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prudence du Conseil d'Etat, qui déclare applicable à ce cas l'article 1153 du Code Napoléon, d'après lequel les intérêts ne sont dus que du jour de la demande. (Cons. d'Etat., 5 avril 1851, Dagien.) La même jurisprudence décide que si le retard de la liquidation provient des difficultés élevées par l'entrepreneur, il n'y a pas lieu d'allouer d'intérêts. (C. d'Et., 3 avril 1841, Puyoo.) Dans le droit commun, le débiteur, en cas de contestation sur le montant de la dette, ne se libère des intérêts que par des offres suivies de consignation, et seulement à l'égard de la somme consignée. La jurisprudence plus rigoureuse du Conseil d'Etat a sans doute pour but d'éviter les contestations mal fondées, comme celles qui étaient élevées dans l'espèce ci-dessus.

Les payements ont lieu au moyen de mandats délivrés par les préfets, sur des certificats signés par les ingénieurs ordinaires et visés par les ingénieurs en chef. Des circulaires tracent, pour toute cette comptabilité, des règles sévères et minutieuses dont le détail serait fastidieux et sans profit (1). Les mandats sont acquittés par le payeur du département. Ici vient se placer une exception forte importante aux règles du droit commun.

1157. Tout créancier peut former des saisies entre les mains des débiteurs de son débiteur C. pr. c., 557); il acquiert par là un droit sur la somme due, qui ne peut plus être payée à son préjudice. Les créanciers d'un entrepreneur sont, à cet égard, dans un cas exceptionnel; tant que les travaux ne sont pas reçus définitivement, ils ne peuvent faire aucune saisie valable (1. 26 pluv. an II, 1), et par la même raison aucun

(1) V. instr. du 26 flor. an IV, circul. du 16 pluv an XI et du 13 septembre 1811.

transport des droits de l'entrepreneur ne peut être valablement notifié. Les à-compte qui peuvent être payés à l'entrepreneur sont en effet destinés à lui faciliter l'exécution de ses obligations; s'ils pouvaient être touchés par d'autres que par lui, l'exécution des travaux pourrait en souffrir; l'intérêt public exige done qu'ils ne puissent pas être détournés de leur destination. Mais ce ne serait pas les détourner de leur destination que de les employer à payer le salaire des ouvriers et le prix des matériaux; aussi ces créances, et toutes celles qui sont motivées sur la construction des ouvrages, sont-elles exceptées de la prohibition, et peuvent-elles donner lieu à des saisies valables. (L. 26 pluv. an II, 3.)

Lorsque des travaux sont définitivement acceptés après le délai de la garantie, les raisons qui avaient fait suspendre l'exercice des droits des créanciers n'existant plus, ceux-ci peuvent former des oppositions; mais ils ne sont payés qu'après tous les créanciers dont le titre est puisé dans les travaux ou dans les fournitures qui ont profité à l'entreprise. Il était juste en effet d'accorder à ces derniers un droit de préférence sur les fonds pour les travaux auxquels ils ont coopéré. (Id., art. 4.)

CHAPITRE XVII.

LIQUIDATION DES CRÉANCES SUR L'ETAT. - CONTENTIEUX.
DÉCHÉANCES. CONTRÔLE DES VERSEMENTS.

SOMMAIRE.

1158. Qu'entend-on par liquidation?

1159. Législation de 1789.

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liquidation et du jugement des créances.

1161. Cas où l'autorité judiciaire est compétente.

commun.

Distinction de la

Contrats de droit

1162. Idem. Quid en cas de quasi-contrats, délits ou quasi-délits? Répétition de la chose non due.

1163. Responsabilité de l'Etat en cas de dommage de ses agents. Jurisprudence de la Cour de cassation.

1164. Jurisprudence contraire du Conseil d'Etat et du tribunal des conflits.

1165. Solution proposée.

1166. Exceptions à la règle générale.

-

1167. Compétence des ministres en matière de liquidation Exceptions.

1168. Déchéance des créanciers de l'Etat, ses motifs.

1169. Déchéances exceptionnelles.

1170. Arriéré de 1816.

Arriéré de l'an V.

1171. Déchéance de droit commun (loi 29 janvier 1831, 9).

1172. La déchéance s'applique-t-elle au défaut de dépôt de pièces jus tificatives?

1173. S'applique-t-elle à l'ordonnancement et au payement?

1174. Interruption de la déchéance par une demande portée devant les tribunaux (art. 2244 C. N.).

1175. Délai pour les créanciers résidant hors du territoire européen. 1176. Déchéances à moindre délai.

1177. La déchéance s'applique-t-elle aux actions résultant des principes de droit commun?

1178. Quid de l'action en pétition d'hérédité?

1179. Quid des fonds de cautionnement?

1180. Quid des fonds versés dans les caisses de l'Etat à titre de dépôt ? 1181. Autorité qui prononce sur la déchéance. - Effet des jugements. 1182. Point de départ de la déchéance. Elle ne peut courir avant la naissance de l'action.

1183. La déchéance peut-elle être invoquée par les particuliers mis aux droits de l'Etat?

1184. Contrôle des versements faits au Trésor.

1158. Parmi les créances de l'Etat, il en est un grand nombre dont le payement ne peut donner lieu à aucune difficulté; leur chiffre est fixé par avance; elles sont payées à des époques déterminées, ordonnancées par

les ministres et perçues par les créanciers, suivant des règles très-simples: tels sont le traitement des fonctionnaires publics, la solde des armées de terre et de mer, etc. Il en est dont l'existence est certaine, mais dont le quantum n'est pas fixé: telles sont les créances résultant des contrats de fournitures ou de travaux publics. Il en est aussi dont l'existence est douteuse. Dans le premier cas, il y a lieu à une liquidation; dans le second, il faut un jugement qui statue sur l'existence même de la créance; enfin, si dans la liquidation le créancier et le débiteur ne sont pas d'accord, il faut encore un jugement pour trancher les difficultés. Nous distinguerons avec soin ces deux choses que l'on confond souvent, ce qui jette de l'obscurité sur le contentieux relatif aux créances de l'Etat

La liquidation d'une créance est l'opération qui consiste à vérifier les titres sur lesquels elle est fondée, à l'admettre, la rejeter ou la réduire. Décr. du 47 juillet 1790.) Si le créancier n'en conteste pas le résultat, il ne s'agit plus que d'ordonnancer sa créance; s'il le conteste, il faut une autorité qui juge le procès qui nait alors entre lui et l'Etat. C'est souvent la même autorité qui est chargée de faire l'un et l'autre ; mais quelquefois aussi ces deux missions sont confiées à des organes différents.

4159. Après la révolution de 1789, l'Assemblée constituante se trouva en présence d'un immense arriéré, accru encore par les indemnités qui devaient être payées aux titulaires d'offices supprimés, aux créanciers de certains droits qui devaient être rachetés. La loi du 25 mars 1790 créa un comité de liquidation composé de douze membres. (Art. 6.) « L'objet du travail de ce » comité, dit l'art. 8 de la loi du 17 juillet 1790, sera

» l'examen et la liquidation de toute créance et de>> mande sur le Trésor public qui sera susceptible de >> contestation et de difficultés. »>

«Le comité, dit l'art 9 de la loi du 25 mars 1790, » rendra compte à l'Assemblée de chaque partie de la dette, à mesure qu'elle aura été vérifiée, et lui sou» mettra le jugement de celles qui pourraient être >> contestées. » La loi du 17 juillet 1790 posa en principe dans son article 1er que nulle créance sur le Trésor public ne pouvait être admise parmi les dettes de l'Etat qu'en vertu d'un décret de l'Assemblée nationale, sanctionné par le Roi. Ainsi, à la suite de la révolution qui venait de changer la face de la société, la liquidation des créances de l'Etat fut considérée comme ayant un caractère politique; elle fut opérée par des décisions législatives qui n'admettaient aucun recours. Mais on distinguait, ainsi que nous venons de le faire, la liquidation proprement dite et le jugement des difficultés.

1160 Nous croyons inutile d'analyser les autres lois qui reproduisirent le principe de la liquidation par l'autorité soit législative, soit administrative, pour arriver à l'art. 9 de l'ordonnance du 31 mai 1838, qui formule ainsi le principe actuel : « Aucune créance ne » peut être liquidée à la charge de l'Etat que par l'un » des ministres ou par ses mandataires. » La règle posée dans cet article est la sauvegarde du Trésor public Aujourd'hui et depuis 1789 aucune créance ne peut être payée par l'Etat, quelle que soit la faveur qui l'entoure, quel que soit le crédit de celui qui en est titulaire, quand bien même elle serait revêtue de toutes les formes exécutoires, sans avoir été préalablement soumise à l'examen d'un ministre. Par là on évite les abus dont l'ancien régime n'avait donné que

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