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taient pas si rares dans l'Orient qu'il eût été à souhaiter.

Après avoir raconté sa résolution du synode sur la proposition faite par l'empereur Nicéphore Phocas, qui voulait faire canoniser ceux que les canons frappent d'une suspension de trois ans il dit que dans ce synode un évêque et plusieurs prêtres ayant confessé qu'ils s'étaient trouvés dans la mêlée en un jour de bataille, quelques-uns des évêques étaient d'avis qu'on les déposât; mais le plus grand nombre, et surtout ceux qui tenaient le plus de l'humeur guerrière, jugèrent au contraire qu'ils avaient mérité des louanges et des récompenses. «Complures autem et qui erant magis militares, eos etiam præmiis dignos esse contendebant. » V. Ce canoniste (Ibidem) remarque qu'on avait mis au rang des homicides ceux qui avaient tué quelqu'un dans un jeu des cannes; parce que bien que ce jeu ne fût que pour se divertir, il n'était pas néanmoins du nombre de ces cinq exercices que les lois autorisent. Ainsi ceux qui contre leur volonté donnent la mort à quelqu'un en l'un de ces cinq jeux, sont exempts de blâme; mais ceux qui tombent dans le même malheur au jeu des cannes ou des bâtons, sont traités comme ceux qui font volontairement un homicide involontaire, parce qu'ils veulent bien s'exposer au hasard de le faire.

Le style des canonistes latins est un peu différent, mais la décision est la même, qu'on tombe dans l'irrégularité lorsqu'on s'engage volontairement dans un exercice illicite, et qu'on y commet un homicide fortuit et involontaire. « Multi qui in tempore ludicri cum virgis certaminis homines interfecerant, homicidis annumerati sunt, qui involuntariam voluntarie cædem perpetrarunt, utpote cum hoc ludicrum non sit ex iis quinque, qua lege agnoscuntur, scilicet pugillatus, cursus, saltus, discus, palæstra. Quare qui in eis ludicris interficiunt, præjudicio non afficiuntur. »>

Voilà ce que dit Balsamon des laïques; car ces divertissements ne seraient pas bien séants, ni peut-être licites aux ecclésiastiques.

VI. A l'occasion d'un autre canon de saint Basile, qui décerne la peine des homicides à ceux qui ont donné la mort en défendant leur vie, Balsamon dit qu'en cela les canons ne sont pas contraires aux lois qui permettent de repousser la violence, en tuant ceux qui s'efforcent de nous tuer.

La raison est que les peines ecclésiastiques sont des remèdes plutôt que des peines; ainsi ceux qui ont commis un de ces homicides innocents, sont exempts des peines civiles; mais ils sont toujours sujets à des peines, ou plutôt à des pénitences médicinales.

« Pœnæ ecclesiasticæ non puniunt, sed sanctificant et medentur; et ideo decernit canon, ut qui quomodocumque Dei permissione in cædem indicerit, et ipsi etiam qui in bello occiderunt, in anima medicinam accipiant (Ibidem. In can. XLIII). »

VII. Les exemples que Balsamon ajoute ensuite, font paraître autant de vigueur que nous avons remarqué de mollesse et de relâchement en d'autres rencontres.

Il dit qu'on déposa un prêtre dans un synode, parce qu'il avait arraché un de ses livres d'église d'entre les mains d'un autre prêtre qui l'emportait, avec tant de violence qu'il le fit tomber en défaillance, d'où sa mort s'ensuivit à l'heure même. Un prêtre religieux fut déposé, parce qu'ayant reçu un outrage d'un autre religieux, il le traita aussi avec injures, et lui causa une si sensible douleur, qu'il en mourut de déplaisir.

Enfin cet auteur expliquant le canon vil du concile de Constantinople, que les Grecs nommèrent premier et second, assurent que les prêtres qui ordonnent ou qui exécutent de leur propre main la mutilation qui ôte les marques du sexe, sont déclarés irréguliers; et lorsque cette mutilation est jugée nécessaire pour la conservation de la vie, les prêtres peuvent bien la commander, mais ils ne peuvent pas l'exéculer eux-mêmes sans tomber dans l'irrégularité. Ils peuvent encore bien moins exercer sur eux ces cruelles exécutions lorsque la maladie les demande.

VIII. Venons à l'Eglise latine, où Etienne II promit à la noblesse française la rémission de leurs péchés, s'ils prenaient les armes pour la défense de saint Pierre et de l'Eglise romaine. « Pro certo tenentes, quod per certamen quod in ejus Ecclesiam vestram spiritalem matrem feceritis, ab ipso principe apostolorum vestra dimittantur peccata (Conc. Gall., tom. II, pag. 10). »

Jean VIII (Epist. CXLIV), donna la même assurance aux évêques de France pour les soldats qui, poussés d'un amour sincère de la religion, combattaient contre les infidèles, et y perdaient la vie : « Audenter Christi Dei no

stri pietate respondemus, quoniam illi qui cum pietate Christianæ religionis in belli certamine cadunt, requies eos æternæ vitæ suscipiet contra paganos atque infideles, strenue dimicantes. >>

Voilà les apparences et les espérances les plus avantageuses du monde; et néanmoins ces soldats ne laissaient pas d'être exposés à l'irrégularité.

IX. Après la guerre qui s'était allumée entre les rois Robert et Charles, le concile de la province de Reims, tenu en 923 (Conc. Gall., tom. II, pag. 578), décerna une pénitence de trois ans à tous les soldats de l'un et de l'autre parti, et ce ne fut pas une simple suspension de la communion et des saints mystères, ce furent des jeûnes au pain et à l'eau pendant les trois carêmes outre deux autres petits carêmes chaque année, de quinze jours avant la fête de saint Jean-Baptiste, et autant avant Noël.

X. Hincmar écrivit une excellente lettre aux évêques de sa province sur les guerres civiles qui étaient alors allumées dans la France, et sur la manière que les évêques devaient alors secourir leurs princes de leurs prières et de leurs troupes, en faisant néanmoins tous les efforts possibles pour empêcher que le sang des chrétiens ne fût répandu.

Il dit en effet que le pape Etienne dont nous venons de parler, employa ses avertissements apostoliques et ses plus pressantes prières envers le roi Pépin, pour l'obliger d'épargner le sang des Lombards, lorsqu'il les forcera de restituer à l'Eglise romaine ce qu'ils avaient usurpé sur elle. «Sed papa sanctus ne sanguis effunderetur Christianorum, admonitiones et obsecrationes apostolicas exhibuit, et apud domnum Pipinum obtinuit (Hinc., tom. I.) »

XI. Nithard raconte qu'après une de ces sanglantes batailles qui se donnèrent entre les enfants de l'empereur Louis le Débonnaire, les rois et les peuples commencèrent à consulter les évêques sur leurs obligations dans une si funeste rencontre. Les évêques répondirent que la guerre était juste, que ceux qui n'y avaient été portés que par les purs mouvements de l'amour de la justice, n'étaient sujets à aucune peine, mais que ceux qui y pouvaient avoir été excités par des ressentiments secrets de haine, de colère ou d'ambition, comme leur faute était secrète, aussi ils devaient en faire une confession et une pénitence secrète.

« Unanimes ad Concilium omnes episcopi confluunt, inventumque in publico conventu est, quod pro sola justitia, et æquitate decertaverint, et hoc Dei judicio manifestum effectum sit. At per hoc immunis omnis Dei minister in hoc negotio, haberi tam suasor, quam et effector, deberet. At quicumque conscius sibi aut ira, aut odio, aut vana gloria, aut certe quolibet vitio, quiddam in hac expeditione suasit vel gessit, esset vere confessus secrete, secreti delicti, et secundum modum culpæ dijudicaretur (Du Chesne, tom. II, pag. 371). »

XII. Il y a de l'apparence, 1° que la guerre des rois Charles le Simple et Robert, ou la manière dont elle se fit, ne parut pas aux évêques du concile de Reims, aussi conforme aux lois sévères de la justice, que celle dont nous venons de parler. A moins de cela ils n'auraient pas imposé une peine publique et canonique à tous ceux qui s'y étaient trouvés.

2° Que les évêques étaient souvent consultés par les princes sur la justice des motifs qui leur faisaient entreprendre une guerre. Si les évêques avaient une aussi grande part que nous l'avons fait voir aux conseils des souverains, ils ne pouvaient répandre plus utilement cette lumière et cette sagesse toute céleste qui accompagne leur divin caractère, qu'en faisant le juste discernement des guerres justes, et de celles qui sont contraires aux lois de la justice, quoique leur inclination et leur devoir les portent à conseiller toujours plutôt la paix que la guerre.

3° Néanmoins quelque juste que soit la guerre en elle-même, les particuliers s'y engagent assez souvent, et s'y conduisent ensuite par des intérêts et des passions fort contraires à la justice. Et c'est pour cela qu'on leur ordonne une pénitence secrète, et qu'on éloigne tous les soldats du ministère sacré des autels.

Enfin, les évêques ne jugeaient pas qu'ils pussent tomber dans l'irrégularité, pour avoir prononcé que la guerre était juste, pour avoir porté les soldats à s'y engager, pour y avoir contribué de leur secours, et de la milice même de leur église.

Jean VIII demanda aux évêques de France qu'ils vinssent avec leurs troupes pour le rétablir dans le Siége romain : « Cum omnium hominum vestrorum armata bellico apparatu manu. » Il pria les rois de commander aux évêques de s'acquitter de ce devoir envers leur

commune mère l'Eglise romaine

« Regalis censura regali autoritate compellat eos quantocius hostiliter Romam venire (Epist. CXIV, CXXV). »

Hincmar assure que s'il s'agissait de faire la guerre aux infidèles, les évêques ne feraient nulle difficulté d'y exhorter tout le monde : « Si enim contra paganos bellum immineret, consilium daremus bellatoribus nostris, et hortaremur eos adhortationibus, quas in litteris ecclesiasticis legimus (Hincm., tom. II, pag. 159). »

Le concile de Tribur parle d'une guerre déclarée contre les infidèles avec des termes qui témoignent bien que les évêques ne craignaient nullement de passer pour auteurs et promoteurs de ces sortes de guerres.

Mais comme dans cette glorieuse victoire que les chrétiens remportèrent sur les infidèles, il y eut quelques chrétiens de tués, parce qu'ils étaient esclaves des païens, et dans la chaleur de la mêlée on ne les put distinguer : ce concile ordonna quarante jours de pénitence à l'armée glorieuse.

« Quare una cum interfectis paganis perempli fuerunt christiani, captivi a barbaris, quia in impetu belli nequeunt distingui. Idcirco justum decernentes, statuimus cum interfectoribus misericordius agendum, ita ut quadraginta diebus pœnitentiæ indulgentius transactis, penes episcopum sit autoritas et potestas, ut perpendat culpam, agat indulgentiam (Conc. Tribur., c. XXXIV). »

XIII. Raban, archevêque de Mayence, s'opposa vigoureusement à ceux qui prétendaient qu'on ne devait point imposer de pénitence publique aux soldats qui s'étaient trouvés à la funeste bataille de Fontenay, entre les enfants de Louis le Débonnaire (Réginon, 1. 11, c. 50, de Eccles. Discip.; et epist. ad Heribald., pag. 474). Leur raison était qu'ils avaient obéi de part et d'autre à leur souverain. « Quasi non necesse sit, pro hoc cuilibet agere pœnitentiam, eo quod jussu principum nostrorum peractum sit. » Mais ce canoniste considérant non-seulement la guerre en elle-même, mais les motifs ordinairement intéressés de chaque soldat en particulier, il leur représente qu'on ne peut

jamais excuser ni l'avarice, qui est la racine féconde de toute sorte de maux, ni l'ambition aveugle de ceux qui ne considèrent rien moins dans une guerre juste que la justice, qui y commettent une infinité d'excès et d'injustices, et qui cherchent bien moins les occasions d'obéir à leur prince, que de satisfaire leur passion. « Utrum excusare possint eos qui propter avaritiam, quæ omnium malorum radix est, atque propter favorem dominorum suorum temporalium, æternum Dominum contempserunt; et mandata illius spernentes, non casu sed industria homicidium perfecerunt. »

Aussi Réginon ajoute ensuite la règle du pénitentiel, qui ordonne quarante jours de pénitence pour avoir donné la mort à un des ennemis en une guerre publique. « Si quis hominem in bello publico occiderit, quadraginta dies pœniteat. »

Les termes de ce canon ne distinguent point les guerres justes ou injustes, non plus que les motifs secrets, et les passions déréglées qui animent les particuliers, même dans les guerres justes. Cette discussion est difficile, et il est toujours plus sûr d'expier par une sage précaution et par une volontaire pénitence, les fautes dont on se sent coupable, ou pour le moins, dont on a sujet d'appréhender de l'être.

Raban ne fût pas disconvenu au fond, que dans les guerres justes et nécessaires à l'Etat, telles qu'on doit toujours les présumer quand on n'a pas des convictions certaines du contraire; les officiers et les soldats doivent obéir à leur prince, et une obéissance si légitime ne demande point d'être expiée par aucune pénitence. Mais les gens de guerre mêlent ordinairement tant de passions particulières et des intérêts si profanes à une action par elle-même juste, qu'il ne faut pas craindre que l'Eglise prenne trop de soin de leur faire expier leurs fautes par des pénitences salutaires.

Ce sont ces manières particulières et injustes de faire une guerre publique et juste que Raban voulait qu'on expiât selon les canons, et contre lesquelles les conciles se précautionnaient.

CHAPITRE SOIXANTE-ONZIÈME.

DE L'IRRÉGULARITÉ DES JUGES CRIMINELS, SOUS L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE.

I. Les ecclésiastiques ont demandé et obtenu la grâce de leurs ennemis condamnés au dernier supplice.

II. On répond à deux objections

III. Les raisons de cette admirable douceur de l'Eglise. IV. Les jours, les lieux et les ministres consacrés au Dieu de miséricorde, doivent être exempts des exécutions de la justice. V. Exemple contraire de saint Dunstan,

VI. Résolutions sages et tempérées du pape Nicolas Ier qui ménage la rigueur des lois et la douceur des canons.

VII. Autre exemple de sévérité d'un archevêque loué par le pape.

VIII. Apologie de ce pape et de cet archevêque par le cardinal Baronius.

IX. Douceur extrême des Grecs.

I. Les juges procurent la mort aux méchants, avec plus de justice que les soldats ne la donnent aux ennemis de l'Etat, néanmoins ils ne laissent pas d'être irréguliers.

Les ecclésiastiques mêmes, pour ne pas se laisser envelopper dans la même irrégularité, s'abstiennent de poursuivre criminellement devant les juges ceux qui ont attenté à leur vie, et tâchent de leur procurer, avec l'impunité de leur crime, le temps d'une salutaire pénitence.

C'est ainsi que lorsque l'empereur Charlemagne eut fait condamner à la mort ceux qui avaient entrepris sur la vie de Léon III, ce pieux pape obtint de l'empereur qu'ils fussent seulement punis de l'exil. « Ut majestatis rei capite damnati sunt. Pro quibus tamen papa pio affectu apud imperatorem intercessit, et vita et membra eis concessa: sed pro facinoris magnitudine, exilio deportati sunt (Ademarus in Vita Caroli Magni). »

Aussi quand ce pape eut été décrié auprès de l'empereur Louis le Débonnaire, comme s'il eût fait punir du dernier supplice ceux qui avaient encore une fois conjuré contre sa vie, dont l'empereur même fut extraordinairement surpris : « Hæc ægre tulit imperator, velut a primo orbis sacerdote tam severe animadversa.» Ce pape envoya des évêques à l'empereur qui dissipèrent sans peine cette noire calomnie:

« Leonem apostolicum criminibus objectis purgavere (Duchesne, tom. II, p. 296). »

II. Aussi quand Hincmar voulut décréditer la compilation des canons qu'on prétendait avoir été donnée par le pape Adrien à l'évêque de Metz Angilram ; il commença par ce canon inséré dans la même compilation, qui ordonne qu'on coupera la langue ou la tête même aux délateurs. « Delatori lingua capuletur, aut convicto caput amputetur. » Hincmar s'écrie après cela avec justice qu'il ne se pouvait rien voir de plus opposé aux règles saintes de l'Eglise. « Quæ quantum aliena sint a sacris canonibus, et quantum contraria sint ecclesiasticis judiciis nemo est qui ignoret (Hincm., tom. 11, p. 475).»

Jean VIII relâcha l'excommunication à laquelle il avait soumis l'évêque de Naples, lui enjoignant de lui envoyer quelques-uns des principaux Sarrasins, après avoir égorgé les autres. « Si majores Sarracenorum quantos melius potes, quos nominatim quærimus, cum omnibus aliis ceperis, et jugulatis aliis, eos nobis direxeris, a vinculo excommunicationis absolvimus (Epist. CCXCIV). »

Il ne faut pas croire que le pape ordonne à cet évêque de lui envoyer quelques-uns de ces seigneurs Sarrasins, après avoir égorgé tous les autres. Mais les autres ayant été auparavant mis à mort, ce pape demande qu'on lui envoie quelques uns de ceux qui n'ont pas été tués.

III. Hincmar déclare admirablement les raisons de cet extrême éloignement, que les ecclésiastiques sont obligés d'avoir de toutes les procédures criminelles, même par les voies de la justice. L'Ecriture leur enseigne de bénir ceux qui les maudissent, et de prier pour leurs persécuteurs, de rendre le bien pour le mal, de ne se défendre point, et de céder à la colère de leurs ennemis; enfin, saint Augustin ne peut souffrir qu'un évêque sollicite pour avancer la mort de quelqu'un, lui qui doit tra

vailler à prolonger leur vie temporelle, afin de leur procurer ensuite, par la pénitence, une vie et une félicité éternelles.

« Cum Cyprianus et Innocentius in decretis suis ex apostolica sententia judiciariæ potestati gladium legaliter vindicem doceant esse permissum, quem ecclesiasticis ministris, vel in bello, vel in seditione corripere, vel etiam portare, a majoribus nostris legimus non esse concessum. Et Dominus dicit: Benedicite maledicentibus vobis, et orate pro persequentibus vos. Et Petrus : Non reddentes malum pro malo. Et Paulus : Non vos defendentes carissimi, sed date locum iræ. Et Augustinus ad Bonifacium Africæ proconsulem : Fas, inquit, non est, ut reus episcopi suggestionibus occidatur, qui veniæ, si pœnituerit, reservatur (Conc. Duziacen. Cellotii, pag. 92). »

Ces enseignements évangéliques de patience, de douceur et de charité ont été particulièrement donnés aux parfaits et à ceux qui aspirent, ou qui sont déjà parvenus à l'état de la cléricature, qui est un état plus engagé aux plus saints exercices de la perfection.

En effet, entre les laïques mêmes il y en a eu à qui un amour ardent de la perfection évangélique a fait éviter ces actions mêmes de justice opposées à la clémence et à la douceur compatissante de la charité. Tel fut le comte Gérald, dont saint Odilon, abbé de Cluny, a écrit la vie. Il laissa échapper un grand nombre de criminels contre les lois ordinaires de la justice, par l'autorité et le mouvement de la loi suprême de la charité, qui a pour but de procurer aux criminels, non pas l'impunité, mais la pénitence, et qui ne leur prolonge la vie, que pour leur faire souffrir une longue, mais salutaire mort.

« Personas illas reorum, qui se in malum destinaverant, aut damnis coercebat, aut charactere adustionis inurebat. Illas autem personas, quæ non per consuetam malitiam, sed qualibet malum aliquod perpetrassent, indem nes dimittebat. Nunquam tamen auditum est, ut se præsente, aut morte punitus sit, aut truncatus membris (Bibl. Clun., pag. 78, 79).» IV. Sur ce principe, le concile de Mayence défendit les marchés et les assemblées des juges aux jours du dimanche, de peur qu'on n'y fit quelque exécution sanglante sur les coupables. « Ut mercatus in eis minime sit, nec placitum, ubi aliquis ad mortem, vel ad pœnam judicetur (An. 813, can, xxxvII). »

Les actions de justice ont toujours leur mérite et leur prix, mais elles ne conviennent pas à toutes sortes de personnes, ni à toutes sortes de temps, ni à toutes sortes de lieux. Les personnes, les lieux et les temps, qui sont plus particulièrement consacrés à Dieu, qui est un Dieu de justice, seraient néanmoins profanés par ces exécutions sévères de justice; parce que ce n'est pas sa justice, mais sa miséricorde et sa clémence infinies qu'il veut faire éclater dans ces temps de fêtes, dans ces lieux de piété, et par le ministère des personnes ecclésiastiques.

V. Le saint archevêque de Cantorbéry, Dunstan, en usa tout autrement dans une rencontre singulière.

Le jour même de la Pentecôte, il ne voulut commencer la célébration des divins mystères, qu'on n'eût exécuté la sentence prononcée contre trois faux monnayeurs. On l'assurait qu'on n'avait différé qu'à cause de la sainteté de la fête. « Respondetur ob reverentiam tanti diei, in alium diem esse dilatam justitiam. » Mais ce zélé pasteur voulut qu'on en fit l'exécution le même jour, quoique la peine füt jointe à la mutilation, car on coupa le poing à ces scélérats: « Manus erant perdituri (Surius, die xix, Maii, c. 32). »

Saint Dunstan justifia lui-même sa conduite par la nécessité de satisfaire au peuple qui avait reçu des pertes inexplicables par la méchanceté de ces faux monnayeurs. Peut-être appréhendait-il aussi que ce petit délai ne servît à les faire échapper.

Enfin, c'est un exemple singulier, qui ne peut préjudicier à la loi générale; et saint Dunstan est lui-même un prélat assez singulier et assez miraculeux pour n'être pas censuré, quand il fait une action qui ne peut être tirée à conséquence.

VI. Les décisions de Nicolas Ier furent plus canoniques et plus dignes de l'imitation des siècles suivants, lorsqu'il fit les réponses suivantes aux consultations des Bulgares. Il leur envoya les lois dont ils pourraient suivre la rigueur contre les traîtres, à l'Etat et à leur prince, avertissant néanmoins le prince qu'il est en son pouvoir de faire grâce.

Quant à ceux qui fuyaient en un jour de bataille, ou qui n'obéissaient pas aux ordres qu'on leur donnait par une lâche appréhension du danger, il leur conseille, ou de leur pardonner tout à fait, ou au moins de leur épar

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