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Le Danemarck possède, dans l'archipel des Antilles, trois petites îles qui font partie des nombreux groupes d'îlots appelés îles Vierges. Saint-Thomas, Sainte-Croix et Saint-Jean, aux Danois; Saint-Eustache, aux Hollandais, et Tortola, aux Anglais, sont les seuls de ces rochers qui soient habités, et l'on peut dire par conséquent qui soient habitables.-Les possessions danoises se touchent, et leur population toute entière ne monte pas au-delà de 43,163 âmes, réparties de la manière suivante : St-Thomas. 5,513 esclaves. 8,707 libres dont 3,313 blancs. 14,022 Ste-Croix.. 19,876 dont 1,800 blancs. 26,681 dont 107 blancs. 2,475

St-Jean

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1,943

6,805

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532

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16,044

27,134

Total, 43,178'.

Saint-Thomas n'a pas plus de 22 habitations. Toute son importance est dans la franchise de son port, sorte de talisman qui en a fait un vaste entrepôt où l'Europe envoie ses marchandises, et dans lequel la côte ferme et les Antilles viennent s'approvisionner. Aussi la balance commerciale de Saint-Thomas est-elle, année commune, de dix millions de dollars (50 millions de francs). Si l'on ne savait que c'est aussi par la levée des prohibitions que Cuba a commencé l'ère de prospérité où elle marche, ce mouvement de 50 millions opéré sur un petit rocher attesterait l'influence que peut exercer la liberté du commerce sur la fortune d'un état.

Sainte-Croix est un îlot plat où l'on ne trouve pas un pouce de terrain en friche, et sur lequel on compte 142 habitations sucrières et 19 vivrières, toutes si admirablement cultivées et bordées de si beaux arbres que les routes semblent des allées de parcs. Pour cela, Sainte-Croix est justement appelée le jardin des Antilles.

1 Nous retrouvons ici comme partout dans les Antilles le nombre des femmes dépassant celui des hommes.

Parmi les libres, 6,785 hommes. Parmi les esclaves, 12,693 hommes.

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9,259 femmes.

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14,439 femmes.

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La question de l'abolition de l'esclavage est fort avancée dans les colonies danoises.

Le Danemarck, qui a eu successivement deux reines protestantes et abolitionistes par principes religieux, n'a cessé depuis longtemps d'essayer en faveur des esclaves tout ce qu'il était possible de faire sans les affranchir, et de la sorte a toujours tenu les maîtres en haleine, veillant sur leurs actes et protégeant les nègres avec un soin jaloux.

Pour tout dire en un seul mot, la condition des esclaves est aussi douce ici que le peut comporter la servitude. Les restrictions mises à la puissance du maître, restrictions qu'un gouvernement absolu pouvait seul imposer, sont telles, que pour notre compte, indépendamment de l'horreur que nous inspire l'esclavage, nous aimerions bien mieux employer des ouvriers libres que de posséder des hommes aussi peu esclaves.

Une ordonnance locale du 7 mai 1838 et un édit royal du 1er mai dernier donnent une idée parfaitement exacte du régime des ateliers, car l'une et l'autre sont sévèrement observés. Nous nous bornerons donc à les traduire :

<< Au nom de Sa Majesté royale de Danemarck, << Peter-Carl-Frédérick von Scholten,

« Major-général, chambellan, chevalier grande-croix de Dannebrog et Dannebrogsniau, grand-officier de la Légiond'Honneur et chevalier de l'ordre français pour le mérite militaire, gouverneur-général des îles danoises dans les Antilles,

<«< Fait à savoir : Après un mûr examen des causes du mécontentement qui se manifeste parfois sur quelques habitations, malgré les améliorations qui ont été graduellement introduites dans la position des laboureurs, je suis convaincu qu'une grande partie de ce mécontentement provient des actes arbitraires qui se commettent en ce qui concerne les heures de travail et la coupe de l'herbe après ces heures. Lorsque la quantité d'herbe nécessaire pour le bétail a été fixée, si l'habitation ne la peut fournir, les laboureurs sont forcés d'empiéter sur les

propriétés voisines pour prendre ce qu'ils ne parviennent pas à trouver chez eux. De telles choses sont illégales et blâmables. Elles produisent de mauvais sentimens parmi les laboureurs de la propriété dont on viole ainsi les limites, elles engendrent la discorde, détruisent la paix et le bon ordre, en un mot, elles touchent au bien d'autrui.

<< Afin de faire cesser ces abus et d'introduire une règle générale dans toutes les colonies sur ce point et sur d'autres, je considère qu'il est de mon devoir, jusqu'à ce que le bon plaisir de Sa Majesté soit connu, d'ordonner ce qui suit:

« Art. 1er. Les heures de travail pour les laboureurs sur toutes les habitations, durant les jours ouvrables et les jours de fête qui n'ont pas été considérés comme tels jusqu'ici par les habitans, commenceront au lever du soleil et cesseront au coucher, excepté dans certains cas qui sont mentionnés ci-après, avec les intervalles ordinaires de repos, c'est à dire de sept à huit heures pour le déjeûner, et de midi à deux heures pour le dîner.

་་

L'ordre de ces heures s'annoncera au son de la cloche sur quelques habitations dans chaque quartier, et sera répété par toutes les autres. On nommera prochainement les habitations qui doivent servir de guide'.

<< On sonnera le matin une demi-heure avant le lever du soleil, afin que l'appel puisse être fait au champ et le travail commencé au lever du soleil. Le déjeûner est fixé à sept heures, la reprise des travaux à sept heures trois quarts. Le dîner, de midi à une heure trois quarts, et enfin la cessation des travaux au coucher du soleil.

་་

L'ouvrage des champs doit être fait, y compris la coupe des herbes, durant les heures stipulées. Après le coucher du soleil, on ne doit faire d'autre labeur que ceux de l'écurie, des

1 La durée du travail n'est plus laissée à l'arbitraire du maître; forcément il est obligé, par ce moyen, de se renfermer dans les limites de la loi.

veillées de garde et des soins aux malades. On ne peut se dispenser de ces obligations ni après les heures de travail ni les jours de fête. Durant la récolte, s'il se trouvait après le coucher du soleil de la paille de canne éparpillée autour des établissemens, et qu'il fût nécessaire de la ramasser, il sera permis d'employer l'atelier à le faire, afin de prévenir les risques d'incendie et pour mieux conserver le chauffage; mais ceci ne peut prendre beaucoup de temps.

<< Lorsque la cloche sonne midi et au coucher du soleil, l'atelier ne doit pas se disperser; il viendra aux établissemens avec le commandeur, afin d'apporter le bois ou l'herbe qui auront été demandés.

<< Comme la fabrication du sucre ne peut être interrompue lorsqu'elle est commencée et doit être continuée jusqu'à ce que le jus de la canne soit bouilli, une exception à la ponctuelle observation des heures de repos et de cessation de travail est inévitable. En conséquence, les laboureurs occupés doivent continuer leur travail aussi longtemps qu'il sera nécessaire; mais le moulin ne sera mis en mouvement qu'au lever du soleil et cessera au coucher.

Lorsque les circonstances rendent la présence des enfans indispensable pour fournir de la canne au moulin durant les heures du déjeûner ou du dîner, il est permis de ne leur accorder que le temps indispensable pour manger, c'est à dire un quart d'heure pour déjeûner et une demi-heure pour dîner. On devra toutefois les renvoyer dans l'après-midi une heure plus tôt, afin de compenser le temps qu'ils ont donné en plus le matin.

<<< Les laboureurs doivent faire tout ouvrage qu'on leur commande même celui qui n'est pas mentionné ici; mais s'ils considèrent qu'on prend leur temps illégalement, deux d'entre eux peuvent venir porter plainte au gouverneur-général, et le propriétaire est tenu de le leur permettre'. Le gouverneur-général

'La violence n'est presque plus possible, puisque la victime peut d'une manière réelle en aller porter plainte immédiatement.

ordonnera que le cas soit attentivement examiné par la police. Les directeurs, propriétaires ou administrateurs, s'ils sont coupables, seront responsables des conséquences de leurs ordres, et si les laboureurs se sont plaints injustement, ils seront punis de même.

«< 2. La paix et l'ordre doivent être observés aussi bien audehors que sur l'habitation. Si quelques laboureurs, durant les heures de repos, quittent la propriété et occasionnent du trouble dans les chemins ou ailleurs, les chefs ont droit de les rappeler à toute heure pour les garder sur l'habitation et les empêcher d'en sortir.

<< Ma circulaire du 16 janvier 1837, de même que les autres règlemens qui ont été publiés concernant l'ouvrage volontaire fait par les ouvriers les jours de fête, restent en vigueur.

« Pour ce qui concerne la coupe des herbes, dont on a déjà parlé, les propriétaires ou administrateurs sont invités à faire observer aux laboureurs qu'ils ne peuvent, ni le dimanche ni aucun autre jour, couper de l'herbe que sur leur propre habitation. Pour infraction à cette règle, non-seulement le délinquant sera puni, mais les propriétaires, directeurs ou administrateurs respectifs seront responsables, s'il est prouvé que cela s'est fait par suite d'un manque d'herbes chez eux.

« 3. Aussitôt que le médecin de l'habitation ou la sagefemme déclarent qu'une femme est enceinte, elle doit être immédiatement transférée de la grande à la petite bande1, où elle demeurera jusqu'aux deux derniers mois de sa grossesse. Depuis ce temps jusqu'à son accouchement, elle doit être em

1 Dans toutes les colonies, à quelque nation qu'elles appartiennent, les ateliers sont divisés en deux bandes, appelées chez nous la grande et la petite bande. La première fait les gros ouvrages creuser les trous de cannes, planter, épailler, couper, etc. La seconde, composée des enfans, des individus valétudinaires ou convalescens, ramasse les feuilles, nettoie les champs, etc. On passe généralement de la petite à la grande bande, hommes et femmes, vers l'age de seize ans.

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