Page images
PDF
EPUB

>> aliénés, s'il est encore dû, retournent également » aux frères et sœurs légitimes. Tous les autres >> biens passent aux frères et sœurs naturels, ou à » leurs descendans. ->

Avant la révolution, les père et mère de l'enfant naturel ne lui succédaient point, sauf pour la mère, dans quelques pays que nous avons indiqués sur l'art. 756; mais les enfans légitimes du bâtard lui succédaient, et il pouvait disposer de ses biens en faveur de tout autre que ses ascendans naturels ; que s'il mourait sans enfans légitimes et sans disposition, sa succession appartenait au Roi, excepté qu'il ne fût né, n'eût été domicilié pendant sa vie, et ne fût mort dans la terre d'un seigneur haut-justicier, auquel cas de la réunion de ces trois conditions, ce seigneur en héritait. V. Bacquet, Bâtardise, ch. 8, et Justice, ch. 23.

Notre Code change toute cette jurisprudence, et dès qu'il avait admis les enfans naturels à succéder à leurs père et mère, il fallait bien réciproquement admettre ceux-ci à la succession de leur enfant naturel décédant sans postérité.

On avait été plus loin dans un premier projet, et on avait proposé qu'à défaut des père et mère, la succession de l'enfant naturel fût dévolue à ses frères et sœurs, soit naturels, soit légitimes, et à leurs descendans.

On remarqua que c'était admettre l'enfant naturel dans la famille, ce qui ne pouvait pas être; il fut répliqué que dès que l'enfant naturel était reconnu, on ne pouvait pas dire précisément qu'il

n'eût pas de famille, et que d'ailleurs l'ordre de succession qu'on proposait, ne tendait qu'à en exclure le fisc.

Ceux qui n'étaient pas d'avis' d'admettre indistinctement les frères légitimes à la succession, disaient que le fisc qui a la charge des enfans naturels, n'était pas si défavorable, et qu'il devait aussi quelquefois leur succéder. Ils croyaient qu'à défaut de postérité de l'enfant naturel, les frères et sœurs légitimes et leurs descendans devaient reprendre dans sa succession ce qu'il avait reçu de ses père, et mère; que son épouse devait venir après, et les frères et sœurs naturels, seulement après elle.

Cette dernière opinion fut définitivement adoptée, sauf la préférence qu'elle donnait à l'époux survivant sur les frères et sœurs naturels...

L'article 765 laisse cependant une difficulté ; il dit : que la succession de l'enfant naturel décédé sans postérité, est dévolue, etc. A-t-on entendu parler d'une postérité quelconque, ou bien seulement d'une postérité légitime? Je crois que c'est d'une postérité quelconque : quand on parle d'enfans naturels eux-mêmes, et de leur postérité, on n'est pas censé exclure la postérité illégitime, si on ne le dit formellement; et de plus, dès que l'art. 766 n'appelle les frères légitimes qu'à un droit de retour, et qu'il leur préfère, pour le surplus des biens, les frères naturels, on doit facilement croire que la loi a voulu que les enfans, même naturels, exclussent les père et mère également naturels.

M. Treilhard dit, dans son discours au Corps lé

gislatif, que les principes établis par ces deux derniers articles une fois posés, la succession de l'enfant naturel était recueillie suivant les règles ordinaires.

Avant de finir ce long article des enfans naturels, je dois dire un mot d'une question qui a long-tems partagé les tribunaux.

La fameuse loi du 12 brumaire an 2 disait, article premier, que les enfans naturels actuellement existans seraient admis aux successions de leurs père et mère ouvertes depuis le 14 juillet 1789, et qu'ils le seraient également à celles qui s'ouvriraient à l'avenir, sous la réserve portée en l'art. 10.

Cet article 10 disait que l'état et les droits des enfans naturels, dont les père et mère seraient encore existans lors de la promulgation du Code civil, seraient en tous points réglés par les dispo-. sitions de ce Code.*

L'article a assimilait pour les droits de successibilité, les enfans naturels aux enfans légitimes.

L'article 8 voulait que, pour être admis à l'exercice de ces droits, dans la succession de leurs père et mère décédés, les enfans naturels fussent tenus de prouver leur possession d'état, etc.

Il s'agissait de savoir si cette loi réglait seulement les successions ouvertes à l'époque de sa publication, ou si elle s'appliquait aussi à celles ouvertes depuis; et dans le tems intermédiaire entre sa publication et celle du Code civil.

La Cour de cassation a jugé par plusieurs arrêts que la loi du 12 brumaire ne réglait que l'état et les droits des enfans naturels dont les père et mère

étaient alors décédés, et que pour toutes les successions ouvertes depuis, elle renvoyait au règlement qui en serait fait pour le Code civii; elle a en conséquence cassé, pour excès de pouvoirs, différens jugemens où les tribunaux s'étaient ingérés de remplir cette lacune. On peut voir les raisons de part et d'autre, très-bien présentées, avec les motifs de décider, aux pages 246 et 257 du premier volume de la Jurisprudence de la Cour de Cassation, ouvrage commencé par M. Sirey, avocat en ladite Cour, et continué ensuite par lui et par M. Denevers, greffier de la Section civile; ils se sont depuis divisés au grand regret de la Cour, pour faire chacun de leur côté, sur le même sujet, un Journal bien estimable sans doute, mais qui ne pouvait pas perdre à la réunion de leurs talens et de leurs moyens respectifs.

La Jurisprudence de la Cour de Cassation a été confirmée par l'art. 1a. de la loi transitoire du 14 floréal an 11. L'art. 2 veut seulement que les dispositions entre-vifs ou testamentaires, antérieures à la promulgation des titres du Code, sur la Paternité et les Successions, et par lesquelles on aurait fixé les droits des enfans naturels, soient exécutées, sauf leur réduction ou un supplément, dans le cas où ces dispositions excéderaient ou n'atteindraient pas les quotes à eux fixées pas ce Code. Et l'art. 3 ordonne que les conventions et les jugemens passés en force de chose jugée, par lesquels l'état et les droits desdits enfans auraient été réglés, soient exécutés selon leur forme et teneur.

Une autre question sur les enfans naturels a été encore décidée par la Cour de Cassation. Nous avons vu qu'en principe, et sauf la difficulté de l'application, les enfans adultérins et incestueux pouvaient réclamer des alimens contre les auteurs de leurs jours. Les simples bâtards non-reconnus ont-ils le même droit? Cette question s'est présentée dans l'espèce suivante :

En l'an

9,

la fille Desforges cite Sprimont devant le tribunal de première instance, pour le faire condamner à des frais de gésisne pour elle, et à des alimens pour l'enfant dont elle a accouché, et qu'elle prétend être des œuvres de Sprimont,

Sprimont nie la paternité. La fille demande qu'il ait à répondre sur certains faits et articles. Il refuse, jugement qui l'ordonne, et sur son défaut, jugement définitif qui le condamne à payer,

Appel par Sprimont devant le tribunal supérieur de Liége, qui, le 8 floréal an 9, confirme le premier. Ses motifs sont que la recherche de la paternité n'est interdite que relativement à la successibilité, et non pour les alimens ; qu'il faut toujours que l'enfant soit nourri, et que la charge en est à celui que toutes les apparences annoncent pour père, que, suivant la loi 5, §. 9, ff. de Agn, et alend, lib., les alimens accordés à l'enfant ne sont pas même une preuve de filiation; que la fille Desforges ne demande pas aussi la succession pour son fils, mais uniquement des alimens dont la nécessité est urgente, et la justice démontrée par le refus même

« PreviousContinue »