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l'Eglise, au-dessus des canons. L'article 3 du concordat disait : « Sa « Sainteté déclarera aux titulaires des évêchés français qu'elle attend d'eux, avec une ferme confiance, pour le bien de la paix et de « l'unité, toute espèce de sacrifices, même celui de leurs siéges D'après cette exhortation, s'ils se refusaient à ce sacrifice com mandé pour le bien de l'Eglise (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s'attend pas), il sera pourvu, par de nouveaux titulaires, au gouuvernement des évêchés de la circonscription nouvelle. »

En conséquence, le 15 août 1801, le pape adressa une lettre à tous les évèques émigrés pour les inviter, pour le plus grand bien de l'Eglise, à résigner entre ses mains leurs évèchés. De son côté, le gouvernement français ne craignait pas d'opérer une pression sur le SaintSiége, et voulait qu'il fût passé outre, avant d'avoir reçu les réponses des anciens évèques. Le cardinal Consalvi répondit à une note de Portalis, que les règles de l'Eglise et l'usage constant du Saint-Siége apostolique dans ces circonstances exigeaient que Sa Sainteté attendit la réponse aux brefs envoyés aux évéques. . Mais dans une af faire de cette importance, ajoutait-il, et dans l'état actuel et extraordinaire des choses, dans des circonstances si impérieuses, Sa Sainteté ne veut voir que la religion elle-même, et s'apprête à passer sur toutes les règles canoniques, sauf le dogme. Sa Sainteté veut « faire, dans cette circonstance extraordinaire, tout ce qui ne lui est pas impossible.

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En conséquence, quoique procéder à la destitution de toute juridiction des titulaires (ce qui est nécessairement une suite de sup• pression d'anciens siéges et d'une création de nouveaux); quoique procéder au démembrement de diocèses qui, appartenant à d'autres évêques, seront compris dans la nouvelle circonscription, quoique cette action soit un pas si fort, surtout fait sans le consentement ou ⚫ l'interpellation des évèques; quoiqu'il n'y en ait aucun exemple e dans les dix-huit siècles de l'Eglise, Sa Sainteté s'est déterminée, pour obtenir le rétablissement de la religion en France et témoigner « au premier consul sa condescendance en tout ce qui ne lui est pas impossible, à envoyer, comme elle le fait, sa bulle concernant la nouvelle circonscription des diocèses français, telle qu'elle lui est demandée. »

Cependant les anciens évêques, qui étaient rentrés en France par suite du décret d'amnistie aux émigrés, s'empressérent d'adhérer, avec une admirable soumission, à la demande du pape. Je reçois avec • respect et soumission filiale, s écrivait, le 21 septembre 1801, l'évêque de Marseille, Jean-Baptiste de Belloy, doyen d'age de l'épiscopat, ale bref que vous m'adressez de notre saint Père le pape; plein de vénération et d'obéissance pour ses décrets, et voulant toujours lui être uni de cœur et d'esprit, je n'hésite pas à remettre e entre les mains de Sa Sainteté ma démission de l'évêché de Marseille. Il suffit qu'elle l'estime nécessaire à la conservation de la religion en France, pour que je m'y résigne.»

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Par attachement pour la religion, écrivait le même jour Jean Armand de Roquelaure, évêque de Senlis et ancien premier aumônier

XIV. De saint Jérôme. XV. De saint Ambroise.

XVI. De saint Augustin.

XVII. De saint Gaudence.

XVIII. XIX. Combien on doit redouter tous les ordres sacrés, selon saint Jérôme.

XX. Exemple du même saint Jérôme et de son frère.

XXI. Exemple de saint Augustin.

XXII. XXIII. De saint Paulin, de saint Chrysostome et de plusieurs autres.

XXIV. Autres exemples.

XXV. Les canons des conciles de Carthage. XXVI. Les lois de Léon et de Majorien.

de Louis XVI, pour conserver l'unité catholique, pour procurer l'avantage et le bien des fidèles et seconder les paternelles invitations de Sa Sainteté, j'abandonne volontairement et de plein gré le • siége épiscopal de Senlis, et j'en fais la libre démission entre les mains de Sa Sainteté. D

Jean-Baptiste de Chabot, évêque de Saint-Claude, répondait le 16 septembre 1801: Je respecte trop les ordres de Sa Sainteté pour ne pas m'y conformer. Aucun sacrifice ne me coûtera, lorsqu'il s'agira du rétablissement de la religion et de la gloire de son divin

@auteur. D

Evêque pour le bien des peuples, disait Jean-Baptiste-Marie de Maillé de Latour-Landry, évêque de Saint-Papoul, a je cese serai de l'ètre pour que rien ne s'oppose à leur union future, trop heureux de pouvoir, à ce prix, contribuer à la tranquillité de l'Eglise et à la prospérité des Français..

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Louis-François de Beausset, évêque d'Alais, écrivait en ces termes : Je me regarde comme heureux de pouvoir concourir par ma démission, autant qu'il est en moi, aux vues de sagesse, de paix et de conciliation que Sa Sainteté s'est proposée. Je prie Dieu de bénir ses pieuses intentions et de lui épargner les contradictions qui pourraient affliger son cœur paternel. »

Michel-François Couet Du Vivier de Lorry, évêque d'Angers, et Gabriel Cortois de Pressigny, évêque de Saint-Malo, s'exprimaient comme l'évêque d'Alais. Les évêques dispersés en Allemagne, en Espagne, en Italie, adhérèrent presque tous avec une généreuse soumission au bref de Pie VII. Malheureusement les contradictions, que pressentait l'évêque d'Alais, ne furent pas épargnées au pape par les prélats français réfugiés à Londres, au nombre de dix-neuf. Cinq se soumirent, mais les quatorze autres, sous l'influence de préoccupations politiques que leur inspirait le comité de Londres, répondirent au pape, en date du 27 septembre 1801, une lettre remplie d'aigreur, dont les phrases suivantes donneront une juste idée : • Votre Sainteté ne nous apprend pas, et pour avouer franchement la vérité « nous-mêmes nous ne concevons pas comment la viduité subite de toutes les églises de ce vaste empire produira l'effet salutaire de la • conservation de l'unité et du rétablissement en France de la religion catholique. Certainement l'expérience de toutes les calamités qui, depuis beaucoup d'années déchirent la patrie, montre assez tout ce que nous devons craindre des maux et des malheurs qui ⚫ résulteront pour la chose catholique, de cette viduité simultanée a et universelle : La voie à suivre pour éviter ces maux ne peut • être ouverte à Votre Sainteté que par une assemblée de tous les • évêques de l'Eglise Gallicane. Ils terminaient par refuser de résigner leurs évéchés.

Nonobstant ce refus, parut peu après la bulle Qui Christi Domini, du 29 novembre 1801, contenant la nouvelle création et circonscription des diocèses de France. Après avoir annoncé la création de dix métropoles et de cinquante évêchés, le pape rappelle qu'il a invité tendrement, et pour les plus grands intérêts de la religion, les an

I. Avant que de nous jeter dans la question de la résidence, dont les suites et les dépendances sont fort étendues; avant aussi que d'expliquer les autres obligations des bénéficiers et surtout des évêques, il ne sera pas inutile d'examiner ici, comme une question préliminaire, si l'on peut avoir des désirs, des espérances ou des prétentions justes et saintes pour l'épiscopat; ou, au contraire, si l'on peut opposer un refus absolu et une résistance invincible à une élection canonique. Tout ce que nous dirons de l'épiscopat se peut adopter aux ordres sacrés et aux dignités de l'Eglise.

II. Le pape Célestin dit que Maximien, successeur de l'impie Nestorius dans l'évêché de Constantinople, était monté à cette suprême dignité par les degrés du travail et du mérite, et que s'il avait désiré d'être évêque, il avait plutôt aimé l'action et le travail de ce divin ministère, que l'éclat de la dignité qui l'environne. «Etiamsi desiderium fuit episcopatus, nonnisi propter opus bonum, sicut ait Apostolus, concupivit. Ita Deus noster, et quid velimus, et cur velimus, attendit (Conc. Ephes., part. III, c. 20). »

Le diacre Théodore, dans sa requête présentée au concile de Calcédoine, proteste qu'il avait exercé toutes les fonctions de la cléricature durant l'espace de quinze ans, dans l'Eglise d'Alexandrie, avec espérance de parvenir à un degré plus élevé : « Quindecim annos in eodem clero permansi, sperans et majorem honorem mereri (Conc. Calced, act. 3). »

Le même pape Célestin écrivit aux évêques de France, que les prélats devaient être tirés du clergé de la ville même, et que l'épiscopat était la juste récompense de ceux qui avaient employé toute leur vie aux diverses fonctions

ciens évêques à se démettre : « Cependant, continue-t-il, nous voyons avec la plus vive amertume que, si d'un côté les libres démissions • d'un grand nombre d'évêques nous sont parvenues, d'un autre • côté, celles de plusieurs autres évêques ont éprouvé des retards, ou leurs lettres n'ont eu pour objet que de développer les motifs qui tendent à retarder leur sacrifice. Vouloir adopter ces délais, ce serait exposer la France, dépouillée de ses pasteurs, à de nouveaux • périls; non-seulement le rétablissement de la religion catholique serait retardé, mais, ce qui est surtout à craindre, sa position de« viendrait de jour en jour plus critique et plus dangereuse, et nos espérances s'évanouiraient insensiblement. Dans cet état de choses, c'est pour nous un devoir, non-seulement d'écarter les dangers qui • pourraient s'élever, mais encore de préférer à toute considération, quelque grave qu'elle puisse être, la conservation de l'unité catholique et celle de la religion, et de faire sans délai tout ce qui est • nécessaire pour consommer l'utile et glorieux ouvrage de sa rese tauration. C'est pourquoi, de l'avis de nos vénérables frères les cardinaux de la sainte Eglise romaine, nous dérogeons à tout con⚫sentement des archevêques et évêques légitimes, des chapitres et • des différentes églises et de tous autres ordinaires. Nous leur in⚫terdisons l'exercice de toute juridiction ecclésiastique, quelle qu'elle soit. Nous déclarons nul et invalide tout ce qu'aucun d'eux pour

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de la cléricature. « Habeat unusquisque clericorum suæ fructum militiæ in Ecclesia, in qua suam per omnia officia transegit ætatem. In aliena stipendia minime alter obrepat : nec alii debitam sibi alter audeat vindicare mercedem. Sit facultas clericis renitendi, si se vide rint prægravari (Epist. ad episc. prov. Vienn.).»

Il est vrai néanmoins que cette juste prétention ne regarde que le clergé d'une ville en général, sans qu'aucun particulier puisse se flatter de ces pensées ambitieuses.

Quand Célestin dit : « Unusquisque clericorum habeat, etc.,» il parle de ce que chaque clerc mérite et non pas de ce qu'il doit rechercher, et de ce que les autres lui doivent, non pas de ce qu'il peut se procurer lui-même.

Isidore Pélusiote dit qu'il n'appartient qu'à ceux dont la pureté répond aux règles de saint Paul, de désirer l'épiscopat. «Non est quorumlibet, vir præclare, episcopatum appetere, verum eorum, quorum vita ex Pauli legibus dirigitur. Quamobrem si illam in teipso sinceritatem perspicis, libenti atque alacri animo ad tanti fastigii ascensum perge. Sin autem ea tibi deest, quoad ipsam adeptus sis, ea quæ attingere nefas est, minime attinge. Cave ne ad ignem, qui materiam absumit, accedas (L. 1, ep. CIV). >>

Saint Chrysostome n'était pas d'humeur à flatter ou à excuser les désirs ambitieux du divin sacerdoce, et néanmoins les paroles de saint Paul à Timothée l'ont forcé de reconnaître qu'on pouvait souhaiter l'épiscopat, si on ne le regardait que comme le travail et l'exercice d'une très-ardente et infatigable charité. « Si quis episcopatum desiderat non culpo, non improbo, opus quippe regiminis est; si quis hunc idcirco appetit, non princi

rait faire dans la suite en vertu de cette juridiction; en sorte que ⚫les différentes églises archiepiscopales, épiscopales et cathedrales, a et les diocèses qui en dépendent, soit en totalité, soit en partie, suivant la nouvelle circonscription qui va être établie, doivent être regardés, et sont dans la réalité, libres et vacants, de telle sorte « que l'on puisse en disposer de la manière qui sera ci-dessous • marquée..

En face de ce grand acte de toute-puissance, n'oublions pas que la discipline n'est faite que pour le bien de la religion, et que la première des règles canoniques, c'est de s'en écarter quand le triomphe de la religion l'exige. L'épiscopat est sans doute d'institut.se divine, comme le simple sacerdoce l'est aussi, mais la manière exterieure de recevoir ou de limiter la juridiction, ou mème de la perdre, n'est pas déterminée par une loi divine. La règle qui veut qua siége épiscopal ne soit vacant que par la mort, la résignation os la destitution canonique du titulaire, est certainement bien ancienne, mais n'est pas d'institution divine: elle est purement ecclésiastique. Dès lors, elle est sujette à des exceptions, comme toutes les lois humaines. Or, la gravité et l'importance nonpareille des intérêts qui étaient en question, étaient des motifs parfaitement légitimes pour qu'en cette circonstance, le vicaire de Jésus-Christ se mit au-dessus des canons et des lois de l'Eglise. (Dr ANDRE.)

patus aut dominationis fastu, verum cura regiminis et charitatis affectu non improbo, inquit, bonum quippe desiderat opus. Si quis ita desiderat, desideret (In Epist. 1, ad Timot., hom. x). »

III. Mais saint Grégoire remarque dans son pastoral, que si l'Apôtre dit qu'on peut souhaiter l'épiscopat en l'envisageant simplement comme un ministère saint et pénible, il ajoute une condition qui doit donner de la terreur, quand il soutient qu'un évêque doit être irrépréhensible. « Laudans desiderium, in pavorem protinus vertit, quod laudavit, cum repente subjungit: Oportet autem episcopum irreprehensibilem esse (Pastoral. 1, part. 1, c. 8).»

Saint Paul a fait cette proposition en un temps où l'épiscopat était presque le chemin assuré du martyre: «Tunc laudabile fuit episcopatum quærere, quando per hunc quemque dubium non erat ad supplicia graviora pervenire. » L'épiscopat est une profession d'humilité, de mortification et de renoncement à toutes les richesses et aux délices profanes du siècle, ainsi c'est un étrange renversement d'y chercher l'élévation, les plaisirs ou les richesses. «Mundi lucrum quæritur, sub ejus honoris specie, quo mundi destrui lucra debuerunt (Ibid., c. IX). »

Enfin il est à craindre, que les grands biens et les œuvres saintes que se représentent ceux qui recherchent les dignités de l'Eglise ne soient que superficiellement dans leur pensée, et qu'en même temps l'ambition ne règne dans le fond de leur âme, et n'éclate un jour quand, après s'être trompés eux-mêmes, ils auront aussi trompé les autres, et auront été assez malheureux pour faire réussir leurs détestables desseins. «Sed plerumque hi qui subire magisterium pastorale cupiunt, nonnulla quoque opera bona animo proponunt; et quamvis hoc intentione elationis appetunt, operaturos se tamen magna pertractant; fitque ut aliud in imis intentio supprimat, aliud tractantis animo superficies cogitationis ostendat (Ibid., C. IX). »

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Saint Basile dit que Moïse refusa d'abord et n'accepta, qu'après des commandements réitérés, le gouvernement du peuple, parce que c'était une charge haute, éclatante et périlleuse, dont il était d'autant plus digne qu'il s'en croyait incapable. « Quare Moyses ad splendidum et illustre genus vitæ accitus, et ad tanti populi præfecturam, deprecatur eam : Quis sum, ut pergam ad Pharaonem regem Ægypti, et educam populum de terra Ægypti, etc. Rursus: Obsecro, Domine, insufficiens sum, etc. Supplico, Domine, delige alium (In cap. vi Isaia). » Au lieu qu'Isaïe accepta d'abord une commission qui n'avait point d'autres attrails que les persécutions et les croix : « Isaias per exuperantem charitatem injecit se medium subeundis periculis, Ecce ego, mitte me. »

V. Saint Grégoire de Nysse dit que Moïse ne put d'abord ranger à leur devoir deux particuliers qui se querellaient, qu'il alla ensuite passer quarante ans dans le désert, et qu'après ce long apprentissage, Dieu le jugea digne du gouvernement. « Magna igitur voce Scripturæ autoritas clamare videtur, non insiliendum esse ad docendam instituendamque multitudinem, nisi prius magna diligentia, magnisque laboribus eam fueris autoritatem adeptus, ut auditores verbis tuis facile acquiescant (De Vita Mosis). »

L'ambition démesurée de ceux qui envièrent le sacerdoce à Aaron fut punie d'une manière effroyable; la terre, s'étant ouverte sous leurs pieds, les ensevelit tout vivants, pour nous apprendre, dit ce Père, que l'orgueil qui semble s'élever est une véritable chute dans les plus profonds abîmes. « Docet hæc historia terminum elationis quæ fit ex superbia, descensum esse ad inferiora. »

VI. Synésius proteste qu'il eût préféré la mort à l'épiscopat, et qu'il ne sait pas comment il pourra jamais accorder l'accablement des affaires avec la contemplation des vérités célestes, dont on ne peut jouir que dans une heureuse et sainte retraite, et sans laquelle la vie lui serait plus pénible que la mort. « Equidem non unam mortem pro ea functione subiissem, etc. Qui meipsum negotiorum turbis implicans, in eas mentis pulchritudines animum possum defigere, quibus frui beati cujusdam est otii, sine quibus mei ac mei similibus, vita universa vitalis esse non potest? (Epist. XI.) >>

Il ajoute ensuite que celui qui peut tout,

peut aussi faire que l'épiscopat soit un degré pour monter à la contemplation, non pas pour en descendre: «Si a Deo derelictus non fuero, tum agnoscam sacerdotium non descensum esse a philosophia, sed ascensum. »

VII. Saint Chrysostome ne peut assez admirer la fureur de ces insensés qui se précipitent dans un abîme si dangereux, et qui veulent se rendre responsables du salut de tant de milliers d'âmes.

Si ceux qui ont été forcés, ne laissent pas d'être inexcusables dans les fautes qu'ils font en une administration si dangereuse, comme il paraît dans Aaron, dans Moïse et Saül, qui fuirent autant que possible ces sublimes dignités, que faut-il penser de ceux qui font comme une irruption violente pour y entrer? Il faut donc trembler et fuir, et ne se pas contenter d'avoir refusé une fois, lorsqu'on est entraîné par force, bien loin de s'ingérer soimême dans une charge où ce Père proteste, qu'il doute si l'on se peut sauver.

« Quid miseris illis dixeris, qui se conjiciunt in tantam abyssum suppliciorum? Omnium, quos regis, mulierum et virorum et puerorum, a te reddenda ratio est, tanquam igni caput tuum subjicis. Miror an fieri possit, ut aliquis ex rectoribus sit salvus, quum videam post minas et præsentem socordiam aliquos adhuc accurrentes, et se conjicientes in tantam molem administrationis. Nam si ii qui necessitate trahuntur, non habent quo confu-giant, et quo se excusent, si rem male administraverint, et sint negligentes, quanto magis ii qui in hoc suum studium ponunt, et in id irruunt? Timere enim oportet et contremiscere, et propter conscientiam et propter molem imperii et neque si trahantur, semel recusare : neque si non trahantur, in ipsum irruere, imo vero etiam fugere, prævidentes magnitudinem dignitatis (Hom. xxxiv, in Ep. ad Hebr.). »

Cet incomparable prélat confirme encore plus au long ces sentiments, dans son excellent ouvrage du sacerdoce, où il avoue qu'on ne peut refuser les justes louanges qui sont dues à un ardent amour du travail, qui forme dans le cœur quelque désir de l'épiscopat; mais il proteste en même temps, que l'amour de la gloire, de la grandeur et de la domination, est la peste la plus dangereuse et la plus redoutable de toutes, quoiqu'elle soit souvent la plus cachée (L. 1, c. 11). »

et de Jonas, que notre ambition doit être de fuir les dignités et de briguer les dernières places dans l'Eglise : « Bonum est non prosilire ad eas, quæ a Deo sunt dignitates et principatus et mysteria Ecclesiæ, sed imitari Moysen, et dicere cum eo, Provide alium, quem mittas. Neque ad principatum Ecclesiæ venit, qui salvari vult, sed ad servitutem Ecclesiæ (Hom. vi, in c. 6 Isaiæ). »

Isidore de Damiette fait remarquer au diacre Palladius, que les paroles de saint Paul, qui semblent d'abord approuver le désir de l'épiscopat, sont capables au contraire de le réprimer, par les difficultés dont il montre qu'il est environné de toutes parts. « Ego episcopatus opus mirifice laudo, divinum enim est. Ipsius autem amorem minime laudo, periculosus enim est. » C'est donc à tort que ces esprits ambitieux autorisent leur passion, par les mêmes paroles de saint Paul qui la condamnent: « Apostolum qui exitialem eorum morbum profligare studuit, tanquam morbo suo patrocinantem testem citant (L. III, epist. CCXVI, et 1. II, epist. cxxv). >>

IX. Saint Grégoire de Nazianze ne reçut la prêtrise, des mains de son père, qu'après une longue résistance, mais il s'enfuit dans le Pont, quand il se vit menacé de l'épiscopat. Saint Basile le fit enfin évêque de Sasimes, mais ce ne fut qu'après avoir donné de violents combats à son humilité, et s'être fait seconder par son propre père, évêque de Nazianze. « Consilio cum ipsius patre habito, invitum hominem et repugnantem electioni admovet, negotiumque conficit (Gregor., in ejus Vita). »

Ce grand mais humble théologien montrait encore mieux, par ses actions que par sa divine éloquence, combien il était persuadé qu'il fallait fuir les hautes dignités, et que l'ambition des honneurs était la source de tous les désordres qui déshonorent l'Eglise. «Primariæ sedis dignitatem nunc fugere, ut mihi quidem videtur, primæ et singularis est prudentiæ. Propter hanc enim res omnes nostræ jactantur et concutiuntur; propter hanc fines orbis terræ suspicione et bello fragrant (Orat. xxvIII). »

X. Palladius rapporte l'artifice innocent dont il fallut user, pour enlever d'Antioche saint Chrysostome, qui en était prêtre, et l'emmener à Constantinople pour y être ordonné évêque (Cap. v). Cet éloquent Père s'est surpassé lui-même, quand il a montré qu'il faut VIII. Origène prouve, par l'exemple de Moïse fuir l'épiscopat. Pour en être convaincu, il n'y

a qu'à lire son traité, du Sacerdoce, où il exprime les plus sincères sentiments de son âme, plutôt que les traits de sa divine éloquence, sur la fuite de l'épiscopat. Mais rien n'est plus merveilleux que le dernier avis qu'il donne à ces illustres et pieuses dames, que la sainteté de sa conduite et la justice de sa cause avaient si étroitement attachées à sa défense contre les auteurs de son exil.

Il leur ordonne de demeurer inviolablement unies à l'Eglise et à l'évêque qu'on ordonnerait à sa place, pourvu que ce fût une élection canonique. et non pas sa propre ambition qui le fit monter à cette dignité. « Hoc deprecor ne qua ex vobis, solitam ad Ecclesiam benevolentiam deserat; et quicumque non sponte fuerit ordinatus, neque id ullo quæsierit ambitu, sed de consensu omnium, ei caput vestrum inclinate ut Joanni per omnia (Palladius, cap. x). »

Théodoret dit que lui-même, quoiqu'il eût passé sa vie dans un monastère, n'accepta l'épiscopat que par force. « In monasterio tempus quod episcopatum præcessit, cum exegissem, invitus episcopus ordinatus sum (Epist. CLXXXI). >>

XI. Le saint religieux Ammon se coupa l'oreille droite, pour éviter l'épiscopat par cette irrégularité. « Cum ad episcopatum quæreretur, dextram sibi præcidit auriculam, » dit Socrate (L. IV, c. 18). »

Le solitaire Nilammon, sachant que Théophile d'Alexandrie venait pour l'ordonner évêque, se mit en prières et rendit l'esprit, au rapport de Sozomène, montrant qu'il redoutait moins la mort que l'épiscopat. Saint Chrysostome, étant encore jeune, évita l'épiscopat par la fuite, et par un innocent artifice, il y engagea son ami Basile (L. vIII, c. 19).

Saint Ephrem fit semblant d'être fou, pour se défaire de ceux qui l'entraînaient sur la chaire épiscopale. Synésius, pour éviter cette redoutable éminence, donna des marques d'une incontinence et d'une infidélité, dont il était effectivement très-éloigné, comme il le justifia lui-même par la suite de sa vie vraiment épiscopale. Saint Ambroise en fit presque autant, mais il ne put non plus, par tous ces déguisements, faire perdre ou diminuer la bonne opinion qu'on avait de son mérite extraordinaire (Sozom., 1. ш, c. 15; Synes., ep. XI, XLVII, LVII).

XII. Les empereurs Léon et Anthémius or

donnèrent qu'on n'élevât à l'épiscopat, que ceux qui s'en rendraient dignes par leur répugnance à le recevoir, et par leur sérieuse résistance. « Tantum ab ambitu debet esse sepositus, ut quæratur cogendus, rogatus recedat, invitatus refugiat, sola illi suffragetur necessitas excusandi (Cod. de Ep. et Cleric.; L. Si quemquam). »

Enfin, ces empereurs déclarèrent indignes de l'épiscopat tous ceux qui ne témoignent pas, par leur fuite, qu'ils s'en estiment eux-mêmes indignes. « Profecto enim indignus est sacerdotio, nisi fuerit ordinatus invitus. >>

XIII. Il faut revenir à l'Eglise latine. Le pape Corneille releva l'éclat et la pureté de toutes ses vertus, par la pudeur et la peine qu'il eut à subir l'épiscopat. « Episcopatum nec postulavit, nec voluit, sed pro pudore virginalis conscientiæ suæ, et pro humilitate ingenita sibi et custoditæ verecundiæ, non ut quidam, vim fecit, ut episcopus fieret, sed ipse vim passus est, ut episcopatum coactus exciperet (Cyprian., epist. LII). »

Le pape Zozime semble flatter les bons et vertueux prêtres de quelque espérance de l'épiscopat, quand il dit : « Ad presbyterii fastigium talis accedat, ut nomen ætas impleat, et meritum probitatis stipendia anteacta testentur: jure inde pontificis locum sperare debebit (Epist. 1). »

XIV. Saint Jérôme dit que le vrai mérite ne fait naître ces penseés et ces espérances, que dans l'esprit d'autrui, non pas dans le nôtre, et que nous ne méritons pas cette estime et ce jugement avantageux des autres, si nous ne l'appréhendons.

« Quod si te quoque ad eumdem ordinem pia fratrum blandimenta sollicitant, gaudebo de assensu, sed timebo de lapsu. Qui episcopatum desiderat, bonum opus desiderat. Scimus ista, sed junge quod sequitur, oportet autem hujusmodi irreprehensibilem esse, etc. Non omnes episcopi, episcopi sunt. Attendis Petrum, sed et Judam considera, etc. Non est facile stare loco Pauli, tenere locum Petri, jam cum Christo regnantium, etc. Probet se unusquisque et sic accedat (Epist. ad Heliod.). » Et en un autre endroit: « Si quis episcopatum desiderat, bonum opus desiderat, opus non dignitatem : laborem non delicias, opus per quod humilitate decrescat, non intumescat fastigio (Ep. ad Ocean.). »

XV. Saint Ambroise dit que l'ambition surmonte ordinairement ceux qui avaient été in

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