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XII. XIII. XIV. Sentiments des Saints Pères sur cela, pourquoi une profession licite, louable et nécessaire, donne pourtant l'exclusion de la cléricature.

XV. XVI. Suite du même sujet.

XVII. Ardeur sainte des évêques et des ecclésiastiques, pour sauver la vie aux criminels.

mise entre les irrégularités, que parce que l'Eglise n'a eu garde d'entreprendre de priver les maîtres du droit qu'ils avaient acquis sur les esclaves.

XVIII. Les évêques qui poursuivirent la mort des hérétiques droit, on ne considérait plus que la qualité Aussi dès que les maîtres renonçaient à leur

devant l'empereur Maxime, furent irréguliers.

XIX. Saint Martin ne communia avec eux que par force et par condescendance.

XX. Nos évêques obtinrent le pardon de ceux qui avaient ôté la vie à nos martyrs. Différence du sacerdoce ancien et nouveau, selon S. Augustin.

XXI. D'où vient l'irrégularité de ceux qui mutilent, mais qui ne tuent pas.

XXII. XXIII. S'il est vrai que les grands-prêtres des païens ne pouvaient aussi contribuer à la mort des coupables.

XXIV. Si ceux qui tuent pour ne pas être tués sont irréguliers.

XXV. Les pénitents étaient exclus du clergé puis donc que les pénitents s'excluaient des armes et des magistratures, à plus forte raison les clercs s'en excluaient.

XXVI. Saint Basile prive de la communion pour trois ans ceux qui ont tué en guerre.

I. La servitude est une irrégularité, et son incompatibilité avec le sacerdoce est notoire.

Pour entrer dans l'heureuse servitude de l'état ecclésiastique, il faut être libre de toute autre, et il faut être affranchi de tous liens, pour s'attacher uniquement et irrévocablement à ces chaînes d'or, qui lient les ecclésiastiques à leur église et à leur évêque; mais saint Paul en procurant la liberté inestimable des enfants de Dieu à son maître Philémon, «teipsum mihi debes,» obtint facilement de lui la liberté temporelle d'Onésime, qu'il avait engendré en Jésus-Christ, et qu'il avait fait enfant de lumière dans l'obscurité de la prison, « quem genui in vinculis (Ad Philem.). »

Le canon des apôtres prouve par cet exemple qu'il ne faut pas ordonner les serfs, s'ils n'ont été affranchis par leurs maîtres. « Servi in clerum non ordinentur sine domini voluntate. Si quis vero dignus est, qualis Onesimus fuit, domino consentiente, et libertatem ei concedente, et extra domum suam emittente, in eum gradum ascendat (Can. LXXXII). »

II. Saint Paul ayant néanmoins assuré que Jésus-Christ ne mettait aucune différence entre le serf et le libre: «Non est Judæus, neque Græcus, non est servus, neque liber: omnes enim vos unum estis in Christo (Galat. III, 28; I Cor. vII, 12), » et ayant même conseillé de préférer la servitude à la liberté, pour adorer l'anéantissement de ce Dieu éternel et souverain, qui s'est fait esclave pour nous donner la vraie liberté : « Et si potes fieri liber, magis utere; il faut croire que la servitude n'a été

d'homme et de chrétien, qui met une véritable égalité entre tous ceux que le même Créateur a formés d'une même boue, et pour lesquels le même réparateur a répandu tout son sang.

III. Saint Léon se plaint à la vérité fort justement, qu'on estimait dignes du sacerdoce, ceux que leurs maîtres ne jugeaient pas dignes de la liberté. « Qui a dominis suis libertatem consequi minime potuerunt, ad fastigium sacerdotii provehuntur (Epist. 1, c. 1). » Mais les termes désobligeants dont ce pape se sert, « servilis vilitas, nulla natalium dignitas,» ne signifient que cette mauvaise éducation et la perversité qui accompagnent d'ordinaire cette sorte de gens; aussi joint-il ces deux choses, « quibus nulla natalium, nulla morum dignitas; » et dès que leur maître leur accorde la liberté, quoique la bassesse de leur naissance demeure la même, on les ordonne. « Si eorum petitio, vel voluntas accesserit, qui aliquid sibi in eos vindicant potestatis. »

Ce saint pape ajoute l'autre raison qu'il ne faut pas se donner à l'Eglise à demi, le ministère des autels demande l'homme tout entier, il faut être à soi pour se donner à l'Eglise ; l'homme d'Eglise n'est plus à lui-même, comment pourrait-il appartenir à d'autres? «Debet enim immunis esse ab aliis, qui divinæ militiæ fuerit aggregandus: ut a castris Dominicis, quibus nomen ejus adscribitur, nullis necessitatis vinculis abstrahatur. >>

IV. Il y avait diverses espèces de servitude, les unes étaient plus douces que les autres. II y avait des gens qui n'étaient attachés qu'à la culture des terres où ils étaient nés, et qui leur étaient commises à cette condition. Cette servitude, quoique plus légère, ne laissait pas d'exclure des ordres : «Sed et ab aliis etiam qui originali, aut alicui conditioni obligati sunt, volumus temperari: » dit le pape Léon.

Le pape Gélase (Ep. 1, c. 16) dit, «Servos et originarios, etc. » et ajoute que ces esclaves s'échappaient quand ils pouvaient de la chaîne, et tâchaient de se faire recevoir dans le clergé ou dans les monastères. Outre que ce n'était pas une sincère conversion, ce pape ne veut pas qu'on fasse tort aux maîtres qui redeman

daient leurs esclaves, «Ne per christiani nominis institutum, aut aliena pervadi, aut publica videatur disciplina subverti. »

Ils étaient donc aussi bien exclus des monastères que du clergé, d'où il paraît encore que cette irrégularité n'était fondée que sur la justice qu'on devait aux maîtres, sur la présomption apparente que la conversion des esclaves était feinte, sur la nécessité d'être tout entier à l'Eglise, quand on s'engage dans les saints ministères, enfin sur le peu de mérite qui se trouvait ordinairement en des gens si mal élevés.

V. Ceux qu'on affranchissait ne recouvraient pas toujours une liberté entière; ils demeuraient souvent redevables de quelques devoirs à leur bienfaiteur. Le concile d'Elvire les déclara aussi irréguliers, si leur libérateur n'était ecclésiastique. Car en ce cas, l'Eglise avait assez d'autorité, pour empêcher qu'on exigeât de celui qu'elle aurait ordonné, aucun service, ou indigne de son rang, ou incompatible avec son ministère. « Liberti quorum patroni in sæculo fuerint, ad clerum non promoveantur (Can. LXXX). >>

VI. La servitude des soldats et de quelques magistrats, n'étaient pas un moindre obstacle pour les ordres, quoiqu'elle fût honorable. C'est donc encore une preuve manifeste, que les disciples d'un Dieu caché sous la forme d'esclave, ne regardaient ni l'obscurité, ni l'infamie imaginaire des esclaves, quand ils les excluaient de l'autel; et qu'ils avaient uniquement égard à la séparation que tous les ecclésiastiques doivent avoir de tous les engagements étrangers. «Si quis post remissionem peccatorum cingulum militiæ sæcularis habuerit, ad clericatum admitti omnino non debet, »> dit le pape Sirice, et après lui Innocent Ier (Epist. Iv; Epist. 11). Voilà pour les soldats.

Les magistrats qu'on appelait décurions, ou curiaux, étaient en quelque manière esclaves du public, et si étroitement attachés à cette honnête servitude, que toute leur famille, leur postérité et leurs biens y étaient asservis. « Frequenter quidam ex fratribus nostris curiales vel quibuslibet publicis functionibus occupatos, clericos facere contendunt; quibus postea major tristitia; cum de revocandis eis aliquid ab imperatore præcipitur, quam gratia de adscitis nascitur:» dit le pape Innocent au même endroit.

ne devait pas moins exclure ces illustres esclaves. C'est qu'ils étaient contraints de faire représenter aux peuples des jeux et des spectacles, qui ont toujours passé au jugement de l'Eglise, non pas pour des divertissements honnêtes ou tolérables, mais pour des inventions diaboliques propres à allumer ou à entretenir des passions criminelles dans l'âme des spectateurs. a Constat eos in ipsis muniis etiam voluptates exhibere, quas a diabolo inventas esse, non dubium est, ludorum, vel munerum apparatibus, aut præesse, aut interesse.»

Il parle encore ailleurs des mêmes magistrats et les exclut, « Quoniam sæpius ad curiam repetuntur. » Et encore ailleurs, « Quantos ex curialibus, qui voluptates et editiones populo celebrarunt, etc. Nec de curialibus aliquem ad ecclesiasticum ordinem venire posse, qui post baptismum vel coronati fuerint, vel sacerdotium, quod dicitur, sustinuerint, et editiones publicas celebraverint (Epist. Iv, c. 3; epist. xx). »

C'est une autre raison d'exclusion pour les mêmes personnes, si après leur baptême exerçant les fonctions publiques de leur charge, ils avaient assisté ou présidé à des spectacles, ou si on avait mis sur leur tête quelqu'une de ces couronnes profanes, si communes entre les idolâtres, ou s'ils avaient exercé cette sorte de sacerdoce superstitieux, qui étaitsi souvent attaché aux dignités des magistrats entre les païens (Gelasius, ep. 1x).

Le code Théodosien (Cod. Theod., 1. XII, t. I, leg. 104, 115, 121, 123), dans tout le titre premier du livre xi, fait connaître quels étaient ces officiers Curiaux, quel était ce sacerdoce profane, quelles étaient les servitudes. Il nous apprend, qu'ils pouvaient se faire prêtres, en renonçant à autant de leur patrimoine, qu'il en était besoin pour les charges publiques, auxquelles ils étaient assujétis, ou en substituant d'autres personnes, ou leurs enfants aux mêmes charges, avec les commodités nécessaires, comme ces lois le déclarent. Ce qu'il faut néanmoins entendre avec cette condition, qu'ils ne fussent tombés dans aucune de ces irrégularités particulières, que nous venons de remarquer. Enfin ces lois du code font voir aussi que divers empereurs en ont diversement usé, et que leurs dispositions se sont toujours adoucies avec le temps.

VII. Saint Ambroise (Epist. XXIX), déclare Il y avait encore un autre inconvénient, qui que si les évêques se soumettaient à ces lois

impériales, ce n'était pas sans en gémir secrètement devant Dieu, dont le royal sacerdoce eût bien dû affranchir ses ministres, au moins après une prescription de trente ans. Il en fit des remontrances à Théodose au nom de tous les évêques, auxquels il était comme responsable de la conduite de l'empereur qui séjournait souvent à Milan.

« Quomodo excusabo apud episcopos, qui nunc, quia per triginta et innumeros annos presbyterii quidem gradu functi, vel ministri Ecclesiæ, retrahuntur a munere sacro, et curiæ deputantur, graviter gemunt. Nam cum ii qui vobis militant, certo militiæ tempore serventur, quanto magis etiam eos considerare debetis, qui Deo militant? Quomodo hoc, inquam, excusabo apud episcopos ? >>

Il demande ensuite quelque tempérament à cette rigueur excessive, « Hoc in notitiam clementiæ tuæ pervenire volui, de hoc ut placet arbitrio tuo consulere, et temperare dignaberis. »

VIII. Cette plainte ne regardait que l'honneur et la liberté de l'Eglise, qui était honteusement outragée, quand on arrachait ses prêtres ou ses diacres de ses autels, après trente ans de sacerdoce. Mais quant aux biens et aux héritages qu'il fallait abandonner à l'ordre des décurions, pour obtenir la liberté de la cléricature, saint Ambroise n'en forma jamais de plainte, et n'en demanda jamais d'adoucissement. Il se contenta en répondant à Symmaque, et s'adressant à l'empereur Valentinien, de faire voir ce que l'Eglise pouvait souffrir sans se plaindre.

<< Si privilegium quærat, ut onus curiale declinet, patria atque avita et omnium facultatum possessione cedendum est. Quomodo hanc Gentiles si haberent, ingravarent querelam, quod sacerdos ferias ministerii sui emat totius patrimonii sui damno, etc. Prætendens communis salutis excubias, domesticæ inopiæ mercede soletur. >>

La dureté de ces lois fut adoucie par les empereurs qui y apportèrent divers tempéraments, comme nous venons de dire.

IX. On peut réduire à cette espèce d'irrégularité ceux qui étaient comptables au public, ou les publicains, que Tertullien appelle pécheurs par office, « Ex officio peccatores (De pudicit., c. 9),» et que le pape Gélase regarde comme esclaves du public, « Publicarum rerum nexibus implicatos (Epist. IX). »

Les procureurs, les tuteurs et les curateurs, et enfin les comptables des particuliers ne pouvaient être ordonnés qu'après avoir rendu leurs comptes, et s'être mis en état de n'être plus chargés que du doux joug du Seigneur, et de cette divine charge, qui ne charge pas, mais qui porte ceux qui la portent. « Ut diaconi non ordinentur, qui procuratores et tutores et actores et curatores pupillorum fuerunt, nisi post deposita universa, et reddita ratiocinia. (Conc. Carthag. Tit. vin; Ferrandus, can. CXIX). » Il est vrai que ce canon ne regarde que les diacres et les ordres supérieurs.

X. Innocent I dans une de ses lettres (Epist. IV, c. 3) étend la même irrégularité sur ceux qui ont plaidé des causes criminelles dans le barreau, ou qui ont prononcé des arrêts de mort contre les criminels.

« Si quis fidelis militaverit, si causas egerit, id est postulaverit, si administraverit. » Il dit ailleurs (Ep. XXIII, c. 2). «Qui post acceptam baptismi gratiam in forensi exercitatione versati sunt, et obtinendi pertinaciam susceperunt, etc. » Et au même endroit : « Quantos ex militia, qui cum potestatibus obedierunt, severa necessario præcepta executi sunt? Quantos ex curialibus, qui dum parent potestatibus, quæ sibi sunt imperata, fecerunt ? »

Nous apprenons de là une nouvelle raison d'exclusion pour les magistrats municipaux et pour les soldats, outre la servitude ou l'engagement qu'ils ont à leur profession incompatible avec le dégagement si nécessaire aux ecclésiastiques de toutes les attaches basses et terrestres. C'est celle qui leur est commune avec les juges criminels, leurs avocats, et tous ceux qui travaillent avec eux à verser le sang des coupables.

L'éloignement que l'Eglise a du sang, et de celui même qu'on répand par les ordres de la justice, lui a fait bannir pour jamais toutes ces sortes de personnes du ministère, où l'on offre le sacrifice non sanglant d'une divine victime, qui a autrefois versé son sang pour les péchés de tous les hommes.

Le concile premier de Tolède en dit autant que le pape Innocent. «Si quis post baptismum militaverit, et chlamydem sumpserit, aut cingulum ad necandos fideles, etiamsi gravia non admiserit, si ad clerum admissus fuerit, diaconi non accipiat dignitatem (Toled. I, c. vIII). »

L'auteur de la vie de saint Hilaire archevêque d'Arles assure que si l'évêque de Besançon

Chelidonius fut déposé dans un concile où ce saint présidait, ce ne fut qu'après avoir été convaincu d'avoir épousé une veuve, et avoir fait perdre la vie à quelques criminels, lorsqu'il exerçait l'office de juge : « Sæculi administratione perfunctum, capitali aliquos condemnasse sententia (Conc. Gall., tom. 1, p. 79). »

XI. Le pape Innocent avoue que c'est l'écriture, et la loi divine même qui a mis le glaive entre les mains des souverains, des magistrats et des juges, on peut dire aussi des soldats, et de tous ceux qui sont les ministres et les exécuteurs des arrêts et des résolutions qui émanent d'une autorité si légitime. Ce pape ensuite proteste que l'Eglise n'a jamais décerné contre eux aucune pénitence (Epist. III, c. 3, 5). Pourquoi les a-t-il donc lui-même bannis pour jamais de la cléricature ?

On le trouvera moins étrange quand on pensera que plusieurs des anciens les avaient crus en quelque façon incapables du christianisme.

Tertullien le déclare assez ouvertement. « Hinc proxime disputatio suborta est, an servus Dei alicujus dignitatis aut potestatis administrationem capiat,si ab omni specie idololatriæ intactum se aut gratia aliqua, aut astucia etiam præstare possit. Credamus succedere alicui posse, ut neque judicet de capite alicujus, vel pudore, feras enim de pecunia, neque damnet, neque prædamnet, neminem vinciat, neminem recludat, aut torqueat, si hæc credibile est fieri posse, etc. » Et un peu plus bas. «Nunc de isto quæritur an fidelis ad militiam converti possit? et an militia ad fidem admitti, cui non sit necessitas immolationum vel capitalium judiciorum. Non convenit sacramento divino et humano; non potest una anima duobus de beri, Deo et Cæsari (De idololat.). » Il en dit autant ailleurs.

On pourrait peut-être excuser Tertullien en disant qu'il n'a pas absolument condamné la profession militaire, puisqu'il se justifie luimême, et tous les chrétiens de cette accusation, en protestant aux gentils dans son Apologétique, que nous prenions part aux hasards de la guerre et à la défense de l'empire. « Navigamus et nos vobiscum, et militamus (De corona militis). » Mais on ne peut nier qu'il n'ait reconnu une extrême disconvenance entre la profession d'un soldat ou d'un juge criminel, et la perfection évangélique, en ce que l'esprit de l'Evangile est un esprit de paix et de douceur qui tient à honneur de pardonner

les injures, d'oublier les offenses, de préférer la perte des biens à l'inquiétude des procès, de rendre le bien pour le mal, enfin de procurer plutôt la pénitence des pécheurs, que la mort temporelle qui les mène assez souvent à une mort éternelle, parce qu'elle n'est pas précédée de la pénitence.

XII. C'est en ce sens qu'il faut adoucir les paroles de saint Cyprien, quand il ne condamne pas tant la guerre, que la manière ordinaire de la faire. « Madet orbis mutuo sanguine, et homicidium cum admittunt singuli, crimen est; virtus vocatur, cum publice geritur (L. 11, ep. 11). »

Il faut user de la même douceur pour Lactance, quand il dit que l'esprit de paix qui règne dans le cœur du juste ne lui permettra jamais de s'engager dans les fureurs de la guerre; qu'il n'a garde de commettre des cruautés dont il ne voudrait pas même être le spectateur : « Cur belligeret, aut se alienis fu- . roribus misceat, in cujus animo pax cum hominibus perpetua versetur (L. v, c. 17). »

Il dit en un autre endroit : « Itaque neque militare justo licebit, cujus militia est in ipsa justitia; neque vero accusare quemquam crimine capitali, qui nihil distat, utrumne ferro, an verbo potius. Occisio ipsa prohibetur. Itaque in hoc Dei præcepto nullam prorsus exceptionem fieri oportet, quin occidere hominem sit semper nefas, quem Deus sanctum animal esse voluit (L. vi, c. 20). »

XIII. C'est s'opposer à la plus brillante vérité et à toute l'autorité des Ecritures, que de prononcer une condamnation générale contre la guerre, et contre les juges qui ne font mourir les coupables que pour donner une protection aussi nécessaire que juste aux innocents.

Tertullien et Lactance peuvent s'être un peu emportés au delà des justes limites d'un sage tempérament, lorsqu'ils ont cru qu'il fallait rendre commun à tous les chrétiens ce qui faisait le singulier avantage des parfaits. On peut aussi dire pour leur défense, que dans ces premiers siècles une grande partie des fidèles laïques se portait avec une ferveur incroyable, non-seulement à la pratique des préceptes, mais aussi à la perfection des conseils.

Ainsi quelque persuadés que nous soyons que la milice et l'exercice de la justice contre les criminels sont des professions licites et irréprochables, nous ne serions pourtant pas d'avis que les évêques ou les prêtres et les re

ligieux s'y engageassent à cause d'une disconvenance extrême, et même d'une incompatibilité toute visible entre deux professions, dont l'une exige une si haute perfection; et une si grande séparation de toutes les inquiétudes et des passions où l'autre est exposée; nous ne devons plus être si surpris si durant les siècles de ferveur les fidèles mêmes fuyaient très-souvent ces sortes d'emplois.

XIV. Origène répondant aux accusations dont Celse avait tâché de noircir la religion chrétienne, et surtout à celle qui regarde la fuite des emplois de la guerre et des magistratures, ne désavoue pas, comme avait fait Tertullien, ce crime prétendu; mais il le peint avec des couleurs si relevées, qu'il en fait une vertu très-excellente.

Il assure que les prières des chrétiens pour les empereurs sont un secours plus prompt et plus puissant contre tous les ennemis de l'Etat, que celui qu'ils peuvent attendre de leurs armées; que les prêtres mêmes des gentils ont été exemptés de la guerre, dans la créance que les sacrifices qu'ils offriraient ayant les mains pures, feraient remporter plus de victoires que les combats les plus sanglants; qu'il était bien plus véritable que la justice, l'innocence et les prières des chrétiens étaient la défense la plus invincible de l'empire; enfin que l'Etat était bien mieux soutenu par l'innocence des justes que par la valeur des soldats.

« Hortatur Celsus ut opem feramus imperatori, et geramus justa piaque bella, etc. Respondemus ferre nos imperatori auxilia suo tempore, sed divina, obedientes Apostoli verbis Obsecro vos, ut faciatis deprecationes pro omnibus hominibus, pro regibus, etc. Et quo cujusque insignior est pietas, eo majorem opem imperatori fert, magis quam stantes in procinctu milites et occidentes quotquot possunt ex hostibus. Ecce vestrorum quoque numinum sacerdotes dextras servant puras a sanguine causa sacrorum, ut incruentis manibus victimas offerant solemnes, etc. (L. ult. contra Celsum). »

Enfin Origène répond à Celse qu'il ne doit pas reprocher aux chrétiens qu'ils fuient les charges et les magistratures publiques, puisque nous avons des magistrats spirituels dans l'Eglise dont les charges ne se donnent qu'à la sagesse et à la vertu au reste ce n'est pas le mépris des dignités civiles qui nous les fait fuir mais le désir de nous réserver et de nous

:

consacrer à des occupations plus divines : « Nec hoc faciunt Christiani, quod ista publica vitæ munia refugiant, sed quod se servent divinioribus et magis necessariis muniis Ecclesiæ ad hominum salutem. >>

XV. Voilà le juste tempérament qu'Origène nous fait prendre; ce n'est pas qu'on condamne ni les justes guerres, ni les ministres d'une justice que Dieu même a armée contre les scélérats incorrigibles: mais durant ces premiers siècles les fidèles se réservaient ordinairement à des exercices moins disproportionnés à l'observance rigoureuse des maximes évangéliques; et l'Eglise non-seulement ne souffrait pas que ses ministres s'engageassent dans ces emplois séculiers; mais elle ne les choisissait pas même d'entre ceux qui y avaient été appliqués.

Si les païens à qui la vérité ne se montrait que par des rayons confus, et au travers d'un nuage épais de mille faux préjugés, jugeaient néanmoins que leurs sacrifices seraient moins agréables aux yeux de leurs fausses divinités, s'ils étaient offerts par des prêtres qui ne trempassent point leurs mains dans le sang même des criminels et des ennemis de l'empire : une lumière plus vive et plus épurée faisait voir aux fidèles que la sainteté de leur divin sacerdoce demandait une pureté et une innocence si parfaite, qu'au prix d'elle l'innocence même des soldats et des juges perdît sa blancheur et son prix. De même que la chasteté conjugale, qui est une vertu pour les laïques, serait un crime dans nos clercs majeurs.

Saint Jérôme dans son premier livre contre Jovinien, dit que David ne put bâtir le temple, parce qu'il avait versé le sang d'Urie: «Non ut plerique existimant propter bella sed propter homicidium, templum Domini ædificare prohibetur. » Quand le sang versé en guerre en aurait été cause, nous en tirerions le même avantage. C'est en effet la plus commune opinion.

Saint Hilaire sur le premier psaume fait admirablement voir l'incompatibilité des charges publiques avec la cléricature. « Qui volunt Ecclesiæ legibus subditi, fori legibus judicare, necesse est eorum in quibus diversabuntur, negotiorum quodam pestilenti contagio polluantur. Publicarum enim causarum ordo manere eos volentes etiam in ecclesiastica legis sanctitate, non patitur. Et quamvis religiosi propositi tenaces sint, tamen per necessi

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