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ART. 912. « On ne pourra disposer au profit d'un étranger, que dans le cas où cet étrranger pourrait disposer au profit d'un Français. Voyez l'observation sur l'art. 11.

D

On dévait s'attendre à trouver dans ce chapitre les règles sur les époques auquelles la capacité de donner et de recevoir est requise à l'égard des donations entre-vifs et des testamens. Je vais tâcher de remplir cette lacune.

Il y a deux sortes de capacité, celle de donner et celle de recevoir ; celui qui est capable de recevoir, n'est pas toujours capable de donner; par exemple, un enfant, un interdit, etc.

Relativement à la capacité, il faut distinguer les donations entre-vifs, des dispositions à cause de

mort.

Pour qu'une disposition à cause de mort soit valide, il faut que le disposant eût la capacité de la faire, et à l'époque où il l'a faite, et à l'époque de sa mort, L. 19, ff. qui testam fae. poss. L. 29, ff. de reg. jur.

Cependant, si l'incapacité survenue depuis l'acte, venait de quelque défaut naturel, comme si le testateur était devenu insensé, son testament fait dans un tems où il était sain d'esprit, serait valide.

Mais si l'incapacité survenue venait de la mort civile qu'il eût encourue, le testament fait auparavant serait nul: il reprendrait cependant sa force, si, à l'époque de sa mort, il était réhabilité; car on ne considère pas le tems intermédiaire entre la faction de l'acte et le décès. Voyez le §. 5, Inst.

quib. non est perm. fac. test. L. 6, 8, 18 et 20, ff. qui test. fac. poss., et l'art. 25 de notre Code.

Quant à la qualité passive de recevoir par testament, on ne la considère qu'au tems de la mort du testateur. Contre le §. 4, Inst. de hæred. qualit. et diff., par argument de l'art. 49 de l'ordonnance de 1755.

A l'égard des donations entre-vifs, la capacité n'est requise pour donner et pour recevoir, qu'à l'époque où elle est faite, parce que dès-lors l'acté est parfait et irrévocable. Il en est de la donation comme de tout autre contrat auquel il ne peut être rien changé par les évènemens postérieurs. Il faut voir, sur ces diverses questions, Serres, sur le tit. des Inst. quib. non est permis.; Furgole, sur l'ordonnance de 1731, etc.

Cette question dé capacité, et deux autres également intéressantes, se sont présentées devant la Section civile, dans la cause dn sieur Spiess, contre les sieurs Davrilly.

En 188, le sicur Spiess, religieux prémontré et curé de Montoire, se refugie en Suisse; la demoiselle Davrilly l'y suit; ils se marient devant un pasteur catholique, et passent un contrat de mariage devant un notaire du pays, par le lequel ils donnent mutuellement et réciproquement tous leurs biens présens et à venir, au survivant d'entr'eux. Le sieur Spiess avait changé de nom et affirmé, devant le pasteur, qu'il était libre.

Pendant la révolution, ils repassent en France, et le 24 brumaire an 2, ils se présentent devant

l'officier civil d'Ampuis, département du Rhône Ils lui déclarent, en présence de témoins, qu'ils ratifient et renonvellent, en tant que de besoin, le mariage qu'ils ont ci-devant contraté en Suisse, ainsi que les conventions matrimoniales qu'ils avaient faites; mais sans autrement expliquer quelles étaient ces conventions, leur date, ni le nom du notaire. L'officier public leur don ne acte de leur déclaration, les marie de nouveau, en tant que de besoin, et signe avec les parties et les témoins.

La demoiselle Davrilly meurt quelques années après; Spiess poursuit ses frères pour avoir à lui payer la dot de leur sœur. Ceux-ci excipent de la nullité du mariage, et il est en effet déclaré nul par jugement du tribunal d'appel de Caën; mais Spiess s'étant pourvu en cassation, la Cour, par un premier arrêt du 12 prairial an 11, ce jugement, sur le motif que l'acte du 24 brumaire an 2, était un nouveau mariage suffisant et valable, et renvoya les parties devant le tribunal d'appel de Rouen, pour statuer sur le fond des contestations. Ce tribunal jugea par son arrêt du 24 prairial an 12, que les sieurs Davrilly étaient non-recevables dans leur exception;, que, d'ailleurs, le contrat de mariage de Ban 1788 était bien nul par l'incapacité accidentelle du sieur Spiess, mais que les conventions matrimoniales n'ayant d'effet qu'autant que le mariage s'accomplit, c'était à cette dernière époque qu'il fallait seulement examiner, si le sieur Spiess était capable de contracter; or il n'y avait point de doute qu'il ne le fût en l'an 2; et qu'au surplus, la rati

fication des premières conventions, qui avait été faite devant l'officier civil d'Ampuis, était suffisante dans la forme, et devait leur assurer leur plein et entier effet.

Les sieurs Davrilly se sont pourvus à leur tour contre cet arrêt, et la cour a eu à examiner trois propositions: la première ; « Les demandeurs sontils recevables à exciper de la nullité du contrat de mariage ? »

La seconde : « Ce contrat était-il radicalement nul ?..

La troisième : « A-t-il pu être ratifié par la déclaration faite devant l'officier civil d'Ampuis ? »

La première question ne fit difficulté, que parce que différens arrêts du parlement de Paris avaient jugé les collatéraux non-recevables, quelques-uns même rendus sur les conclusions de M. d'Aguesseau mais d'abord, cette jurisprudence avait changé, depuis l'édit de mars 1697, comme l'observe Rousseaud, verbo Mariage, part. 2. Aussi l'article 187 du Code civil, qui, dans les ancien- ' nes matières, s'est toujours conformé aux usages les plus généraux et les plus raisonnables, a-t-il conservé ce droit aux collatéraux, lorsqu'ils y ant un intérêt né et actuel. Ensuite, on a bien pu, et on pourrait encore, dans certaines circonstances, déclarer les collatéraux non-recevables à attaquer un mariage; mais un contrat de mariage! on n'en citerait pas d'exemple. Il serait, en effet, de toute injustice d'empêcher les héritiers naturels de critiquer la validité d'un acte, en vertu duquel on

veut les dépouiller d'une succession que la loi leur défère. Autre chose est le mariage; autre, le contrat de ce mariage. L'un peut très-bien subsister sans l'autre, et il y a une infinité de gens qui se marient sans passer de contrat.

La seconde proposition fut plus débattue : les canons de différens conciles, adoptés en France par la puissance séculière, défendaient aux prêtres de se marier; et les ordonnances du royaume déclaraient les religions incapables de tous effets civils; ils ne pouvaient ni tester, art. 21 de l'ordonnance de 1735; ni succéder, article 337, de la Coutume de Paris; pas même être témoins dans un acte civil, art. 41 de l'ordonannce de 1735; ils étaient, en un mot, considérés comme morts civilement; art. 28 de l'ordonnance de Blois; et telle était, sans aucune exception, la jurisprudence de la France" L'acte de mariage et les conventions de 1788 étaient donc également nuls, mais d'une nullité absolue et radicale, comme étant contraires au Droit public et aux ordonnances du royaume.

Voyons cependant les objections faites contre cette proposition.

1o. La nullité, provenante de l'incapacité d'un prêtre pour se marier, et d'un religieux pour recevoir, n'était qu'accidentelle, et point absolue; le sieur Spiess pouvait espérer que cette incapacité serait levée, et en effet elle l'a été,

Rép. Quand même l'incapacité n'aurait été pronoucée que huit jours avant les acies de 1788, il

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