on peut librement passer ou pénétrer en bateau pendant le temps des moyennes eaux.

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«< Sont toutefois exceptés les canaux et fossés creusés dans des propriétés particulières et entretenus aux frais des propriétaires. » M. le marquis de Bouthillier, commissaire du roi, expose les motifs qui ont déterminé cette rédaction. C'est, dit-il, un principe de notre droit public, que les fleuves et rivières navigables ou flottables appartiennent au domaine de l'Etat. Ce principe, consacré par les ordonnances de 1407, 1554, 1572, et par l'article 41 du titre XXVII de l'ordonnance de 1669, a été

confirmé par la loi du 22 novembre 1790, et par l'article 538 du Code civil. Le droit domanial de la pêche dans ces rivières est une conséquence de ce principe; le projet ne fait que le maintenir. Mais les lois ne déterminent pas d'une manière précise ce qu'on doit entendre par rivière navigable et flottable, et elles laissent aussi des incertitudes sur les droits de l'Etat à la propriété de certaines dérivations de ces rivières. Les rédacteurs de ce projet se sont attachés à mettre la plus grande précision possible dans la définition de ces droits, afin d'éviter toutes difficultés entre l'Etat et les particuliers; et à cet égard ils se sont aidés du texte des lois et des interprétations de la jurispru

dence. »

M. le marquis de Maleville, rapporteur de la commission, s'exprime en ces termes dans son rapport : « Le titre Ier a pour objet le droit de péche. Ce droit peut s'exercer dans des fleuves, rivières ou canaux navigables; il s'exerce aussi dans des cours d'eau qui n'ont pas cette propriété. Dans les fleuves, rivières et canaux navigables, le droit de pêche appartient à l'Etat. C'est une conséquence du principe qui place dans le domaine public toutes les rivières de cette nature. Ce principe, fondé sur tous les monumens de notre législation ancienne et moderne, ne saurait être contesté. Il ne s'agit que de déterminer les applications et les restrictions dont il est susceptible. L'ordonnance de 1669, dans plusieurs de ses dispositions, la loi du 14 floréal an x (4 mai 1802), et enfin l'article 538 du Code civil, ont assimilé les rivières flottables aux rivières navigables. Mais les rivières flottables sont de deux sortes: dans les unes, le flottage a lieu à trains ou à radeaux; dans d'autres moins considérables, ou dont le cours est semé de certains obstacles, il ne peut se faire qu'à bûches perdues. De là, la question de savoir si la pêche est domaniale dans celles-ci comme dans les premières. Le projet de loi fait cesser toute difficulté, en n'attribuant à l'Etat le droit de pêche que dans les fleuves, rivières, canaux et contre-fossés navigables ou flottables avec bateaux, trains et radeaux. Cette disposition est d'ailleurs conforme à plusieurs décisions émanées des autorités administratives et judiciaires, notamment à un avis du conseil d'état du 21 février 1822.

« D'après l'ordonnance de 1669, pour que la propriété d'un fleuve ou d'une rivière fît partie du domaine public, il fallait qu'ils fussent naturellement navigables; qu'ils portassent bateaux de leur fond, et sans artifice ni ouvrage de main. Le projet étend les droits du domaine sur tous les cours d'eau navigables ou flottables dont l'entretien est à la charge de l'Etat ou de ses ayant-cause. C'est parce que tous les cours d'eau de cette

nature dont l'entretien est à la charge de l'Etat sont présumés lui appartenir. L'article 538 du Code civil considère comme dépendant du domaine public tous les fleuves et rivières navigables ou flottables, sans aucune distinction.

« Le projet déclare faire partie intégrante des fleuves et rivières navigables ou flottables, les bras, noues, boires et fossés qui en tirent leurs eaux, et dans lesquels on peut librement passer en bateaux pendant le temps des moyennes eaux.

ou

« Cette disposition a été l'objet de plusieurs réclamations. On a craint qu'elle ne prêtât à l'arbitraire, que les agens inférieurs de l'administration n'en abusassent pour contester à des propriétaires riverains le droit de pêcher dans des canaux ou fossés où ils l'ont paisiblement exercé jusqu'à ce jour, et qui ne font pas nécessairement partie des fleuves ou rivières avec lesquels ils communiquent. On a demandé que la disposition dont il s'agit ne s'appliquât qu'aux bras de rivières, noues, boires et fossés dans lesquels l'Etat aurait déjà fait des ouvrages d'art pour les entretenir et y assurer sa jouissance, ou dans lesquels on pourrait librement passer en tout temps avec des bateaux de même dimension que ceux qui servent à la navigation de la rivière, du moins d'un port déterminé, comme de deux tonneaux ou d'un tonneau. Ces conditions à imposer à l'Etat n'ont pas paru admissibles à votre commission : elle a pensé que, puisqu'il ne s'agissait que de l'exercice de la pêche, on ne pouvait exiger, pour la reconnaissance du droit de l'Etat, que les bras de rivières, noues, boires et fossés qui en tirent leurs eaux, fussent assez forts pour porter pendant toute l'année un bateau servant à la navigation; qu'il ne pouvait être question que d'un bateau de pêcheur. Toutefois, pour éviter les difficultés qui pourraient s'élever au sujet de la fixation du temps des moyennes eaux, elle estime que l'État ne peut revendiquer le droit de pêche dans les bras, noues, boires et fossés dont il s'agit, que tout autant qu'on peut y pénétrer en bateau, librement et sans aucun artifice accidentel, non-seulement pendant le temps des moyennes eaux, mais encore en tout temps. C'est ainsi, d'ailleurs, que cela s'est pratiqué jusqu'à ce jour d'après des décisions ministérielles; et la première rédaction du projet de loi y était conforme.

« Le troisième paragraphe porte : « Sont toutefois exceptés les «< canaux et fossés creusés dans des propriétés particulières, et «< entretenus aux frais des propriétaires.

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Quelques personnes auraient désiré qu'on y ajoutât ces mots : « Ainsi que les cours d'eau qui, servant de limite entre les héri<< tages, sont entretenus par les riverains. » Mais la commission

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