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§ VIII. NÉCROlogie. Morts en 1880: le comte de Montalivet, le duc de Grammont, qui fut ministre de Napoléon III, en 1870, Jules Favre, Adolphe Crémieux, le général Vinoy, le général Reffye, Mme Thiers, l'économiste Hippolyte Passy, les littérateurs Gustave Flaubert et Duranty, le peintre Léon Coignet et le graveur aquafortiste Jules Jacquemart.

CHAPITRE IV

Ouverture de la session de 1881. Sénat; Droit de réunion. Loi sur la Echec de la loi du divorce. Echec de la loi sur les syndiLois militaires.

Presse. cats professionnels. Enseignement primaire. Lois diverses. Propositions de revision de la Constitution. Le scrutin de liste. Constitution de la Société de Panama. Affaires tunisiennes. Traité de Kasar Said. Insurrections dans le Sud oranais, Bou Améma. Guerre Interpellation des députés algériens. de Tunisie, bombardement de Sfax. Lois diverses. Tarif général des douanes. - Assassinat d'Alexandre II. Avènement d'Alexandre III. Clôture de la législature. - Elections générales. Algérie et Tunisie. Affaires d'Egypte. Démission du ministère Ferry.

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§ I. OUVERTURE DE LA SESSION DE 1881. La session parlementaire de 1881, qui était la dernière de la législature, se présentait sous les auspices les plus favorables à la cause de la République en général, et spécialement au parti républicain opportuniste. Ainsi nommait-on celui qui s'inspirait des idées et de la méthode gouvernementales de Gambetta.

Le 9 janvier avait eu lieu le renouvellement de tous les conseils municipaux de France. La majorité républicaine leur était acquise dans 77 départements. Le conseil municipal de Paris conservait son attitude de républicanisme d'avant-garde, mais les collectivistes ou les communalistes voyaient échouer tous leur candidats. A quelque temps de là, en février, des élections partielles de députés donnèrent des résultats similaires.

L'élection des présidents du Sénat et de la Chambre se ressentit des indications données par le suffrage universel. Léon Say fut réélu président du Sénat et, à une imposante majorité, Gambetta fut élu président de la Chambre, Floquet en devint vice-président.

Le 21 janvier, en prenant possession du fauteuil, Gambetta prononça, au lieu de l'allocution d'usage, un discours un peu plus étendu.

Il y passait en revue les travaux accomplis jusque là par la Chambre élue contre le 16 mai, et les résultats obtenus au

milieu de la paix la plus profonde, au dedans et au dehors, il constatait l'approbation donnée, chaque fois qu'il avait été consulté, par le pays, à la politique de réforme, il concluait à la nécessité de persévérer dans la voie suivie et d'entourer la République d'institution, de plus en plus libérales et démocratiques.

La Chambre ordonna l'affichage du discours de son président.

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§ II. SENAT. DROIT DE RÉUNION. La loi sur le droit de réunion, qui n'avait abouti à la Chambre qu'après bien des efforts, fut rapidement votée par le Sénat. Elle revint à la Chambre sensiblement modifiée et dans un sens plus libéral. Le représentant de l'autorité n'y avait plus aucun droit spécial d'intervention, sinon, selon le droit commun, pour constater les délits, les tribunaux ayant seuls à en connaître. Les délais de la déclaration y étaient réduits à 24 heures pour les réunions ordinaires et à deux heures pour les réunions électorales, ils étaient même absolument supprimés, en cas de scrutins successifs dans une même journée.

§ III. LOI SUR LA PRESSE. La Chambre poursuivit labo

rieusement la discussion d'une loi nouvelle sur la liberté de le presse. Toutes les lois antérieures sur la matière furent abrogées, et toute la législation dut donc être reprise à pied d'œuvre. Le Gouvernement et la Commission étant d'accord sur toutes les questions primordiales, les travaux préparatoires de la discussion publique furent des plus rapides.

Etait supprimée, l'obligation pour le journal de ne paraître qu'après déclaration préalable; supprimés également l'autorisation administrative et le cautionnement. Le droit de réponse était octroyé à toute personne nommée ou désignée dans le journal. Nul journal étranger ne pouvait être interdit par voie administrative, autrement que par mesure délibérée au Conseil des ministres. Le colportage et la distribution furent rendus absolument libres. Une déclaration à la Préfecture fut la seule formalité exigée pour le colportage permanent; le colportage ou la distribution accidentels en étaient exempts. Les colpoteurs ou distributeurs d'écrits délictueux pouvaient être poursuivis.

A part la diffamation et l'injure contre les particuliers, tous les délits de presse devenaient justiciables de la juridiction du jury devant lequel l'inculpé fut tenu de faire la preuve de ses assertions. Les directeurs ou administrateurs de toute

entreprise industrielle, commerciale ou financière faisant appel à l'épargne et au crédit public furent en droit d'exiger la production de la preuve devant le jury. La récidive n'entralnait pas d'aggravation de peine.

Sur divers points, la Chambre avait été moins libérale que le Sénat, mais elle accepta volontiers les modifications, par lui faites dans le sens de plus de liberté.

La loi du 27 juillet 1881 se rapprochait très sensiblement de la liberté absolue de la presse, elle fut suivie d'un développement de l'industrie des journaux. Le journalisme, sans atteindre les proportions auxquelles il est parvenu en d'autres pays a néanmoins été transformé par la loi de 1881. Le législateur de 1881 ne s'est pas laissé effrayer par les dangers très réels de la liberté, pouvant tourner trop facilement à la licence et, mettant ceux-ci en balance avec les dangers de la répression, le plus souvent d'ailleurs impuissante en fait, il n'a cessé durant les débats aussi bien à la Chambre qu'au Sénat de prendre parti contre les amendements formulés dans le sens des mesures répressives.

§ IV. ECHEC DE LA LOI DU DIVORCE. Depuis 1878, M. Alfred Naquel, par des publications ou des conférences, s'efforçait d'habituer l'opinion publique à l'idée du rétablissement du divorce, aboli par la loi de 1816, et remplacé dès cette époque par régime de la séparation de corps. La loi du divorce était alors considérée comme des plus révolutionnaires, non seulement par les cléricaux, mais par les esprits libéraux, effrayés de ses conséquences sociales. Après trois ans d'efforts ininterrompus, M. Naquet était parvenu à faire mettre, enfin, en discussion en séance son projet de loi. Les cléricaux laissèrent aux républicains opposés à la loi le soin de l'attaquer seuls. De cette façon, la question religieuse n'était pas soulevée et l'appoint des voix de droite, joint au chiffre des républicains contraires à son adoption, pour des raisons juridiques ou sentimentales, constitua une majorité qui repoussa le projet Naquet. Le Gouvernement, par l'organe de M. Cazot, Garde des Sceaux, avait pris parti contre la loi, arguant de la nécessité qu'il y avait à préparer d'abord le public à cette réforme, qui, dans l'état de l'opinion, était pour le plus grand nombre un épouvantail. SV. ECHEC DE LA LOI SUR LES SYNDICATS PROFESSIONNELS. En abolissant la puissance des corporations et en faisant dispaaitre tout ce qu'elles avaient de réellement tyrannique, le législateur de 1791 avait sacrifié ce qu'elles avaient de bon

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au point de vue professionnel. Après quatre-vingt-dix ans, les dangers inhérents à leurs traditions n'était plus à craindre. Tout au contraire, par suite de la transformation profonde de tous les moyens d'action de l'industrie, le besoin d'entente entre les membres d'une même corporation s'était révélé chaque jour plus impérieux. Aussi, en dépit de la loi existante, des groupes d'ouvriers s'étaient-ils constitués en sociétés ou groupes d'études chargés de défendre en commun leurs intérêts vis-à-vis des chefs d'industrie. Ceux-ci, de leur côté, développant un embryon d'organisation qui datait de 1862, s'étaient groupés pour faire face à ces organisations ouvrières. Reprenant, en substance, divers projets de 1876 et de 1878, le Gouvernement, jugeant qu'il n'y avait là rien qui ne fût légitime, avait, en novembre 1880, déposé un projet de loi destiné à régulariser une situation existant en fait et à délimiter les droits et obligations des syndicats. Cette loi fut largement discutée à la Chambre où elle aboutit. Mais le Sénat ne crut pas devoir en faire l'objet d'un examen particulier et la renvoya à la Commission chargée de l'étude d'une grande loi sur les associations en général. Il en résulta que ce fut seulement trois ans plus tard que la loi sur les syndicats fut discutée et promulguée.

§ VI. ENSEIGNEMENT PRIMAIRE. En même temps que le Ministre de l'Instruction publique établissait les principaux règlements qui formèrent la charte de l'enseignement primaire, le Sénat s'occupait de la loi sur les titres de capacité, et de celle relative à la gratuité, l'obligation et la laïcité. L'extrême droite sénatoriale demandait le maintien du droit, jusqu'alors reconnu aux évêques, de conférer aux congréganistes la faculté d'enseigner, mais son intervention fut de peu de poids, et la suppression de la lettre d'obédience fut votée à une imposante majorité. Les partisans des Congrégations obtinrent quelques modifications transitoires basées sur des considérations tirées des « droits acquis». La loi dut en conséquence revenir devant la Chambre et fut promulguée le 16 juin 1881.

La loi sur l'instruction primaire, gratuite, obligatoire, laïque, n'eut point le même succès devant la Chambre haute. Le principe de la gratuité fut admis sans effort, mais celui de l'obligation donna lieu aux protestations de l'extrême droite qui le qualifiait d'attentat à la liberté. Quand à celui de laïcité, il fut l'objet de débats très vifs, à la suite desquels fut mise en discussion une série d'amendements, relatifs à l'obligation de l'en

seignement religieux et dont quelques-uns furent votés. Ils transformaient complètement l'esprit du texte adopté par la Chambre. Celle-ci, lorsque la loi revint devant elle, refusa de ratifier aucun de ces amendements. Comme la législature était arrivée à son terme, la loi tombait tout entière en désuétude et il fallut que la Chambre future la reprît tout entière. § VII. LOIS MILITAIRES. En 1881, furent votées les lois sur l'Intendance et sur l'avancement dans l'armée. Par la première, l'administration était subordonnée au commandement du corps d'armée, par la seconde, étaient établies les règles selon lesquelles seraient faites les promotions à un grade supérieur, et la proportion accordée à l'avancement, au choix ou à l'ancienneté. Pour les généraux, le ministre fut lenu d'établir son choix d'après la liste dressée par la commission de classement. Une loi sur le rengagement des sous-officiers, votée à cette même époque, fut l'objet des plus vives critiques, le rengagement s'effectuait pour une durée de dix ans et les sous-officiers rengagés pouvaient rester jusqu'à l'àge de quarante-sept ans dans l'armée active.

§ VIII. LOIS DIVERSES.— Parmi les lois promulguées en 1881, il y a lieu de relever celle accordant une primé à la navigation par la marine marchande; une loi du 26 mars, améliorant les pensions accordées aux inscrits maritimes; celle du 28 mars, créant les caisses d'épargne postales.

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§ IX. PROPOSITIONS DE REVISION DE LA CONSTITUTION. plusieurs reprises, la question de revision de la Constitution fut soulevée. D'abord, par les députés du groupe bonapartiste, qui proposaient de supprimer l'irresponsabilité du Président de la République et d'obliger celui-ci à choisir ses ministres en dehors du Parlement. Selon eux, les lois constitutionnelles devraient être ratifiées par un plébiscite. D'autre part, soixantecinq députés de l'extrême gauche, avaient apporté un projet abolissant le droit de dissolution accordé au Sénat, modifiant le mode de recrutement du Sénat, etc., etc. Il pouvait y avoir danger à ce que, sur cette question de revision, en soi très soutenable, le parti républicain se divisât et s'affaiblit. Telle était du moins la crainte dont Gambetta se fit l'interprète dans un important discours prononcé à Cahors, sa ville natale.

A son avis, il était prudent et sage de ne pas lancer une question passionnante parmi les luttes électorales du renouvellement de la Chambre qui était imminent. I considérait toute proposition qui menacerait l'existence du Sénat, comme impoli

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